Objectifs
Connaître les principales hypothèses diagnostiques
Justifier les examens complémentaires pertinents
Savoir initier le traitement symptomatique en urgence
L’hémoptysie est définie par une émission de sang par la bouche au cours d’un effort de toux provenant de l’espace sous-glottique.
Symptôme fréquent en pneumologie, c’est un signe alarmant. Même limitée à quelques stries de sang, une hémoptysie doit conduire à une enquête étiologique. Dans un certain nombre de cas – moins de 5 % des hémoptysies –, une prise en charge immédiate est nécessaire car le pronostic vital est engagé, avec une mortalité dépassant 50 % en l’absence de traitement adapté spécifique. Il importe donc de savoir identifier cette dernière situation.

Physiopathologie

Au niveau pulmonaire sont décrites deux circulations :
  • la circulation pulmonaire, où règne un régime à basse pression formée d’artères à paroi fine pauvre en fibres musculaires lisses contractiles rendant difficile une vasoconstriction physique ou pharmacologique ;
  • la circulation systémique bronchique ou non bronchique, nourricière, où règne un régime à haute pression, assurée par des artères à paroi riche en fibres musculaires lisses contractiles réactives à un traitement physique tel que le froid ou à un traitement pharmacologique. Ces artères naissent essentiellement de l’aorte thoracique descendante, mais il existe de nombreuses variantes. Des artères bronchiques partent des collatérales importantes (rameau œsophagien, rameau médullaire).
Certaines conditions pathologiques entraînent une modification de la vascularisation systémique intrathoracique avec constitution d’une hypervascularisation bronchique ou non bronchique : en cas de défaut de la circulation pulmonaire proximale (par exemple, une sténose congénitale des artères pulmonaires, une sténose ou une thrombose proximale de l’artère pulmonaire observée au cours de certaines maladies inflammatoires ou de la maladie thromboembolique veineuse) ; en cas de destruction du lit capillaire pulmonaire (par exemple, la tuberculose pulmonaire évolutive ou séquellaire, les dilatations des bronches) ; en cas de tumeur, notamment au cours des métastases pulmonaires du rein, de la thyroïde et du mélanome.
Les hémoptysies ont pour origine, dans plus de 90 % des cas, une effraction du réseau angiomateux de l’hypervascularisation systémique bronchique ou non bronchique, pouvant être contrôlée par la réalisation d’une artériographie bronchique avec embolisation ; plus rarement, la circulation pulmonaire est en cause, avec des lésions anévrismales siégeant sur les artères pulmonaires proximales – un traitement radiologique par vaso-occlusion ou chirurgical est possible – ; exceptionnellement, la rupture d’un gros tronc (aorte ou ses branches, artère pulmonaire au niveau du hile) ou des anomalies congénitales de la circulation bronchique (séquestration lobaire) en sont responsables.
Certaines causes peuvent entraîner une hémoptysie, par plusieurs mécanismes. Ainsi, au cours de la tuberculose, le saignement provient le plus souvent d’une hypervascularisation systémique, mais, dans un peu moins de 5 % des cas, il est en rapport avec un anévrisme situé sur l’artère pulmonaire (anévrisme de Rasmussen). Parfois, la source du saignement est liée à une lésion de la barrière alvéolocapillaire en raison d’une hyperpression veineuse pulmonaire gauche ou d’une vascularite des petits vaisseaux. L’hémoptysie serait ici le fait d’une érythrodiapédèse pulmonaire, on parle alors d’hémorragie intra-alvéolaire (HIA).
Une exploration non invasive du mécanisme artériel bronchique et pulmonaire de l’hémoptysie est possible en un temps grâce aux progrès techniques de la tomodensitométrie thoracique (angio-TDM volumique). De plus, celle-ci permet de visualiser les gros troncs et les veines pulmonaires et d’analyser le parenchyme pulmonaire pour une orientation diagnostique étiologique.

