Bien que l’activité de transplantation soit en augmentation en France (5 276 en 2021), elle reste largement insuffisante compte tenu du nombre en progression de patients susceptibles d’en bénéficier (27 802 en 2021). Ces besoins croissants s’expliquent par les progrès effectués qui aboutissent à l’élargissement des indications de transplantation, et par le vieillissement de la population. L’inadéquation entre offre et besoins est à l’origine d’une importante pénurie de greffons. L'un des enjeux actuels majeurs en transplantation est de lutter contre cette pénurie.
Plusieurs stratégies deviennent incontournables pour lutter contre le manque de greffons :
  • augmenter le nombre de donneurs vivants : il est bien inférieur en France que dans certains autres pays. Il est primordial de promouvoir le don par une meilleure information et une meilleure sensibilisation de la population. C’est dans cet objectif que les lois de bioéthique ont été révisées en juillet 2011, puis en août 2021, élargissant le cercle des donneurs potentiels et autorisant le don croisé (lorsque donneurs et receveurs ne sont pas compatibles, deux paires receveur-donneur ayant une compatibilité croisée peuvent procéder à un échange anonyme d’organes) ;
  • élargir les critères d’acceptation des transplants : pour lutter contre la pénurie d’organes, certains reins sont maintenant transplantés malgré la présence de facteurs de mauvais pronostic chez le donneur (diabète, âge > 60 ans, décès de cause vasculaire, hypertension artérielle…). Ces greffons sont dits « marginaux » ou « à critères élargis ». Ils sont associés à une moins bonne évolution chez les receveurs, mais le pronostic des patients transplantés avec ces organes reste meilleur que celui des patients restant en dialyse. Leur répartition soulève de nombreuses questions éthiques. L’âge physiologique du receveur est un critère important à prendre en compte ;
  • prélever des donneurs décédés après arrêt cardiaque : il s'agit d'une stratégie incontournable pour lutter contre la pénurie d’organes. Ces donneurs sont divisés en deux catégories : les donneurs « contrôlés » sont des patients hospitalisés pour lesquels une décision d’arrêt des thérapeutiques actives a été prise, ou des patients décédés en état de mort encéphalique faisant un arrêt cardiaque irréversible en réanimation ; les donneurs « non contrôlés » sont des personnes faisant un arrêt cardiaque inattendu avec ou sans mise en œuvre de mesures de réanimation. Le prélèvement après arrêt cardiaque soulève de nombreuses questions éthiques, liées notamment aux patients en fin de vie (donneurs contrôlés). De plus, il pose de multiples problèmes techniques. En effet, il existe un risque important de dommages irréversibles du greffon après l’arrêt cardiaque. Ces transplantations nécessitent des critères stricts de sélection des greffons ainsi qu’une logistique importante et coûteuse : minimisation du temps d’ischémie, machines complexes de perfusion et de conservation des greffons, thérapeutiques adaptées. Le prélèvement sur donneurs décédés après arrêt cardiaque est autorisé en France depuis 2005, mais il reste rare. Les résultats obtenus en France sont encourageants et comparables à ceux obtenus avec des reins prélevés chez des donneurs à critères élargis en état de mort encéphalique. Il deviendra sans doute, et comme déjà dans certains autres pays (Pays-Bas, Suisse), une source importante d’organes ;
  • transplanter malgré la présence chez le receveur d’anticorps anti-HLA spécifiques du donneur ou malgré une incompatibilité ABO : ces transplantations sont rendues possibles en utilisant de lourds traitements immunosuppresseurs, appelés protocoles de désensibilisation. Ces thérapeutiques sont initiées avant la greffe et poursuivies plusieurs mois après. Elles ciblent les anticorps anti-HLA ou anti-A ou B. On utilise les anticorps anti-­CD20, les échanges plasmatiques, les cures répétées d’immunoglobulines intraveineuses, l’immunoadsorption ou encore la splénectomie (de plus en plus rarement).
La pénurie d’organes soulève de nombreuses questions éthiques en perpétuelle évolution : comment définir au mieux les critères de justice distributive en matière de répartition des greffons et lutter contre les inégalités entre receveurs ? Comment augmenter l’accès aux organes tout en respectant la dignité et les convictions des donneurs et de leur famille ? Comment lutter contre les pratiques intolérables du trafic d’organes et du tourisme de transplantation ? Comment préserver le rapport bénéfices-­risques favorable de la transplantation tout en élargissant le nombre de donneurs et de receveurs potentiellement éligibles?