La crise du Levothyrox consécutive au remplacement du médicament par une nouvelle formule dans des conditions jugées a posteriori extrêmement critiquables par les pouvoirs publics eux-mêmes suscite de nombreuses interrogations, dont l’une concerne l’étude de bioéquivalence qui a permis la substitution d’une formule à l’autre. À la suite de la publication dans La Revue du Praticien de l’article de Catherine Hill et Martin Schlumberger « Les deux formules de Levothyrox ne sont pas bioéquivalentes » (Rev Prat 2019;69:559-601), nous avons reçu deux réponses que nous publions sous le titre « Les deux formules de Levothyrox sont-elles bioéquivalentes ? » (1) et (2) suivies de celle des auteurs (3).
La rédaction
L’article de Hill et Schlumberger « Les deux formules de Levothyrox ne sont pas bioéquivalentes », publié dans La Revue du Praticien en juin 2019,1 est une analyse qui me semble peu rigoureuse d’une supposée différence de biodisponibilité entre l’ancienne et la nouvelle formule.
L’aire sous la courbe n’est pas une « mesure directe » de la biodisponibilité, mais un reflet de la biodisponibilité du Levothyrox, mais aussi des variations de la sécrétion de thyroxine.
La variabilité individuelle de l’aire sous la courbe est soumise à la variabilité de la biodisponibilité du comprimé et à la variabilité de la sécrétion endogène de thyroxine probablement accentuée par la variabilité de la réponse de l’axe thyréotrope à l’apport de thyroxine exogène.
Il existe donc très probablement une variabilité de l’aire sous la courbe observable avec deux comprimés de Levothyrox d’une formule identique pris à des jours différents.
Si la variabilité individuelle observée avec deux formules différentes du Levothyrox n’est pas comparée à celle observée avec deux comprimés de la même formule, on ne peut pas attribuer au changement de formule les différences observées, et l’article présente comme une conclusion ce qui, à ce stade, ne peut être qu’une supposition.
La conclusion que l’on peut tirer de cet article est la confirmation de ce vieux dicton statisticien : « Les chiffres, à force de les torturer, on peut leur faire avouer ce qu’on veut », y compris désigner comme coupable un Levothyrox soumis à un lynchage médiatique.
Par ailleurs, la traduction de la célèbre phrase de Tosltoï à la page 641 est peu fidèle au texte d’origine : « Toutes les familles heureuses se ressemblent, chaque famille malheureuse est malheureuse à sa façon » me semble plus fidèle. V
1. Hill C, Schlumberger M. Les deux formules de Levothyrox ne sont pas bioéquivalentes. Rev Prat 2019;69:599-601.