Améliorer l’hygiène de vie et lutter contre la sédentarité.
La prise en charge psychiatrique s’est longtemps focalisée sur l’amélioration des seuls symptômes psycho-comportementaux. Pourtant, les données s’accumulent sur les altérations de la santé globale des malades souffrant, notamment, de schizophrénie et de troubles bipolaires. Encourager l’activité physique serait, comme en population générale, un levier thérapeutique supplémentaire.
Surmortalité générale
Les patients atteints de schizophrénie et de troubles bipolaires ont une surmortalité précoce essentiellement liée à des causes dites « naturelles », par opposition aux « non naturelles » : suicide, accidents. Ces dernières expliqueraient moins d’un tiers des décès. Le risque relatif létal est multiplié par 2,22 par rapport à la population générale ; l’espérance de vie est réduite d’en moyenne 10 ans toutes étiologies confondues.1
Plus précisément, chez les sujets schizophrènes, la mortalité prématurée liée aux causes cardiovasculaires est doublée. Les maladies métaboliques sont, d’une manière générale, largement surreprésentées, alors que leur prise en charge est nettement moins bonne que celle proposée à la population générale.2 À titre d’exemple, seuls 69 % des diabétiques souffrant de schizophrénie reçoivent un traitement adapté. Ce taux baisse à 30 % quand il y a une hypertension artérielle, et à 4,6 % en cas de dyslipidémie.3
Plus précisément, chez les sujets schizophrènes, la mortalité prématurée liée aux causes cardiovasculaires est doublée. Les maladies métaboliques sont, d’une manière générale, largement surreprésentées, alors que leur prise en charge est nettement moins bonne que celle proposée à la population générale.2 À titre d’exemple, seuls 69 % des diabétiques souffrant de schizophrénie reçoivent un traitement adapté. Ce taux baisse à 30 % quand il y a une hypertension artérielle, et à 4,6 % en cas de dyslipidémie.3
Quelle activité proposer ?
L’OMS recommande aux adultes la pratique d’une activité physique d’endurance d’intensité moyenne (équi- valente à 5-6 km/h de vitesse de marche), au moins 150 minutes par semaine. Les malades psychiatriques sont très en dessous de ces objectifs. Dans le cas de la schizophrénie, la sédentarité quotidienne est en moyenne de 2 à 3 heures supérieure à celle d’un individu standard.
Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce constat. D’abord le rôle de la symptomatologie elle-même : symptômes négatifs dans la schizophrénie, ou manifestations liées à la dépression (aboulie notamment). L’impact potentiellement sédatif des médicaments ainsi que leurs conséquences métaboliques doivent aussi être pris en compte : antipsychotiques notamment.
Au manque d’activité physique s’ajoutent une alimentation déséquilibrée et la consommation de substances psychoactives, au premier rang desquelles le tabac.
Au total, un certain nombre de facteurs de risque s’avèrent modifiables. Le manque d’exercice en est un.
Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce constat. D’abord le rôle de la symptomatologie elle-même : symptômes négatifs dans la schizophrénie, ou manifestations liées à la dépression (aboulie notamment). L’impact potentiellement sédatif des médicaments ainsi que leurs conséquences métaboliques doivent aussi être pris en compte : antipsychotiques notamment.
Au manque d’activité physique s’ajoutent une alimentation déséquilibrée et la consommation de substances psychoactives, au premier rang desquelles le tabac.
Au total, un certain nombre de facteurs de risque s’avèrent modifiables. Le manque d’exercice en est un.
Comment faire le bon choix ?
La littérature est aujourd’hui très hétérogène concernant le choix d’une activité. Cela concerne aussi bien son type : marche rapide, course à pied, yoga, taï chi, gymnastique adaptée, que son intensité, sa durée hebdomadaire ou encore sa supervision ou non par un coach sportif. Cela nuit à l’obtention de résultats catégoriques, même si des tendances se dégagent.