Diagnostic positif

L’hémoptysie est de diagnostic généralement aisé car il s’agit de sang émis au cours d’un effort de toux, aéré et rouge le plus souvent. Généralement, on n’a pas assisté à cet événement, il est donc indispensable de discuter les autres causes d’émission de sang par la bouche telles que :
  • l’hématémèse, qui correspond à l’émission de sang par la bouche au cours d’un effort de vomissement ; elle est à redouter en cas de sang plus noir, non aéré, mêlé à des aliments, d’antécédents digestifs (ulcère, cirrhose..), ou en présence de signes hémodynamiques contrastant avec l’absence de détresse respiratoire. Néanmoins, la présence de sang dans l’estomac peut correspondre à du sang dégluti au cours d’hémoptysies massives ;
  • les saignements d’origine ORL (sang provenant des voies aériennes sus-glottiques), qui correspondent à l’émission de sang par la bouche sans effort de toux ni vomissement, parfois après un raclement de gorge ou une épistaxis ou en cas de sensation de sang dans la cavité buccale précédant la toux. En cas d’hémorragie ORL importante, le diagnostic est difficile, et des antécédents ORL (cancer, varices de la base de la langue) sont recherchés. Un examen ORL minutieux allant parfois jusqu’à une angio-TDM cervicale permet de poser le diagnostic ;
  • plus exceptionnellement, des gingivorragies.
Dans les cas où le doute diagnostique persiste, la fibroscopie bronchique et la tomodensitométrie thoracique peuvent orienter vers une origine respiratoire.
Une fois le diagnostic d’hémoptysie posé, il faut ­repérer les cas exceptionnels d’hémorragie intra-alvéolaire, car l’approche étiologique et thérapeutique est alors très différente. Le diagnostic est évoqué devant l’association hémoptysie-anémie-infiltrats radiologiques, d’autant plus qu’il existe des signes extrapulmonaires (rénaux, cutanés, ORL, neurologiques). En principe, le lavage bronchoalvéolaire affirme le diagnostic.

Évaluation de la gravité

Le volume de l’hémoptysie et les signes de retentissement respiratoire permettent de repérer la majorité des hémoptysies graves.

Volume et débit

Le volume et/ou le débit sont essentiels à déterminer, car ils sont corrélés à la mortalité. Apprécier le volume de l’hémoptysie n’est pas toujours facile. Le moyen le plus efficace est de présenter au patient ou à l’entourage des récipients de volume connu (1 cuillère à dessert, un crachoir gradué, un haricot, etc.) et de lui faire décrire le plus précisément possible la quantité émise. Il n’existe pas de seuil unanimement accepté pour définir une hémoptysie grave, celui-ci variant de 200 à 1 000 mL/j. À partir de 200 mL/j – voire moins si le patient est insuffisant respiratoire chronique –, l’hémoptysie peut être considérée comme à risque vital. En cas de ­volume minime, il faut se rappeler qu’il existe un risque de récidive potentiellement massif.

Retentissement respiratoire

Le second facteur de gravité est la détresse respiratoire aiguë induite par l’obstruction bronchique et/ou l’inondation alvéolaire. Le facteur asphyxique est le principal risque encouru par le patient du fait d’un volume des voies aériennes de conduction réduit à moins de 200 mL. La polypnée et l’hypoxémie en sont les premiers signes. Si une hypoxémie est retrouvée, même au cours d’une hémoptysie de moyenne abondance, cela signifie qu’il existe déjà une inondation alvéolaire en rapport avec une hémoptysie grave, indépendamment du volume. La PaO2 doit être systématiquement mesurée devant toute hémoptysie, idéalement en air ambiant, car elle est un élément incontournable de la décision thérapeutique. Elle doit cependant être interprétée en fonction des chiffres antérieurs en cas de maladie respiratoire chronique.

Autres facteurs de gravité

Dans les cas douteux, d’autres facteurs de gravité peuvent aider à la prise de décision thérapeutique. L’existence de troubles de l’hémostase est ainsi associée à des hémoptysies plus abondantes et plus graves.
Certaines causes sont aussi à risque de mortalité plus élevée (cancer bronchique, aspergillome).
Enfin, le retentissement hémodynamique des hémoptysies est toujours tardif. Un choc hémorragique ne se voit jamais avant qu’une détresse respiratoire grave ne soit déjà largement installée. De ce fait, une hémodynamique normale ou l’absence d’anémie ne sont pas des éléments qui doivent rassurer lors d’une hémoptysie.

