Évaluer ces données est nécessaire pour optimiser la prise en charge des survivants mais aussi adapter les stratégies de traitement.
Le lymphome non hodgkinien (LNH) est un excellent modèle d’étude car c’est la plus fréquente des hémopathies malignes, et la survie relative à 5 ans est de 60 %. En France, 60 000 personnes sont encore en vie après un LNH. Cependant, la mortalité des survivants reste supérieure de 5 à 10 % à celle de la population générale. Cela peut s’expliquer par un risque accru de seconds cancers et de toxicité tardive, principalement cardiovasculaire.1
Quelle survie après un lymphome ?
Point de départ : les données des patients inclus dans les essais thérapeutiques du LYSA (LYmphoma Study Association), groupe coopérateur français ayant traité plus de 10 000 malades au cours de ces 20 dernières années.
Seuls les sujets ayant fait un LNH à grandes cellules (plutôt agressif) ou folliculaire (indolent) étaient retenus. Les traitements étaient très variés : chimiothérapies cytotoxiques standard (CHOP, soit cyclophosphamide, doxorubicine, vincristine et prednisone), chimiothérapies intensives et greffe de moelle ou anticorps monoclonal comme le rituximab.
5 247 patients étaient toujours en vie à la date de l’évaluation. Les adresses de 3 317 d’entre eux ont été obtenues, et 50 % de cet effectif, soit 1 671, ont répondu à un questionnaire de santé très détaillé (200 questions). Il y a 906 hommes et 765 femmes. Le recul médian est de 11 ans avec un maximum à 23 ans.
Plus de comorbidités que dans la population
Il y a 54 % de tabagiques actifs ou anciens, 16 % sont des consommateurs d’alcool réguliers, 17 % sont obèses (IMC > 30). Depuis la fin du traitement, la prise de poids médiane est de 4 kg.
Seulement un tiers des personnes ne rapporte aucun problème de santé durant cette période de surveillance au long cours. Les deux tiers restants en déclarent au moins un (jusqu’à un maximum de 7) : atteintes cardiaques dans 20 % des cas, infections dans 12 %, douleurs musculosquelettiques 12 %, affections neuropsychiques de type dépression/anxiété 17 %, et seconds cancers (principalement sein, prostate, colorectal et poumon) dans 8 % des cas.
Intéressant, les troubles de concentration et de mémoire concernent près de 50 % des survivants avec des intensités très variables. Des problèmes sexuels sont rapportés par un tiers des sujets.
Le rituximab (Mabthera, Rixathon, Truxima) ne semble pas avoir augmenté la morbidité à long terme. En revanche, l’autogreffe est associée à un peu plus d’infections, notamment pulmonaires et zonas.
Globalement, les analyses de survie ne mettent pas en évidence de lien entre rituximab ou greffe et pathologies cardiovasculaires ou seconds cancers. Le seul facteur finalement significativement associé à ces 2 événements est l’âge.
Une fatigue intense pour la majorité
Elle est indépendante du traitement administré pour le lymphome, en particulier rituximab ou autogreffe. Elle est majorée par l’âge (notamment après 70 ans), l’obésité, les pathologies associées. Mais même les survivants sans problème de santé ont davantage de fatigue générale, de réduction d’activité et de baisse de motivation. Le niveau de fatigue en fin de chimiothérapie prédit leur asthénie à long terme.
L’anxiété joue un rôle central dans l’augmentation de la fatigue, elle a un fort impact sur toutes les dimensions. La dépression a, quant à elle, un retentissement qui se traduit par un épuisement général et physique.
En termes de prise en charge, il est important de noter que les patients ne consomment pas plus de soins, qu’ils aient été traités ou non par rituximab. Le constat est le même chez ceux ayant été greffés.
Toutefois, plusieurs facteurs ont été identifiés comme prédictifs d’une hausse de ce paramètre et donc du coût associé : maladie cardiovasculaire, affection neuropsychiatrique, second cancer, infection bronchopulmonaire, diabète, lésion musculosquelettique et âge ≥ 60 ans.
Conclusion
Les hausses de consommation de soins chez les survivants sont principalement liées à l’âge ou aux comorbidités mais pas à des séquences thérapeutiques particulières.
