Les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) font partie des médicaments les plus utilisés dans le monde, dans les affections œso-gastro-duodénales. En 2009, la HAS a publié des recommandations, en alertant notamment sur le grand nombre de prescriptions injustifiées, à cause des effets indésirables potentiels et des interactions médicamenteuses rapportés depuis quelques années. De plus, cette forte consommation d’IPP, en particulier hors indication, a une répercussion économique majeure.

Objectif

Évaluer la non-conformité des prescriptions d’IPP en médecine générale en Ille-et-Vilaine, par rapport aux recommandations de la HAS de 2009. Identifier les freins au bon usage de ces traitements.

Méthode

Étude prospective réalisée dans le cabinet de 3 médecins généralistes d’Ille-et-Vilaine du 2 août au 31 octobre 2016. Sur 619 consultations consécutives, les patients sous IPP ont été inclus (n = 127, 21 %). Parmi eux, 1 sur 2 a été contacté par téléphone. Chez les 16 ayant répondu favorablement, nous avons effectué des entretiens individuels à l’aide d’un questionnaire pour recueillir leur perception. De plus, une enquête en ligne était proposée aux autres généralistes d’Ille-et-Vilaine. Les 73 réponses obtenues (sur 532 mails) ont permis d’évaluer leur ressenti.

Résultats

Parmi les 127 patients sous IPP, 82 (65 %) avaient une prescription non conforme – en termes d’indication et de posologie – aux recommandations.
Dans la majorité des cas, il s’agissait d’une coprescription en association à un antiagrégant plaquettaire, un corticoïde, un antivitamine K ou un anti-inflammatoire non stéroïdien chez des sujets non à risque (< 65 ans, sans antécédent d’ulcère gastroduodénal ; 24 sujets au total). L’analyse des 16 entretiens individuels révélait que l’information délivrée sur les IPP était insuffisante pour 14 patients (tous les sujets interrogés considéraient qu’elle devait provenir du médecin).
Plus de la moitié des malades étaient favorables à la mise en place de réunions sur les IPP ou à la distribution de fiches explicatives simplifiées.
Les réponses des praticiens au questionnaire (n = 73) mettaient en évidence une méconnaissance des recommandations de la HAS. En effet, 5 % parmi eux disaient les connaître en totalité, 53 % partiellement, 66 % ne savaient pas s’ils prescrivaient les IPP en conformité avec celles-ci, 33 % ignoraient les effets secondaires. Pour autant, 88 % réévaluaient la prescription au moins une fois par an et 56 % arrêtaient régulièrement le traitement (dont 23 % pour être en conformité avec les recommandations de la HAS).

Discussion

Cette thèse met en évidence un mésusage multifactoriel des IPP, confirmant les résultats d’autres études nationales et internationales. Concernant les médecins, il est lié à une méconnaissance des recommandations de 2009, à des difficultés à les appréhender et à des pertes d’informations dans le suivi liées notamment au changement de médecin traitant. Les patients ressentent surtout un manque d’information.
Ainsi, nous proposons plusieurs solutions : le développement des conciliations médicamenteuses, la révision des recommandations en intégrant des algorithmes de « déprescription », une réorganisation des formations médicales continues, avec une partie axée sur la consolidation des connaissances, des mesures incitant à adhérer à des groupes de pairs, la mise en place d’évaluations des pratiques professionnelles en ambulatoire.
Pour les patients : réunions d’information, consultations d’éducation thérapeutique, conception de fiches simplifiées.

Conclusion

Cette analyse montre une prescription inappropriée des IPP en médecine générale (par rapport aux recos) dans près de deux tiers des cas. Des mesures pour améliorer cette situation sont proposées. Cette étude pourrait être élargie en recueillant l’avis des pharmaciens et des autres spécialistes prescripteurs.
UFR Rennes : 1-5 novembre 2018 Jury • Patrick Jégo, service de médecine interne, CHU de Rennes (président du jury) • Yannick Mallédant, service de réanimation chirurgicale, CHU de Rennes (directeur de thèse) • Françoise Tattevin, médecin généraliste, professeur associé des universités du CHU de Rennes • Gwenaël Roth, médecin généraliste à Saint-Malo (assesseurs )

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