objectifs
Connaitre les principes de la prise en charge.
Item 66 : Diagnostiquer un trouble dépressif, un trouble anxieux généralisé, un trouble panique, un trouble phobique, un trouble obsessionnel compulsif, un état de stress post-traumatique, un trouble de l’adaptation (de l’enfant à la personne âgée), un trouble de la personnalité.
Partie 1 : Troubles anxieux (trouble anxieux généralisé, trouble panique, agoraphobie, phobies spécifiques et trouble d’anxiété sociale ou phobie sociale).
Introduction
Les troubles anxieux sont les pathologies psychiatriques les plus répandues, avec une prévalence de 15 à 20 % au cours de la vie. Tout médecin peut donc rencontrer des patients avec ce type de troubles dans sa pratique quotidienne et dans des contextes cliniques très variés : tel malade ne pouvant passer une imagerie par résonance magnétique (IRM) à cause d’une claustrophobie insurmontable, tel autre ayant développé une cirrhose hépatique liée à un alcoolisme secondaire à une phobie sociale non diagnostiquée, ou encore tel patient souffrant d’attaques de panique qui multiplie les demandes d’examens cardiologiques, tous normaux.
Ces pathologies anxieuses apparaissent le plus souvent tôt dans la vie, dans l’enfance, l’adolescence ou avant 30 ans, et peuvent perdurer sur des années, voire des décennies. Leur sévérité est variable selon les cas, avec des formes relativement légères ne perturbant que très peu le fonctionnement des sujets ; d’autres peuvent être fortement invalidantes, limitant par exemple les déplacements, les contacts sociaux ou certaines capacités professionnelles. La gravité à long terme réside également dans le risque de complications évolutives, comme le développement d’épisodes dépressifs ou de conduites addictives (alcool et médicaments sédatifs).
Les troubles anxieux représentent ainsi un enjeu de prise en charge tant sur le plan individuel que sur le plan collectif en termes de coûts de santé publique.
Aspects historiques et nosographiques
La nosographie des troubles anxieux a beaucoup évolué au cours des dernières décennies. Avant les années 1980, les pathologies anxieuses étaient désignées par le terme de « névrose » introduit par William Cullen au XVIIIe siècle et définissant des affections du système nerveux touchant les « sentiments ». Le psychanalyste Sigmund Freud réserve par la suite ce terme à des troubles psychologiques n’altérant pas le contact avec la réalité (en opposition aux psychoses) mais produisant des symptômes anxieux divers, témoins d’un conflit entre les pulsions internes du sujet et les exigences du monde extérieur. Cette définition se voulait explicative, mais ne correspond pas à l’approche psychiatrique actuelle qui se fonde non pas sur des hypothèses étiologiques mais sur une description des tableaux cliniques. Les névroses d’angoisse, phobiques et traumatiques ont donc laissé place aux « troubles anxieux », considérés comme des syndromes spécifiques avec chacun leur définition propre. À ce jour, la 5e édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5) regroupe sous le terme de « trouble anxieux » les diagnostics suivants : le trouble anxiété généralisée, le trouble panique, l’agoraphobie, les phobies spécifiques et le trouble anxiété sociale (phobie sociale).
Sémiologie
Avant d’évoquer les diagnostics, il est important d’analyser les éléments sémiologiques essentiels des troubles anxieux. Pouvant être présents en dehors de toute pathologie ou dans d’autres troubles psychiatriques, c’est l’association, l’intensité et l’évolution des symptômes anxieux qui définissent les différents troubles anxieux.
Émotions anxieuses
L’anxiété est une émotion normale et universelle qui correspond à un état subjectif d’appréhension vis-à-vis d’événements futurs, plus ou moins précis, ressentis comme potentiellement dangereux par le sujet. Elle est le plus souvent ressentie comme désagréable, mais ne devient pathologique que dans certains contextes spécifiques. Une anxiété pathologique peut en effet être retrouvée dans toutes les affections psychiatriques ou constituer le symptôme central des troubles anxieux. L’anxiété peut être aiguë (survenue rapide, durée brève), paroxystique (survenue très brutale, intensité extrême), fluctuante, ou bien durable et continue.
La peur, également retrouvée chez tous les individus, correspond quant à elle à l’émotion ressentie lors de la perception d’un danger ou d’une menace émanant d’une situation ou d’un objet bien identifiés, et impliquant une réponse quasi immédiate de combat ou de fuite.