Le médecin traitant doit surveiller ces patients de façon prolongée afin de dépister et prendre en charge ces comorbidités, comme il le fait pour la population générale. Un accompagnement bienveillant face aux difficultés professionnelles est recommandé. Les règles préventives hygiénodiététiques doivent également s’imposer : contrôle pondéral, pratique sportive et réduction des consommations d’alcool et de tabac.
RÉFÉRENCES
Que dire aux patients
Votre fatigue est réelle, elle n’est pas purement psychologique. Il faut en parler sans crainte.✓ Un bilan complet peut être fait en collaboration avec votre médecin traitant pour éliminer des pathologies associées.✓Un bilan neurologiquepeut être utile pour adapter votre métier, notamment horaires et charge de travail cognitive.✓Une bonne hygiène de vie est cruciale pour un vieillissement réussi, encore plus après un cancer.
Complications à long terme après un LNH*
L’insuffisance cardiaque chronique (ICC) liée aux anthracyclines (doxorubicine) est une myocardiopathie, dose-dépendante, qui survient environ 3-4 ans après une chimiothérapie seule d’un lymphome à grandes cellules. Si son incidence est estimée à 4 % pour des doses d’anthracyclines de 500 à 550 mg/m², elle peut augmenter à 30 % au-delà de 550 mg/m². Cette ICC n’a pas de spécificité particulière et son traitement est celui classiquement utilisé. Afin de réduire la cardiotoxicité de ces médicaments, aucune option ne s’est montrée efficace (perfusion continue plutôt que bolus, molécules liposomales ou usage de cardioprotecteurs). L’ICC survient surtout chez les sujets âgés ayant des comorbidités cardiovasculaires. L’HTA en est un potentialisateur majeur. D’où l’importance de la lutte contre les facteurs de risque cardiovasculaire. Si un traitement est nécessaire, IEC, ARA2 et bbloquants ont un effet cardioprotecteur. Les règles hygiénodiététiques, le sevrage alcoolo-tabagique et le contrôle lipidique (statines) sont importants. L’ICC peut aussi survenir chez des sujets jeunes, sans comorbidité, à des faibles posologies (< 500 mg/m²).
Si les complications infectieuses à court terme sont bien documentées, l’utilisation des facteurs de croissance hématopoïétiques et le traitement des neutropénies fébriles codifiés, celles à long terme sont mal décrites. Certains patients font des infections répétées, souvent de la sphère ORL et des bronches, qui évoluent plus lentement que d’habitude, y compris sous traitement. Elles sont volontiers associées à une hypogammaglobulinémie, le tabagisme étant un facteur favorisant. En l’absence de cause identifiée, il faut considérer le bénéfice des immunoglobulines IV (non recommandées). Par ailleurs, il faut être vacciné chaque année contre la grippe et s’assurer que la vaccination antipneumococcique est à jour.
Les problèmes sexuels sont fréquents. Si les alkylants (cyclophosphamide) peuvent induire un hypogonadisme primaire, les premières causes de troubles érectiles (après les lésions neurologiques locales) sont l’athérosclérose, les antihypertenseurs et le diabète. S’y ajoutent parfois asthénie, troubles de la confiance en soi, atteintes de l’intégrité corporelle et détresse émotionnelle…
* Cheminant M, Baron M, Delarue R. Lymphomes de l’adulte.Suivi des complications à long terme : « hématologie de proximité ». Concours Med 2013;135:545-9.
2. Anthony S, Hebel P, Garrel A, et al. Conduire des études épidémiologiques après cancer en France : modalités, difficultés et propositions de solutions. Les enseignements de l’étude SIMONAL sur les toxicités tardives des traitements du lymphome non hodgkinien. Bull Cancer 2017;104:221-31.
3. Mounier N, Anthony S, Busson R, et al. Long term toxicity and fatigue after treatment for non-Hodgkin lymphoma: An analysis of 12 collaborative LYSA trials, the Simonal Study. ASCO 2016. J Clin Oncol 2016;34(suppl):7518.
4. Mounier N, Busson R, Anthony S, et al. Long term impact of up front ASCT combined with Rituximab in Non Hodgkin Lymphoma: an analysis of toxicity and fatigue in LYSA trials, the SIMONAL study. European Society of Blood and Marrow Transplantation. 43rd Annual Meeting, March 26-29, 2017, Marseille, France.