Plusieurs auteurs soulignent l’importance de l’encadrement pour maintenir la motivation chez des patients qui souffrent fréquemment d’aboulie (diminution ou privation de la volonté d’agir), ou d’apragmatisme (coupure du réel et de l’expérience pratique). Des programmes sont en cours de validation en Amérique du Nord tels que, par exemple, le SHAPE (Self Health Action Plan for Empowerment) ou le KBIM (Keeping the Body In Mind) qui insistent non seulement sur la reprise d’une activité adaptée guidée par un professionnel mais aussi sur un changement global des habitudes de vie, alimentaires notamment, renforcé par un soutien psychothérapique.
Dans ses recommandations de bonne pratique, la Société française de psychiatrie souligne la nécessité de repérer les comorbidités organiques lors de l’hospitalisation des patients et de s’assurer que la prise en charge comporte bien les mesures hygiéno-diététiques adéquates, dont l’activité physique. Ce suivi est aussi l’occasion de relations plus étroites entre psychiatre et médecin traitant.
Plusieurs auteurs soulignent l’importance de l’encadrement pour maintenir la motivation chez des patients qui souffrent fréquemment d’aboulie (diminution ou privation de la volonté d’agir), ou d’apragmatisme (coupure du réel et de l’expérience pratique). Des programmes sont en cours de validation en Amérique du Nord tels que, par exemple, le SHAPE (Self Health Action Plan for Empowerment) ou le KBIM (Keeping the Body In Mind) qui insistent non seulement sur la reprise d’une activité adaptée guidée par un professionnel mais aussi sur un changement global des habitudes de vie, alimentaires notamment, renforcé par un soutien psychothérapique.
Dans ses recommandations de bonne pratique, la Société française de psychiatrie souligne la nécessité de repérer les comorbidités organiques lors de l’hospitalisation des patients et de s’assurer que la prise en charge comporte bien les mesures hygiéno-diététiques adéquates, dont l’activité physique. Ce suivi est aussi l’occasion de relations plus étroites entre psychiatre et médecin traitant.
Quels résultats ?
De très nombreux travaux ont été publiés dans différentes pathologies psychiatriques : schizophrénie, trouble bipolaire, dépression, troubles anxieux, anorexie mentale… Leurs résultats concernent aussi bien la santé physique que psychique, mais aussi la qualité de vie ou encore le fonctionnement cognitif.
À noter que l’équipe de Vancampfort (Lancet 2015) insiste pour qu’on distingue efficacité et efficience, c’est-à-dire le résultat dans la vie réelle des patients. Les obstacles à la motivation sont très nombreux ; il faudrait plutôt réduire la sédentarité (temps assis ou couché) que viser le niveau quotidien (sportif ou de détente) recommandé pour la population générale.
Le principal bénéfice est le meilleur contrôle du poids. Des programmes d’activité structurés entraînent une perte pondérale modérée chez les sujets souffrant de schizophrénie et de troubles bipolaires. Quelques données sont également en faveur d’une amélioration des capacités cardiorespiratoires, avec notamment une augmentation de la capacité maximale aérobie (VO2 max) chez les premiers. Les effets sur la pression artérielle et les paramètres biologiques (glycémie et bilan lipidique) sont en revanche plus limités, ce qui peut aussi s’expliquer par la durée restreinte des programmes. Dans une revue systématique de la littérature (Bernard, et al. 2011), 12 semaines sont considérées comme un minimum en prévention des troubles métaboliques des antipsychotiques. L’effort, aérobie, doit atteindre 50 à 60 % de la fréquence cardiaque maximale pendant 20 à 40 minutes continues par séance.
Concernant la santé psychologique, plusieurs travaux témoignent d’un effet réel sur la symptomatologie négative et, dans une moindre mesure, sur les symptômes positifs de la schizophrénie.