Cognitions anxieuses
Des pensées particulières accompagnent souvent les émotions anxieuses. Il peut s’agir d’inquiétudes (« Que va-t-il m’arriver ? », « Ça va mal tourner »), d’idées de vulnérabilité (« Je ne pourrai pas supporter telle situation »), de souvenirs, d’images, etc. Elles sont considérées comme pathologiques dès lors qu’elles deviennent envahissantes, et même si le sujet peut les remettre en question à distance et avoir conscience de leur caractère irrationnel, en situation aiguë ces pensées perturberont le raisonnement et donc le comportement de l’individu.
En plus de modifier les émotions (cercle vicieux : « Plus j’y pense, plus je suis mal, et donc plus j’y pense ») et les comportements, ces pensées anxieuses peuvent provoquer transitoirement des troubles de la concentration et de la mémoire qui perturbent les performances intellectuelles et deviendront handicapantes à court terme.
Comportements anxieux
Les pensées et émotions anxieuses entraînent principalement deux types de comportement : les conduites d’évitement et les stratégies de réassurance. Les conduites d’évitement correspondent au fait de ne pas s’exposer à l’objet ou à la situation entraînant l’angoisse (par exemple, ne pas prendre le métro en cas d’agoraphobie, ou ne pas prendre la parole en société en cas de phobie sociale). Afin d’affronter les situations anxiogènes avec moins d’angoisse, le sujet pourra également mettre en place différentes stratégies qu’on appellera alors conduites contraphobiques (par exemple l’accompagnement par une personne, ou le port d’un objet) ; elles seront le plus souvent sans effet de protection réel mais auront un rôle symbolique rassurant.
Signes d’accompagnement
Les symptômes physiques qui accompagnent l’anxiété pathologique peuvent prendre toutes formes : douleurs, tremblements, sueurs, palpitations, etc. Des perturbations physiologiques peuvent aussi survenir, comme des troubles du sommeil ou de l’appétit. Lorsqu’il existe une participation affective avec impulsivité, irritabilité, impatience, voire dépendance affective, on ne peut qu’imaginer l’émergence des troubles relationnels.
Cas particulier : les attaques de panique
L’attaque de panique n’est pas une pathologie à elle seule mais une manifestation anxieuse. Elle se particularise par une angoisse très intense, aiguë et à début brutal, atteignant son maximum en moins de 10 minutes et d’une durée moyenne de 15 à 30 minutes. Un sentiment de panique s’y associe, lié à une sensation de perte de contrôle interminable. Les symptômes anxieux peuvent être présents simultanément, dans un emballement général de l’organisme et de la pensée. Les plus fréquents sont typiquement : palpitations, hyperventilation et sensation d’étouffement, vertiges, bouffées de chaleur, douleurs abdominales. Dans les formes intenses, il peut y avoir de manière brève une impression de déréalisation ou de dépersonnalisation.
Il peut exister un facteur déclencheur ou non, c’est le cas lors d’un stress brutal, d’une situation phobogène, toxique (psychostimulant, psychodysleptique, alcool, autres drogues) ou lors d’une manifestation organique (cardiorespiratoire).
Repérage et démarche diagnostique
Une fois la question d’un possible trouble anxieux posée, l’objectif doit être de le caractériser, en ce qui concerne son type, son évolution et sa gravité, puis de fixer une stratégie thérapeutique adaptée. Le type de trouble anxieux est surtout défini par l’objet de la peur et par les comportements qui en découlent. S’il ne faut pas oublier d’éliminer les diagnostics différentiels, diagnostiquer un trouble anxieux ne dispense pas de rechercher les comorbidités. En effet, les troubles anxieux peuvent être comorbides entre eux, avec d’autres troubles psychiatriques, et il ne faut pas passer à côté d’un trouble somatique.
Trouble anxieux généralisé
Clinique
Le trouble anxieux généralisé (TAG) correspond dans le DSM-5 à une « anxiété excessive survenant la plupart du temps, durant au moins six mois » et qui se définit avant tout par des inquiétudes peu contrôlables concernant l’avenir. Le terme « généralisé » signifie que ces inquiétudes portent sur au moins deux thématiques différentes, pouvant concerner tous les domaines de la vie (risques d’accidents, de maladies, de problèmes professionnels, etc.). Ces inquiétudes sont excessives, en fréquence et en intensité, par rapport à la réalité des risques : soit les événements redoutés sont en fait assez bénins, soit ils sont peu probables et rien n’indique qu’ils vont survenir. En plus de ces inquiétudes, le TAG comporte des signes moins spécifiques de tension nerveuse : somatisations diverses, irritabilité, troubles du sommeil, etc.
