Imaginez-vous en train de remplir un certificat de décès. La plume hésite sur la case « Obstacle médico-légal » (OML). « Dois-je cocher, ne pas cocher ? » Cette petite case peut sembler anodine mais elle est en réalité un puissant levier pour la justice et la santé publique. Comme l’indiquait le Pr Bertrand Ludes durant son intervention sur l’OML et ses conséquences lors de la 24e édition des Journées nationales de médecine générale, les dernières recommandations de 2025 de la Société française de médecine d’urgence (SFMU) en collaboration avec la Société française de médecine légale et d’expertises médicales (SFMLEM) offrent une boussole pour naviguer dans ces eaux parfois troubles…
L’OML est un peu comme un super-pouvoir : il permet de déclencher une investigation supplémentaire lorsque les circonstances du décès ne sont pas claires ou sont suspectes. Mais comme tout super-pouvoir, il doit être utilisé avec prudence. La case OML est là, presque comme un bouton rouge sur lequel appuyer est lourd de sens. Mais, parfois, il le faut.
Qui est donc en mesure de cocher cette case ? Selon les recommandations de la SFMU et de la SFMLEM, seuls y sont habilités les médecins en activité et inscrits à l’Ordre des médecins, les médecins retraités en ayant fait une demande spécifique et tout interne en médecine à partir du troisième semestre (par délégation et sous l’autorité d’un médecin inscrit à l’Ordre). À noter que les infirmiers diplômés d’État, bien qu’autorisés à remplir un certificat de décès dans des circonstances particulières (en Ehpad, par exemple), ne sont pas habilités à cocher l’OML ni ne peuvent rédiger de certificat de décès lorsque le caractère violent de la mort est manifeste ou soupçonné.
Quand doit-on appuyer sur le bouton rouge ? Les doutes sur les circonstances de la mort peuvent survenir pour diverses raisons : absence de témoins, manque d’informations médicales antérieures ou suspicion de causes non naturelles. Les dernières recommandations rappellent que l’OML doit être utilisé à bon escient. Par exemple, un décès survenu inopinément après un acte de soins doit entraîner la pose d’un OML, tout comme une mort subite, quel que soit l'âge, ou une mort ayant eu lieu dans un environnement particulier (par exemple, en détention). L’idée étant que face au doute, il est préférable de cocher l’OML – le procureur de la République portant alors la responsabilité de la suite des événements.
D’un point de vue légal, une erreur dans la certification du décès peut avoir des conséquences graves, telles que des poursuites judiciaires : si un médecin ne pose pas d’OML dans une situation où il aurait dû le faire, cela peut entraîner une enquête judiciaire pour négligence ou pour avoir omis de signaler un décès suspect. Les recommandations de 2025 insistent aussi sur l’importance de bien remplir l’ensemble du certificat de décès, même si l’OML est coché.
Sur le plan éthique, le médecin doit également considérer l’impact de sa décision sur la famille du défunt, qui peut être profondément affectée par les incertitudes entourant les circonstances de la mort. Une certification incorrecte peut entraîner des difficultés pour les familles en matière d’assurance et de compréhension des causes du décès.
Enfin, pour la société, une certification inexacte peut fausser les données épidémiologiques et compliquer les efforts de santé publique.
L’OML est donc un outil précieux, mais il doit être utilisé avec discernement. Les recommandations de la SFMU en collaboration avec la SFMLEM fournissent des lignes directrices précises pour aider les médecins à prendre des décisions éclairées. L’utiliser à bon escient permet de garantir que les actes de décès soient remplis avec précision et compassion, dans le respect des lois et des normes éthiques. Car, au bout du stylo, il y a des vies, des familles, une société et une justice qui comptent sur nous.