La prise en charge du versant négatif (atonie affective, pauvreté cognitive, absence d’initiative, de volonté et d’endurance, anhédonie, stéréotypies, isolement social) restant un défi thérapeutique, l’activité physique serait un moyen supplémentaire pour réduire ces troubles.4
De nombreuses études mettent en avant l’intérêt de l’exercice contre la dépression uni- ou bipolaire. Selon une méta-analyse récente, une diminution moyenne de plus de 4 points à l’échelle de Hamilton est attribuée spécifiquement à un programme d’activité physique.5
Des données moins nombreuses attestent également la réduction des symptômes dans le trouble panique, l’anxiété généralisée, l’état de stress post-traumatique.
De manière plus confidentielle, quel-ques études montrent l’intérêt de la « réhabilitation physique supervisée » (destinée aux malades chroniques, sous la responsabilité d’un éducateur médico-sportif) pour aider les patientes atteinte d’anorexie mentale à reprendre du poids.
L’exercice sportif est aussi associé à une amélioration du sentiment d’efficacité personnelle et de la qualité de vie chez les personnes souffrant de schizophrénie ou de troubles de l’humeur.
À noter que l’équipe de Vancampfort (Lancet 2015) insiste pour qu’on distingue efficacité et efficience, c’est-à-dire le résultat dans la vie réelle des patients. Les obstacles à la motivation sont très nombreux ; il faudrait plutôt réduire la sédentarité (temps assis ou couché) que viser le niveau quotidien (sportif ou de détente) recommandé pour la population générale.
Le principal bénéfice est le meilleur contrôle du poids. Des programmes d’activité structurés entraînent une perte pondérale modérée chez les sujets souffrant de schizophrénie et de troubles bipolaires. Quelques données sont également en faveur d’une amélioration des capacités cardiorespiratoires, avec notamment une augmentation de la capacité maximale aérobie (VO2 max) chez les premiers. Les effets sur la pression artérielle et les paramètres biologiques (glycémie et bilan lipidique) sont en revanche plus limités, ce qui peut aussi s’expliquer par la durée restreinte des programmes. Dans une revue systématique de la littérature (Bernard, et al. 2011), 12 semaines sont considérées comme un minimum en prévention des troubles métaboliques des antipsychotiques. L’effort, aérobie, doit atteindre 50 à 60 % de la fréquence cardiaque maximale pendant 20 à 40 minutes continues par séance.
Concernant la santé psychologique, plusieurs travaux témoignent d’un effet réel sur la symptomatologie négative et, dans une moindre mesure, sur les symptômes positifs de la schizophrénie.
La prise en charge du versant négatif (atonie affective, pauvreté cognitive, absence d’initiative, de volonté et d’endurance, anhédonie, stéréotypies, isolement social) restant un défi thérapeutique, l’activité physique serait un moyen supplémentaire pour réduire ces troubles.4
De nombreuses études mettent en avant l’intérêt de l’exercice contre la dépression uni- ou bipolaire. Selon une méta-analyse récente, une diminution moyenne de plus de 4 points à l’échelle de Hamilton est attribuée spécifiquement à un programme d’activité physique.5
Des données moins nombreuses attestent également la réduction des symptômes dans le trouble panique, l’anxiété généralisée, l’état de stress post-traumatique.
De manière plus confidentielle, quel-ques études montrent l’intérêt de la « réhabilitation physique supervisée » (destinée aux malades chroniques, sous la responsabilité d’un éducateur médico-sportif) pour aider les patientes atteinte d’anorexie mentale à reprendre du poids.
L’exercice sportif est aussi associé à une amélioration du sentiment d’efficacité personnelle et de la qualité de vie chez les personnes souffrant de schizophrénie ou de troubles de l’humeur.
Angle biologique
Sur le plan neurobiologique, plusieurs travaux suggèrent que l’activité physique favorise la plasticité hippocampique tant dans la dépression que dans la schizophrénie, où ces données seraient corrélées à une récupération des capacités mnésiques antérogrades. Plus globalement, le bénéfice de l’exercice physique serait lié à son action anti-inflammatoire au niveau du système nerveux central.