Diagnostics différentiels
Il peut être parfois difficile de différencier une tendance à s’inquiéter non pathologique d’un réel TAG. Dans le TAG, l’inquiétude doit être excessive, incontrôlable et avoir un retentissement fonctionnel, c’est-à-dire avoir des répercussions sur la vie du sujet, altérer sa qualité de vie. Il faut également différencier le TAG des autres troubles anxieux ou d’un trouble de l’adaptation, qui correspond à un état anxieux faisant suite à des événements de vie négatifs ou déstabilisants (le TAG existe indépendamment de tout événement déclencheur). Enfin, l’anxiété peut être présente dans un épisode dépressif, mais avec d’autres signes typiques de dépression, comme la tristesse et l’anhédonie.
Épidémiologie
Le TAG a une prévalence vie entière d’environ 5 % et touche deux fois plus les femmes que les hommes. Il commence généralement autour de 40 ans, et est relativement fréquent chez les sujets de plus de 65 ans (7 %).
Traitements
Le traitement du TAG associe différents moyens : généraux, psychothérapeutiques et médicamenteux. Tout d’abord, il est essentiel que le patient bénéficie d’une éducation thérapeutique lui permettant une bonne connaissance de ses symptômes, de l’évolution du trouble, et des traitements disponibles. Des règles d’hygiène de vie simples sont également à mettre en place : pratique d’une activité physique régulière, régime alimentaire équilibré, respect des rythmes de sommeil, limitation de toxiques (tabac, alcool, caféine, autres psychostimulants), pratique de la relaxation.
Psychothérapies
Dans les formes simples à modérées, les psychothérapies sont le traitement de première intention. Elles peuvent être de simples psychothérapies de soutien menées par un médecin généraliste ou psychologue, offrant au patient un espace pour verbaliser ses préoccupations et obtenir des conseils simples, ou alors des psychothérapies plus structurées. La thérapie cognitivo-comportementale (TCC) a fait l’objet de nombreuses études d’efficacité ; elle s’attache à aider le patient à identifier les pensées irrationnelles anxiogènes et à travailler sur l’inutilité des ruminations, et lui permet de réduire l’hyperactivité végétative et attentionnelle par l’apprentissage de techniques de relaxation ou de méditation.
Traitement médicamenteux
Lorsque le trouble impacte fortement la qualité de vie du patient et que les mesures non médicamenteuses sont insuffisantes, un traitement pharmacologique peut être mis en place. Il peut s’agir d’un traitement à court terme visant à soulager rapidement les symptômes les plus gênants, notamment lors de phases d’aggravation du trouble, comme les somatisations, l’irritabilité et surtout les troubles du sommeil. Les benzodiazépines (alprazolam, prazépam, lorazépam, etc.) peuvent être efficaces dans cette indication, mais avec un risque très important d’usage prolongé lié à un effet de soulagement très sensible et à un phénomène de dépendance qui peut s’installer rapidement. La durée de traitement doit être limitée à quelques jours ou quelques semaines au maximum, en prévenant bien le patient des risques de dépendance, de syndrome de sevrage à l’arrêt, et des différents effets secondaires pouvant survenir (troubles de la mémoire, sédation, confusion, chutes, etc.).
Quand il apparaît qu’un traitement de fond est nécessaire, notamment en cas de consommation prolongée de benzodiazépines, la prescription la plus adaptée est celle d’un antidépresseur bénéficiant d’une indication dans le TAG (paroxétine, escitalopram ou venlafaxine). Les modalités d’utilisation sont similaires à ce qu’elles sont dont la dépression, avec une évaluation des effets après un ou deux mois. En cas d’efficacité, la durée totale de traitement varie entre six mois et un an selon la situation, et peut même être prolongée en cas de rechute lors des essais de diminution ou d’arrêt. Contrairement aux benzodiazépines, il n’existe pas de risque de dépendance avec les antidépresseurs.
Évolution
Le TAG peut être considéré comme un trouble chronique. En effet, il prend souvent la forme d’épisodes de plusieurs mois qui peuvent se répéter. Il faut donc considérer la prise en charge comme une démarche à long terme, d’où la nécessité d’une bonne éducation thérapeutique.
Par ailleurs, un TAG peut se compliquer d’épisodes dépressifs et de troubles addictifs (alcool, cannabis, benzodiazépines) qu’il faut savoir dépister et traiter.