Étiologie des hémoptysies

Plus de cent causes d’hémoptysie sont répertoriées, mais elles restent dominées par le cancer bronchique, la tuberculose active ou séquellaire, la dilatation des bronches et l’aspergillome dans près de 80 % des cas (tableau).

Causes tumorales

Elles peuvent être malignes ou bénignes.
 

Tumeurs malignes

Cancer bronchique
Entre 20 et 60 % des patients développent une hémoptysie au cours du cancer bronchique. Elle peut même être le symptôme révélateur du cancer. Classiquement, elle est de faible abondance et récidivante. Le diagnostic est d’autant plus vite évoqué qu’il s’agit d’un patient fumeur, qu’il existe une altération de l’état général et des anomalies à la radiographie pulmonaire (condensation, atélectasie, pleurésie, augmentation de taille du médiastin). La radiographie peut néanmoins être normale.
Le diagnostic est établi par la fibroscopie bronchique.
En cas d’hémoptysie grave, il s’agit le plus souvent d’un cancer épidermoïde ou d’un adénocarcinome, plus rarement d’un cancer à petites cellules.
La survenue d’une hémoptysie en cours de traitement d’un cancer connu peut témoigner, après une chirurgie d’une fistule ou après radio-chimiothérapie, d’une nécrose de la tumeur, d’une progression avec envahissement d’une structure vasculaire ou d’une récidive.
Métastases
Les hémoptysies sont rares au cours des métastases pulmonaires. Elles surviennent plus volontiers avec les cancers hypervasculaires, comme celui du rein, de la thyroïde et le mélanome. Les métastases peuvent être endobronchiques ou parenchymateuses.
 

Tumeurs bénignes

La tumeur la plus fréquente est la tumeur carcinoïde. Compte tenu de son caractère très vascularisé, un réhausse­ment important peut être observé sur l’angio-TDM thoracique après injection d’un produit de contraste iodé. Un aspect framboisé est observé à la fibro­scopie bronchique.

Causes infectieuses

Tuberculose

L’hémoptysie peut révéler une tuberculose évolutive. Le diagnostic est évoqué sur une altération de l’état général, une fièvre et, à la tomodensitométrie thoracique, une opacité excavée et/ou associée à un aspect dit d’arbre en bourgeons. Les bacilles acido-alcoolorésistants (BAAR) sont le plus souvent positifs à l’examen direct.
Chez un ancien tuberculeux, l’hémoptysie peut témoigner d’une reprise évolutive de la maladie, évoquée sur une modification des images radiologiques comparées aux documents antérieurs. Le diagnostic repose sur la mise en évidence de BAAR à l’examen direct ou de bacille de Koch à la culture. L’antibiogramme est indispensable compte tenu des antécédents.
Il peut s’agir aussi de lésions séquellaires fibreuses ou de dilatation des bronches développées dans un territoire détruit. Parfois, les dilatations des bronches siègent dans un lobe atélectasié (lobe moyen, le plus souvent) secondaire à une compression de la bronche par une adénopathie pédiculaire (syndrome de Brock). Enfin, l’hémoptysie peut faire suite à une greffe aspergillaire, un cancer sur cicatrice chez un fumeur et, plus rarement, à une broncholithiase (c’est-à-dire une calcification ganglionnaire faisant irruption dans l’arbre bronchique et érodant les vaisseaux de la sous-muqueuse).
 

