Concept né dans les années 1990, la ­médecine personnalisée a pris forme à partir des années 2000, grâce à des avancées technologiques et scientifiques : en 2003, l’achèvement du projet Génome humain marque un tournant en fournissant une base de données complète sur les gènes humains, ouvrant ainsi la voie à des approches médicales plus ciblées et individualisées. L’idée cheminant, le deuxième plan Cancer (2007) propose d’utiliser la génétique somatique pour guider et personnaliser les traitements, et évoque la nécessité de son accessibilité sur tout le territoire : il s’agit alors de proposer aux patients des traitements ciblant des anomalies moléculaires spécifiques de leur tumeur grâce aux plateformes de génétique moléculaire. Cette approche est en réalité plutôt une médecine de précision, puisque les patients dont les tumeurs possèdent les mêmes caractéristiques sont soumis au même traitement.1 Est-ce un abus de langage que de parler de médecine personnalisée ? 

L’être humain ne se limite pas à une somme de caractéristiques génétiques et moléculaires. La personnalisation des soins médicaux doit inclure non seulement les informations génétiques mais également le mode de vie, l’environnement et d’autres facteurs personnels : c’est ce qu’on appelle la médecine personnalisée, la vraie. Elle cherche à individualiser tous les aspects des soins, de la prévention au traitement, avec un objectif commun à la médecine de précision : celui de rendre les soins plus pertinents et efficaces pour chacun.La médecine personnalisée adopte donc une vision plus holistique, incrémentant la médecine de précision. 

Dans ces nouveaux paradigmes, il a fallu que le patient trouve sa place et prenne part au traitement – non plus imposé, mais proposé – de façon plus active. L’évolution des approches en matière de gestion des maladies chroniques et de l’autogestion des soins a permis de faire émerger la notion de « patient expert ». Au-delà de leur rôle de défenseur des droits et de soutien à leurs pairs, les patients experts collaborent avec les professionnels de santé pour améliorer la qualité des soins. Leur expertise unique aide à identifier les lacunes dans les services de santé et à proposer des améliorations. De même, ils contribuent à la recherche et à la formation médicales. En outre, leur expérience directe avec les systèmes de santé peut inspirer des innovations. Le patient expert semble donc avoir trouvé une place légitime au cœur d’une organisation des soins qui tend vers une personnalisation de plus en plus tangible. 

Et pourtant, la médecine personnalisée au sens large se heurte à de nombreux défis : il y a dix ans, on s’interrogeait déjà sur le coût engendré par les tests génétiques et thérapies ciblées, y compris pour les patients eux-mêmes, exacerbant, encore aujourd’hui, les inégalités en santé et d’accès au soin.2 Par ailleurs, l’ère de la médecine de précision repose sur l’analyse de grandes quantités de données, notamment génomiques. Leurs gestion, intégration et interprétation nécessitent des infrastructures technologiques avancées et des compétences spécialisées d’abord,3 puis leur collecte et stockage imposent d’établir des cadres éthiques et réglementaires. 

La médecine personnalisée offre bien des perspectives pour améliorer la qualité des soins et l’efficacité des traitements. Toutefois, pour que ces avancées profitent à tous, il est crucial de surmonter les obstacles économiques, technologiques et territoriaux en poursuivant la collaboration entre professionnels de santé, décideurs, législateurs, éthiciens et patients. L’équité en matière de médecine personnalisée constitue un impératif pour que chacun puisse bénéficier de prises en charge optimales. 

Références
1. Haut Conseil de la santé publique. Les apports des Plans cancer à la cancérologie. Mars 2016. 
2. Kembou Nzale S, Weeks WB, Ouafik L, et al. Inequity in access to personalized medicine in France: Evidences from analysis of geo variations in the access to molecular profiling among advanced non-small-cell lung cancer patients: Results from the IFCT Biomarkers France Study. Plos One 2020;15(7).
3. Thauvin C, Nowak F. Médecine génomique. Rev Prat 2021;71(9):1029-36.