Trouble panique et agoraphobie
Clinique
Le trouble panique est caractérisé par la répétition d’attaques de panique dites spontanées (sans facteur déclenchant ni peur préalable), à l’origine de perturbations psychologiques ou fonctionnelles pendant au moins un mois. Ces attaques de panique, par leur caractère imprévisible et les craintes qu’elles provoquent (peur de mourir ou de devenir fou), engendrent chez le patient une anxiété anticipatoire, c’est-à-dire « la peur d’avoir peur », qui peut devenir omniprésente.
L’agoraphobie correspond à la crainte par le sujet de toute situation dont il ne pourrait pas s’échapper facilement, ou bien où il ne pourrait pas être aidé, en cas de malaise ou d’attaque de panique. Les situations redoutées sont typiquement la foule, les endroits clos, mais aussi des grands espaces ouverts où le sujet se sent perdu ou craint de ne pas pouvoir trouver appui.
L’agoraphobie et le trouble panique peuvent exister indépendamment l’un de l’autre, mais ils sont souvent associés chez le même patient, le trouble panique créant les conditions d’apparition de l’agoraphobie.
Diagnostics différentiels
Les diagnostics différentiels du trouble panique sont les autres troubles anxieux, une dépendance à des toxiques (crises d’angoisse lors des sevrages ou des intoxications), et des symptômes anxieux dans le cadre d’un épisode dépressif. Par ailleurs, en présence de symptômes physiques marqués, il convient d’éliminer une affection non psychiatrique, comme des troubles cardiovasculaires, respiratoires, neurologiques ou endocriniens.
Le principal diagnostic différentiel de l’agoraphobie est la phobie sociale, qui peut également se manifester dans les lieux publics, mais avec un mécanisme différent : peur du regard de l’autre mais pas peur du malaise ou de ne pas pouvoir s’échapper de la foule.
Épidémiologie
Le trouble panique avec ou sans agoraphobie touche environ 2 à 3 % de la population. Il apparaît le plus souvent entre 20 et 30 ans et touche majoritairement les femmes.
Traitements
Le traitement de fond du trouble panique avec ou sans agoraphobie repose sur une psychothérapie et/ou une prescription médicamenteuse.
Psychothérapie
Sur le plan psychothérapeutique, les TCC ont montré leur efficacité pour gérer les attaques de panique mais aussi pour les prévenir, de même que pour traiter l’agoraphobie. Elles reposent sur l’apprentissage de techniques de relaxation et de respiration contrôlée, d’exposition progressive aux stimuli redoutés (situations angoissantes et sensations internes générant les états de panique) pour obtenir une désensibilisation de la peur, et de « restructuration cognitive » qui consistent à remettre en cause les pensées automatiques et les schémas de pensée sous-tendant la panique.
Traitement médicamenteux
Lorsque le trouble est trop sévère ou que les mesures non médicamenteuses sont inefficaces, un traitement par antidépresseur peut être mis en place, avec une efficacité clairement établie dans la prévention des attaques de panique (mais pas de l’agoraphobie). Les molécules disposant d’une indication dans le trouble panique sont : la paroxétine, la sertraline, le citalopram, l’escitalopram et la venlafaxine. Il s’agit d’un traitement au long cours (au moins 6 à 12 mois), dont l’efficacité apparaît à partir d’un à deux mois, et qu’il faut prescrire à doses progressives car une recrudescence des attaques de panique peut se voir en début de traitement.
Les benzodiazépines ne sont pas recommandées dans le traitement au long cours du trouble panique ni dans l’agoraphobie. Elles peuvent être prescrites ponctuellement lors d’une attaque de panique, mais il est préférable d’enseigner au patient des techniques de contrôle de l’anxiété pour le rendre autonome et limiter le risque de dépendance aux anxiolytiques.
Évolution
Le trouble panique et l’agoraphobie sont des troubles potentiellement chroniques pouvant évoluer sur plusieurs années ou dizaines d’années. L’impact fonctionnel et psychologique peut être très important : limitation des déplacements et de la vie sociale, souffrance quotidienne, demandes répétées d’examens, consommations de médicaments et d’alcool, etc. Les complications psychiatriques principales sont les troubles dépressifs (plus de 50 %) et les troubles addictifs (20-30 %).
Phobies spécifiques
Clinique
Les phobies spécifiques sont définies par des « peurs intenses irraisonnées et incontrôlables, en réaction à un objet ou à une situation définie, et surtout disproportionnée par rapport au danger réel, et ce de manière persistante » (DSM-5). Le contact ou même la vue, en photo par exemple, de l’objet ou de la situation redoutée peut suffire à provoquer une réaction anxieuse intense, parfois une attaque de panique, avec besoin de s’éloigner. On peut porter le diagnostic de phobie spécifique quand les mécanismes de la peur ne sont pas ceux de l’agoraphobie et de la phobie sociale.