Aspergilloses

Les hémoptysies surviennent principalement dans le cadre de l’aspergillose pulmonaire chronique et plus rarement dans l’aspergillose invasive.
L’aspergillose pulmonaire chronique correspond à une prolifération de spores aspergillaires au sein d’une cavité préformée, le plus souvent chez des patients immunocompétents. Les principales causes de la formation de ces cavités sont les séquelles de tuberculose, la dilatation bronchique, la sarcoïdose évoluée et la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). Typiquement, le diagnostic est évoqué sur la radiographie pulmonaire devant une opacité arrondie surmontée d’un croissant clair apparue au sein d’une cavité préexistante (image dite en grelot). Parfois, l’image se réduit à un épaississement des parois de la cavité préformée. Les prélèvements mycologiques (examen cytobactériologique des crachats [ECBC], aspiration bronchique) sont rarement positifs à l’examen direct et dans près d’un cas sur deux à la culture. Classiquement, les sérologies aspergillaires permettent de suspecter le diagnostic, avec une confirmation obtenue à ce jour par une immunoélectrophorèse.
L’aspergillose invasive survient chez un malade porteur d’une immunodépression telle qu’une hémopathie maligne ; la survenue d’une hémoptysie doit faire évoquer en urgence le diagnostic d’aspergillose invasive. Le diagnostic est d’autant plus facile qu’il existe les éléments suivants : douleur pleurale, fièvre persistante sous antibiotiques, neutropénie, image d’infarctus, nodule ou excavation à la radiographie pulmonaire. ­La tomodensitométrie thoracique, plus sensible, met en évidence des nodules entourés de verre dépoli (signe du halo) ou, à un stade plus tardif, un début d’excavation du nodule (signe du croissant gazeux). Les prélèvements mycologiques (ECBC, aspiration bronchique, lavage bronchoalvéolaire) peuvent être positifs. Les sérologies ont peu d’intérêt. En revanche, la détection de l’antigène galactomannane dans le sérum par ELISA et dans le lavage bronchoalvéolaire est d’une aide précieuse. La ponction transthoracique permet le diagnostic en montrant le filament mycélien à l’examen direct ou à la culture, mais les prélèvements ne sont pas toujours réalisables (troubles de l’hémostase).
D’autres facteurs de risque concourent à la survenue d’une aspergillose invasive : BPCO, patients transplantés, corticothérapie d’une durée de plus de trois semaines, cirrhose, diabète insulinodépendant, VIH.
 

Bronchites aiguës, bronchite chronique, pneumonies infectieuses

Le plus souvent, en cas de bronchite aiguë (cause très fréquente en médecine non hospitalière) ou de bronchite chronique, l’hémoptysie est de faible abondance et survient dans un contexte d’infection. Toute pneumonie infectieuse peut être à l’origine d’un saignement, mais l’hémoptysie complique le plus souvent les pneumonies nécrosantes (Staphylococcus aureus, Klebsiella pneumoniae), au pronostic redoutable.
Dans ce contexte de bronchite ou de pneumonie, il importe de ne pas méconnaître une maladie sous-jacente telle qu’un cancer bronchique. Par conséquent, la tomodensitométrie thoracique et la fibroscopie bronchique sont de réalisation systématique.

Dilatation des bronches

L’hémoptysie peut révéler ou compliquer une dilatation des bronches connue, localisée ou diffuse. L’hémoptysie est due à l’hypervascularisation systémique. Elle accompagne souvent une surinfection. Le diagnostic de dilatation des bronches, évoqué sur une bronchorrhée et un hippocratisme digital, est posé sur une tomodensitométrie thoracique en coupes fines. En cas de dilatation des bronches focalisée, se discute un traitement chirurgical. Dans la mucoviscidose, l’hémoptysie survient chez deux tiers des patients.

Causes cardiovasculaires

Embolie pulmonaire

En phase aiguë révélatrice de la maladie thromboembolique veineuse, l’hémoptysie est généralement noirâtre, peu abondante, en rapport avec la nécrose pulmonaire secondaire à l’embolie (opacité triangulaire à base pleurale à la radiographie pulmonaire). Plus tardivement, l’hémoptysie est en rapport avec une hypervascularisation d’origine systémique.
 

Hyperpression veineuse gauche

L’augmentation de la pression veineuse gauche se traduit le plus souvent par un œdème du poumon, parfois sous la forme d’une hémorragie intra-alvéolaire avec une hémoptysie. Dans de rares cas, l’hyperpression s’est transmise aux veines bronchiques du fait d’anastomoses entre les veines pulmonaires et les veines bronchiques, le saignement peut être alors lié à la rupture d’une veine bronchique.
 