Dimitriv, et al. (2016) ont démontré l’inhibition forte du TNF-alpha monocytaire par les catécholamines (bêta-2 adrénergiques) produites lors d’un exercice modéré à intense (dès 65-70 % de la capacité maximale) pendant 20 minutes. Cet effet, parallèle à l’intensité musculaire, contre-balancerait ceux de l’inflammation chronique de bas grade présente au niveau du système nerveux central.
Dimitriv, et al. (2016) ont démontré l’inhibition forte du TNF-alpha monocytaire par les catécholamines (bêta-2 adrénergiques) produites lors d’un exercice modéré à intense (dès 65-70 % de la capacité maximale) pendant 20 minutes. Cet effet, parallèle à l’intensité musculaire, contre-balancerait ceux de l’inflammation chronique de bas grade présente au niveau du système nerveux central.
Encadre
Une fédération sportive consacrée aux malades psychiatriques
la Fédération française des sports adaptés (www.ffasa.asso.fr) est dédiée aux personnes avec un handicap mental ou psychique, par délégation ministérielle. Elle propose sur tout le territoire des entraînements en sports de loisir ou en activités motrices, et des compétitions. Le choix est large parmi 86 disciplines en fonction de l’intensité de la pathologie et de la motivation.Absence d’effet secondaire (si le professionnel est dûment formé).
RÉFÉRENCES
1. Walker ER, McGee RE, Druss BG. Mortality in mental disorders and global disease burden implications : a systematic review and meta-analysis. JAMA Psychiatry 2015;72:334-41.
2. De Hert M, Dekker JM, Wood D, Kahl KG, Holt RI, Möller HJ. Cardiovascular disease and diabetes in people with severe mental illness position statement from the european psychiatric association (EPA), supported by the european association for the study of diabetes (EASD) and the european society of cardiology (ESC). Eur Psychiatry 2009;24 412-24.
3. Manu P, Dima L, Shulman M, Vancampfort D, De Hert M, Correll CU. Weight gain and obesity in schizophrenia: epidemiology, pathobiology, and management. Acta Psychiatr Scand 2015;132: 97-108.
4. Dauwan M, Begemann MJ, Heringa SM, Sommer IE. Exercise Improves Clinical Symptoms, Quality of Life, Global Functioning, and Depression in Schizophrenia: A Systematic Review and Meta-analysis. Schizophr Bull 2016;42:588-99.
5. Schuch FB, Vancampfort D, Richards J, Rosenbaum S, Ward PB, Stubbs B. Exercise as a treatment for depression: A meta-analysis adjusting for publication bias. J Psychiatr Res 2016;77: 42-51.
2. De Hert M, Dekker JM, Wood D, Kahl KG, Holt RI, Möller HJ. Cardiovascular disease and diabetes in people with severe mental illness position statement from the european psychiatric association (EPA), supported by the european association for the study of diabetes (EASD) and the european society of cardiology (ESC). Eur Psychiatry 2009;24 412-24.
3. Manu P, Dima L, Shulman M, Vancampfort D, De Hert M, Correll CU. Weight gain and obesity in schizophrenia: epidemiology, pathobiology, and management. Acta Psychiatr Scand 2015;132: 97-108.
4. Dauwan M, Begemann MJ, Heringa SM, Sommer IE. Exercise Improves Clinical Symptoms, Quality of Life, Global Functioning, and Depression in Schizophrenia: A Systematic Review and Meta-analysis. Schizophr Bull 2016;42:588-99.
5. Schuch FB, Vancampfort D, Richards J, Rosenbaum S, Ward PB, Stubbs B. Exercise as a treatment for depression: A meta-analysis adjusting for publication bias. J Psychiatr Res 2016;77: 42-51.