L’enfant grandissant avec des handicaps sévères et son entourage proche affrontent à l’adolescence une modification de l’environnement médical et médico-social, imposé du simple fait du passage à l’âge légal de l’adulte  : changement de médecin et le plus souvent de professionnels de santé référents (infirmier, kinésithérapeute, orthophoniste, ergothérapeute, principalement), changement de lieu de vie chaque fois qu’un établissement médico-­social est nécessaire. Les risques de rupture de soins, du projet de vie et du parcours éducatif sont alors importants.

Rupture de soins, car le monde de la médecine adulte est plus éclaté, encore plus spécialisé que celui de l’enfant. Au référent principal, pédiatre, neuropédiatre ou pédopsychiatre, parfois médecin généraliste ou médecin de médecine physique et de réadaptation (MPR), ne succède pas toujours un médecin référent unique. Celui-ci, neurologue, psychiatre, MPR ou généraliste, est souvent difficilement et tardivement identifié.

Rupture du projet de vie et du parcours éducatif, car l’âge impose d’entrer dans un établissement médico-social pour adultes (maison d’accueil spécialisée, foyer d’accueil médicalisé...). Il est souvent difficile de trouver un établissement adapté. Ceci nécessite parfois le déménagement des parents. Cette réorganisation devrait se faire à l’âge de 18 ans, limite légale purement théorique dans la croissance non achevée de l’enfant. Le manque de structures pour adultes impose le maintien de l’adolescent en structure pour enfants, rendu possible par l’amendement Creton  ; mais il ne doit pas être prolongé, au risque de perturber sa maturation affective et sexuelle, l’autonomisation, même partielle... A contrario, le passage en structure pour adultes peut constituer une rupture dans le parcours éducatif, considéré à tort comme achevé, et présente le risque d’une mauvaise interprétation des comportements de la personne et de ses besoins.

Ces risques sont d’autant plus grands que les handicaps sont complexes et que s’y associent des déficiences de la communication dont la méconnaissance est source de troubles du comportement. En outre, le jeune adulte n’est trop souvent vu que par ses déficiences et non par ses potentialités. Les situations très différentes sont mal décrites, faute d’évaluations complètes et répétées, axées sur les capacités de la personne.

Enfin, ces risques surviennent à une période de fragilité particulière, l’adolescence, période de maturation cérébrale, qui débute avec la puberté et ne s’achève pas avant l’âge de 25 ans. La maturation elle-même est perturbée par les multiples déficiences. Adolescence et handicap sont percutés par les changements d’équipes et de lieu de vie imposés. Les équipes médicales et celles des établissements médico-sociaux sont elles-mêmes confrontées à cette interaction.

L’Académie nationale de médecine a élaboré des recommandations pour l’accompagnement de la transition de l’enfant handicapé vers l’âge adulte à l’attention des décideurs administratifs et juridiques et des professionnels des milieux médicaux et médico-sociaux.1 Pour toutes les situations de handicaps sévères, moteurs et associés, ou psychiatriques, il s’agit principalement  : de considérer que l’âge n’est pas le seul facteur déterminant du passage de l’enfant handicapé à l’âge adulte  ; de faciliter l’accès aux établissements médico-­sociaux pour adultes ; d’anticiper et coordonner le processus afin de créer un nouveau parcours de vie et de soins adaptés  ; de fonder ce projet sur les compétences et les potentialités de la personne  ; de prendre en compte la double vulnérabilité de la personne liée à ses handicaps et à l’adolescence  ; enfin, de promouvoir la communication entre tous les acteurs. 

Référence
Rapport de l’Académie nationale de médecine. Handicaps sévères de l’enfant, passage à l’âge adulte. Améliorer le parcours de santé afin d’accomplir ses projets de vie. 13 mai 2025. https://urls.fr/9fe9vT