Les phobies les plus fréquentes concernent les animaux, la vue du sang ou des interventions médicales telles que les injections, les hauteurs, les lieux clos, l’obscurité, certains événements naturels comme les tremblements de terre ou les orages. Il s’agit de peurs circonscrites à des objets bien définis, leur retentissement sur la vie quotidienne est donc en général assez faible. Certaines phobies peuvent cependant avoir des conséquences non négligeables : incapacité à accepter une prise de sang ou un examen d’IRM, impossibilité de travailler à un étage élevé, évitement total de certains animaux domestiques, etc.
Épidémiologie
La prévalence des phobies sociales est élevée en population générale : environ 10 %, avec une prédominance féminine (2 à 3 fois plus élevée), et un début dans l’enfance et l’adolescence. Lorsqu’elles persistent à l’âge adulte, elles peuvent avoir une évolution très chronique en l’absence de prise en charge.
Mécanismes
Il existe une vulnérabilité héréditaire au développement des phobies, renforcée par les influences culturelles et éducatives (transmission par exemple des peurs parentales par imitation). On retrouve également dans les antécédents, dans environ un tiers des cas, des événements traumatisants ayant pu participer à l’apparition de la phobie (agression par un animal, accident, chute, etc.).
Traitement
Le seul traitement efficace des phobies spécifiques est la TCC. L’objectif est de d’obtenir une extinction de la peur par exposition et désensibilisation progressive. Les résultats sont la plupart du temps positifs et très satisfaisants en quelques séances uniquement. Il peut arriver que ce ne soit pas le cas lorsque les troubles sont anciens, notamment actifs depuis l’enfance.
Les technologies utilisant la réalité virtuelle permettent de compléter les méthodes d’exposition en imagination et in vivo par des expositions in virtuo. Elles se sont montrées intéressantes pour certaines situations difficiles à affronter au quotidien (avion, certains animaux, sang, etc.).
Les traitements médicamenteux n’ont pas d’efficacité dans cette indication.
Anxiété sociale (ou phobie sociale)
Clinique
L’anxiété sociale se définit par une peur ou anxiété d’une ou plusieurs situations sociales lorsqu’un sujet est exposé à une éventuelle observation attentive d’autrui, et ce de manière durable. Cela inclut tous types d’interactions sociales, avec une seule personne ou en groupes, y compris les situations de performance, telles qu’une présentation ou un discours. La personne craint d’agir d’une façon qui sera jugée de manière négative, humiliante ou embarrassante, ou de montrer des signes d’anxiété, notamment des symptômes physiques. Ces émotions de peur ou d’anxiété sont ressenties de manière disproportionnée par rapport à la menace réelle posée par la situation. Les situations sociales sont donc évitées ou subies avec une peur ou une anxiété intense.
Les formes d’anxiété sociale les plus fréquentes sont celles qui portent sur les situations de prise de parole en public, avec alors des conséquences assez limitées. Mais il existe des formes « généralisées » dans lesquelles le sujet redoute en plus les situations d’échange informel, les situations d’affirmation de soi, voire même la seule observation par autrui dans des situations banales : être observé en mangeant, marchant ou écrivant, par exemple. Le niveau de souffrance et de handicap, du fait des évitements secondaires, peut être alors très important.
Diagnostics différentiels
Souvent confondu avec la timidité, ce trouble reste à la fois méconnu et sous-traité. Il ne faudra pas hésiter à demander si les situations ou activités sociales sont évitées, et si cela effraie ou embarrasse le patient. Les principaux diagnostics à écarter, même s’ils peuvent être présents en comorbidité, sont l’agoraphobie (les lieux publics peuvent être redoutés dans l’anxiété sociale mais du fait du regard d’autrui, et non par peur d’être enfermé dans la foule) et les différents troubles psychotiques que sont la schizophrénie, la schizoïdie, l’autisme et les délires paranoïaques. Dans l’anxiété sociale, le sujet reconnaît ses peurs comme excessives et injustifiées, et ne ressent pas une malveillance d’autrui mais plutôt une faiblesse de sa part.