Anévrismes et pseudo-anévrismes pulmonaires

Les principales causes d’hémoptysie d’origine artérielle pulmonaire sont tumorales (nécrose d’une masse tumorale), infectieuses (tuberculose [anévrisme de Rasmussen]), inflammatoires (maladie de Behçet) ou traumatiques (postcathétérisme cardiaque droit).
 

Autres causes cardiovasculaires

Les cardiopathies congénitales et l’hypertension artérielle pulmonaire sont parfois responsables d’hémoptysie.

Malformations pulmonaires

Il s’agit des séquestrations pulmonaires.

Hémoptysies traumatiques

Dans ce contexte, une plaie pulmonaire est recherchée après une fracture de côtes, une contusion pulmonaire, une rupture trachéobronchique. On peut en rapprocher les causes iatrogènes (ponction pleurale, biopsie bronchique…). L’inhalation d’un corps étranger peut être responsable d’une hémoptysie.

Hémoptysie cryptogénique

Parfois, aucune cause n’est retrouvée malgré un bilan comprenant une fibroscopie bronchique et une tomodensitométrie thoracique. Environ 15 % des hémoptysies graves restent sans cause retrouvée. Une surveillance prolongée s’impose alors, notamment chez le fumeur.

Hémorragies intra-alvéolaires

Il importe de déterminer si l’hémorragie alvéolaire est d’origine immune (un tiers des causes) ou non.
Les hémorragies intra-alvéolaires d’origine non immune sont dominées par les tableaux d’hyperpression veineuse pulmonaire dont les causes sont nombreuses : sténose des veines pulmonaires congénitales ou acquises, rétrécissement mitral, dysfonctions ventriculaires gauches, certaines infections (par exemple, la leptospirose), les œdèmes à pression négative et les troubles de l’hémostase.
Les hémorragies intra-alvéolaires d’origine immune sont dominées par les vascularites associées aux anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles : polyangéite microscopique et granulomatose avec polyangéite (ancienne maladie de Wegener), puis les connectivites (lupus érythémateux disséminé) et la maladie des anticorps antimembranes basales (syndrome de Goodpasture). En faveur d’une forme immune, on retient la présence d’un syndrome pneumo-­rénal. Il faut donc dépister la présence d’une atteinte rénale (hématurie, protéinurie, insuffisance rénale d’apparition rapidement progressive). D’autres signes d’atteinte d’organes sont à rechercher : rhumatologiques (myalgies, arthralgies/arthrites) ; dermatologiques (purpura, nodules) ; ORL (ulcérations des muqueuses [perforation nasale]), sinusites). Une altération de l’état général et une installation subaiguë plaident également en faveur d’une origine immune.

Approche diagnostique

L’interrogatoire et l’examen clinique gardent toute leur place car ils sont essentiels au diagnostic positif et à l’évaluation de la gravité. De plus, ils fournissent les premiers indices sur la cause de l’hémoptysie. Même si l’angio-TDM volumique (ATDMV) a pris une place incontournable, la radiographie thoracique et la fibroscopie bronchique font partie de la prise en charge. En cas d’hémoptysie grave, toutes ces procédures sont réalisées en quelques heures. Les objectifs de ces examens sont de déterminer la localisation, la cause et le mécanisme du saignement. La réponse à ces questions est primordiale pour la prise en charge thérapeutique. En effet, devant une hémoptysie asphyxiante, une protection sélective simple des voies aériennes n’est réalisable qu’en cas de latéralisation (quel côté saigne ?). Une décision de chirurgie d’exérèse n’est possible que si la lésion est focalisée. Dans les ­hémoptysies massives, suivant le type de mécanisme artériel systémique ou pulmonaire, on a recours soit à l’artériographie bronchique avec embolisation, soit à l’angiographie pulmonaire avec vaso-occlusion.

Radiographie pulmonaire

Elle permet d’évoquer certains diagnostics, en particulier la tuberculose active ou l’aspergillome, et de localiser le saignement.