Épidémiologie et évolution
Souvent négligé, il s’agit d’un trouble anxieux fréquent pouvant être à l’origine d’un handicap parfois majeur sur la scolarité ou les études, puis sur la vie professionnelle et personnelle. La prévalence de l’anxiété sociale est d’environ 3 à 5 % en population générale, avec une prédominance féminine. Elle peut s’améliorer progressivement avec le temps, ou alors persister sur le long terme, avec alors des risques de complication que sont la dépression et les addictions en cas d’usage d’alcool ou de drogues à visée de désinhibition.
Mécanismes
L’anxiété sociale apparaît le plus souvent dans l’enfance ou l’adolescence, chez des sujets présentant un tempérament anxieux ou timide. Des facteurs psychologiques et éducatifs peuvent favoriser son développement et sa pérennisation : faible sociabilité des parents, dénigrement ou maltraitance au sein de la famille ou à l’école, ou situations sociales traumatisantes. Le trouble peut se maintenir ou s’aggraver pendant des années du fait des conduites d’évitement mises en place (renforcement de la peur par exposition sociale insuffisante). Par ailleurs, certains mécanismes cognitifs sont souvent en cause dans le développement de l’anxiété sociale, comme une faible estime de soi ou une focalisation anxieuse sur soi et surtout sur les symptômes de l’anxiété tel le rougissement (à l’origine de la peur obsédante de rougir en public dénommée aussi éreutophobie) ou les tremblements.
Traitement
Comme pour le trouble anxieux généralisé et le trouble panique, le traitement de l’anxiété sociale peut être psychothérapeutique (TCC) et/ou médicamenteux (paroxétine, escitalopram ou venlafaxine). Les TCC peuvent être réalisées en individuel ou en groupe, et reposent à la fois sur un travail portant sur les mécanismes cognitifs de la peur et sur une suppression des comportements d’évitement (exposition progressive aux situations sociales redoutées).
Dans les formes limitées aux situations de performance en public (prise de parole, spectacle, etc.), les bêtabloquants en prise ponctuelle peuvent avoir une certaine efficacité. Mais quand le trouble est chronique et surtout généralisé, une prescription d’antidépresseur au long cours peut être nécessaire. Là aussi, le recours aux benzodiazépines est déconseillé du fait des risques d’effets secondaires et de dépendance.
Autres troubles anxieux
Anxiété de séparation
Il s’agit d’une crainte excessive et disproportionnée lorsqu’un sujet est séparé des personnes auxquelles il est attaché – en général les parents pour l’enfant –, et ce depuis au moins quatre semaines chez l’enfant ou adolescent, et pendant plus de six mois chez l’adulte, avec des répercussions sur le fonctionnement scolaire ou social. Elle se développe chez environ 5 % des enfants, elle est plus rare chez l’adulte. La prise en charge passe par la TCC, et les médicaments sont à éviter.
Chez l’enfant et l’adolescent, l’anxiété de séparation fait partie des causes possibles des phobies scolaires, en plus de l’agoraphobie, des phobies spécifiques ou des troubles obsessionnels compulsifs.
Mutisme sélectif
Le mutisme sélectif est l’incapacité régulière à parler dans des situations sociales spécifiques, le sujet parlant dans les situations non anxiogènes pour lui, pendant un mois ou plus (hors premier mois d’école), et non liée à un défaut de langage ou de connaissance.
Il faut éliminer un trouble de la communication (trouble de la fluidité verbale), un trouble du spectre autistique, un retard mental sévère, une schizophrénie.
Les deux pics d’apparition sont à 3 et 6 ans ; le retard diag- nostique est fréquent. La prise en charge passe par des conseils simples visant à aider l’enfant à se sentir en sécurité, avec une exposition se diversifiant très progressivement aux personnes, lieux, activités. Dans les cas les plus difficiles, il peut être proposé une thérapie individuelle, analytique ou une TCC, voire une thérapie familiale systémique. Il s’agit de rassurer les parents sur la bonne évolution lorsque les stratégies de réduction de l’anxiété sont mises en place.
POINTS FORTS À RETENIR
Les troubles anxieux font partie des troubles psychiques les plus fréquents, qu'il est important de diagnostiquer car des traitements efficaces existent.
Des questions simples sur l'objet de la peur et sur les réactions du patient permettent le plus souvent de diagnostiquer le type de trouble anxieux d'un patient.
L'éducation thérapeutique et les thérapies comportementales et cognitives sont les stratégies de soins les plus adaptées.
Les traitements médicamenteux indiqués pour la plupart des troubles anxieux sont les antidépresseurs sérotoninergiques, et non les benzodiazépines.