Fibroscopie bronchique

L’endoscopie permet de confirmer le diagnostic et de localiser le saignement si elle est réalisée précocement. Dans les situations où les lésions sont bilatérales, la fibroscopie est parfois plus performante que la tomo­densitométrie thoracique en matière de localisation. Elle permet aussi de diagnostiquer une cause telle qu’une tumeur si celle-ci est suffisamment proximale.

Tomodensitométrie thoracique

L’ATDMV tient une place majeure, notamment dans la prise en charge d’une hémoptysie. Elle permet :
  • une localisation certaine en cas de lésion en verre dépoli et/ou de foyer alvéolaire isolé ou lié à une cause ;
  • un diagnostic étiologique (par exemple, une dilatation des bronches, des séquelles de tuberculose ou une pathologie tumorale) ;
  • la détermination du mécanisme à l’origine du saignement.
En cas d’hypervascularisation d’origine systémique, l’ATDMV permet une cartographie des artères bronchiques et non bronchiques. Elle détecte les lésions des branches des artères pulmonaires, conduisant d’emblée à une angiographie pulmonaire pour vaso-occlusion pulmonaire. Il faut bien préciser au radiologue que, pour l’injection, un temps aortique et pulmonaire simultané est nécessaire pour la meilleure analyse possible.

Autres examens

Un hémogramme et une hémostase sont demandés de principe. Le groupage sanguin est indispensable même si la transfusion des patients est rare en dehors de la chirurgie. En fonction du contexte clinique sont effectuées la recherche de BAAR, une sérologie aspergillaire, etc.
En cas d’hémorragie intra-alvéolaire, le bilan comprend un bilan d’hémostase, un dosage de peptide natriurétique de type B, une échographie cardiaque pour évaluation de la fonction cardiaque et recherche d’un rétrécissement mitral serré (patients à haut risque de mort subite), un bilan immunologique (fractions C3 et C4 du complément, ANCA circulants, facteurs antinucléaires, anticorps antimembranes basales glomérulaires) et des biopsies d’organes ciblés. En attendant les résultats, une bandelette urinaire et un ionogramme sanguin peuvent se révéler pertinents dans les premières heures de la prise en charge pour repérer un syndrome pneumorénal.

Traitement

La survenue de crachats hémoptoïques nécessite un avis pneumologique d’autant plus qu’il s’agit d’un patient sans antécédent respiratoire connu. Dès que le volume dépasse 30 à 50 mL (la moitié d’un verre), une hospitalisation est nécessaire afin de repérer les hémoptysies les plus graves. Si le volume est inférieur à 30 à 50 mL, une prise en charge ambulatoire est possible mais discutée en fonction du terrain (BPCO sévère, troubles de l’hémostase, cause supposée, possibilité d’atteinte de l’artère pulmonaire…).

Traitement étiologique

Dans tous les cas, le traitement de la cause s’impose : antibiothérapie des surinfections bronchiques en cas de dilatation des bronches ou antituberculeux en cas de tuberculose, chirurgie et/ou chimiothérapie en cas de cancer pulmonaire.

Traitement des hémoptysies graves

Il comprend la mise en condition pour permettre un transfert vers une unité de réanimation dans un centre hospitalier disposant d’un service de radiologie inter­ventionnelle et de chirurgie thoracique, voire de bronchoscopie interventionnelle.
 

Mise en condition

En cas d’hémoptysie menaçante, les mesures suivantes s’imposent :
  • surveillance rapprochée avec contrôle continu de la saturation artérielle en oxygène, de la fréquence respiratoire, de la fréquence cardiaque et de la pression artérielle en attendant un transfert en milieu de réanimation ;
  • oxygénothérapie guidée par la SpO2 ( qui doit être supérieure à 90 %) ;
  • protection des voies aériennes par mise en position de sécurité en décubitus latéral du côté du saignement pour éviter l’inondation controlatérale. Dans les cas les plus sévères, on a recours à l’exclusion du territoire à l’origine du saignement par différents dispositifs, dont l'intubation sélective ou des bloqueurs bronchiques ;
  • mise en place de deux voies d’abord de bon calibre ;
  • contrôle de l’hémorragie par :
  • arrêt des traitements anticoagulants et/ou des anti­agrégants ;
  • voie locale : l’hémostase peut être assurée lors de la fibroscopie bronchique par instillation de sérum physiologique glacé. En cas de persistance du saignement ou si celui-ci est abondant, les recours possibles sont la xylocaïne adrénalinée, le sérum physiologique adrénaliné ou la terlipressine (Glypressine) locale. La fibroscopie bronchique permet, en outre, une toilette bronchique en ne touchant pas au caillot situé à l’origine du territoire source du saignement sous peine d’une récidive massive. Récemment, l’acide tranexamique a été proposé en aérosols (ou par voie intraveineuse) et semble efficace ;
  • voie générale : en cas d’hémoptysie menaçante ou en l’absence de possibilité de fibroscopie bronchique ou en cas d’échec du traitement perfibroscopique, les traitements vasoconstricteurs systémiques (terlipressine) peuvent être utilisés, mais avec prudence en présence de cardiopathie ischémique et/ou d’hypertension artérielle.
 

Traitements spécialisés

Radiologie interventionnelle
Elle a tellement révolutionné la prise en charge des patients avec hémoptysies graves qu’elle est devenue la technique la plus employée pour contrôler le saignement. Étant donné que l’hypervascularisation bronchique est le principal mécanisme de l’hémoptysie, l’artériographie bronchique avec embolisation de matériel solide et/ou liquide permet de contrôler l’hémorragie dans près de 70 à 90% des cas. Elle relève de centre expert car les complications de cette technique sont rares mais d’une gravité extrême (embolisation du rameau médullaire responsable alors de paraplégie, du rameau œsophagien entraînant une nécrose de l’œsophage). Dans les rares cas où l’atteinte est pulmonaire, une vaso-occlusion pulmonaire est proposée.
Chirurgie d’hémostase
Elle permet un contrôle immédiat de l’hémoptysie et n’expose pas à la récidive, si la cause n’est pas une maladie diffuse comme une dilatation des bronches. Cependant, elle ne s’adresse qu’aux patients opérables et à des lésions focalisées. Intervenant parfois sur des malades peu préparés et explorés en matière de fonction respiratoire, elle est grevée d’une morbidité (fistule bronchopleurale, pyothorax, hémothorax, ventilation mécanique prolongée) et d’une mortalité non négligeable évaluée entre 15 et 25%, ce d’autant qu’elle est réalisée immédiatement en période d’hémoptysie active.
Bronchoscopie interventionnelle
Dans certains centres, notamment en cas de tumeur proximales, différentes techniques pour contrôler le saignement peuvent être proposées.

Cas particuliers de l'hémorragie intra-alvéolaire

Le traitement de l’hémorragie intra-alvéolaire dépend de sa cause. En cas d’origine immune, un traitement par corticoïdes est institué. Ensuite, selon l’origine et la gravité, le renforcement d’un traitement immunosuppresseur (cyclophosphamide ou rituximab) est discuté.

Conclusion

Quel que soit son volume, l’hémoptysie conduit à une enquête étiologique. La tomodensitométrie thoracique occupe une place majeure dans la prise en charge. Les formes les plus graves sont à dépister car elles requièrent une prise en charge immédiate dans un centre spécialisé.
Points forts
Hémoptysies Approche diagnostique et prise en charge

La survenue d’une hémoptysie doit conduire à une enquête étiologique.

La gravité d’une hémoptysie s’évalue sur le volume, le retentissement respiratoire et le terrain sous-jacent.

Les principales causes d'hémoptysie sont le cancer, la dilatation des bronches, la tuberculose (active et ses séquelles) et l’aspergillome.

Le bilan d’une hémoptysie comprend le plus souvent une radiographie pulmonaire, l’angio-tomodensitométrie (TDM) volumique (ATDMV) avec un temps pulmonaire et aortique et une fibroscopie bronchique.

L’ATDMV permet de localiser le saignement, d’orienter vers une cause et de déterminer le mécanisme du saignement.

Le principal mécanisme de l’hémoptysie est lié à l’hypervascularisation bronchique.

En cas d’hémoptysie sévère, le traitement symptomatique repose sur la radiologie interventionnelle.

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