L’hypertension pulmonaire (HTP) est une manifestation clinique d’un groupe hétérogène de pathologies caractérisées par une pression artérielle pulmonaire moyenne (PAPm) anormalement élevée, mesurée par cathétérisme cardiaque droit (CCD).1 L’échocardiographie demeure le principal outil de dépistage permettant de suspecter une HTP, bien qu’elle ne puisse pas confirmer le diag­nostic ni la cause.
L’HTP entraîne une dyspnée d’effort qui s’aggrave progressivement, pouvant conduire à une insuffisance cardiaque droite chez les patients non traités. Plusieurs mécanismes peuvent être à l’origine d’une élévation de la PAPm ; les pathologies du cœur gauche et les maladies pulmonaires chroniques étant les causes les plus fréquentes dans les pays occidentaux.2 La prévalence de ces maladies augmente dans la population âgée et des études récentes indiquent que la prévalence de l’HTP en général a également augmenté au cours des dernières décennies. Chaque patient présentant une suspicion d’HTP doit faire l’objet d’un bilan exhaustif afin de caractériser les mécanismes physiopathologiques sous-jacents et d’établir un diagnostic. Ce n’est qu’à cette condition que les patients peuvent être pris en charge de manière appropriée. Des changements récents dans la compréhension de l’HTP ont justifié une mise à jour de sa définition hémodynamique et de sa classification clinique détaillées dans les recommandations 2022 de la Société européenne de cardiologie (ESC) et de la Société européenne de pneumologie (ERS) pour le diagnostic et le traitement.1 Cet article reprend les points clés de ces dernières recommandations internationales, tout en mentionnant les modifications suggérées lors du 7e Congrès mondial de l’hypertension pulmonaire de Barcelone en 2024.3

Définition hémodynamique

Définition évolutive

Une élévation de la PAPm, quelle que soit sa valeur, définit un état hémodynamique et non une maladie en soi.
La PAPm peut être définie par la formule suivante :
PAPm = résistances vasculaires pulmonaires (RVP) × débit cardiaque+ pression auriculaire gauche
Cette équation révèle les principaux mécanismes physiopathologiques qui peuvent entraîner une HTP :
  • augmentation de pression due à une pathologie cardiaque gauche provoquant une HTP post-capillaire ;
  • augmentation du débit cardiaque en lien avec des états hyperdynamiques (augmentation du débit cardiaque, physiologique ou non, par exemple grossesse, fièvre, anémie) et des shunts ;
  • plus rarement, élévation des résistances vasculaires pulmonaires (RVP) due à un remodelage vasculaire pulmonaire, comme dans l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP).
Une PAPm augmentée est donc observée dans des situations cliniques variées et peut correspondre à des entités physiopathologiques très différentes, de pronostics et prises en charge divers.
En 1973, lors du 1er Congrès mondial sur l’HTP, la définition hémodynamique de l’HTP a été fixée arbi­trairement comme une PAPm supérieure ou égale à 25 mmHg, significativement plus élevée que la limite supérieure de la normale. Ce seuil permettait historiquement de distinguer une HTP sévère, notamment associée à la prise de médicaments anorexigènes, d’une HTP plus modérée associée aux maladies respiratoires chroniques. Par la suite, ce seuil est resté inchangé dans les recommandations internationales successives.4
Une méta-analyse publiée par Kovacs et al. sur 1 187 sujets sains issus de 47 études a révélé que la PAPm normale au repos était de 14 ± 3,3 mmHg en position couchée, indépendamment du sexe, de l’âge et de l’origine ethnique.5 À la suite de cette étude, deux écarts types au-dessus de cette valeur ont défini la limite supérieure de la normale de PAPm à 20 mmHg. Plusieurs études ont depuis confirmé l’utilité clinique de ce seuil, les patients dont la PAPm se situe entre 21 et 24 mmHg présentant une survie moindre que les sujets dont la PAPm est inférieure ou égale à 20 mmHg.6,7 La question de la réduction du seuil de 25 à 20 mmHg a déjà été soulevée lors de la cinquième édition du Congrès mondial, mais certaines inquiétudes ont émergé quant aux conséquences potentielles d’un surdiagnostic de l’HTP et concernant le pronostic incertain des patients atteints d’HTP dite « limite » (PAPm comprise entre 21 et 24 mmHg). En 2018, le 6e Congrès mondial a proposé d’abaisser le seuil de la PAPm à 20 mmHg.8 En outre, le niveau de RVP a été inclus dans la définition hémodynamique pour distinguer l’HTP pré- et post-capillaire.8 Plusieurs études robustes ont justifié cette révision, notamment dans la sclérodermie systémique (ScS), avec la démonstration que les patients présentant une PAPm de 21 à 24 mmHg et une RVP supérieure ou égale à 2 unités Wood (UW) – unité de résistance vasculaire où la pression est exprimée en mmHg et le débit en L/min – avaient une atteinte fonctionnelle plus importante et une réduction de la survie à long terme. Par conséquent, dans l’HTAP associée à la ScS, un seuil de RVP de 2 UW est corrélé à une maladie vasculaire pulmonaire significative et semble plus pertinent pour cette population à haut risque.9
Dans une étude récente menée par Kovacs et al. chez des patients ayant bénéficié d’un CCD pour suspicion d’HTP, la définition du 6e Congrès mondial a précisément identifié des patients présentant des formes précoces de la maladie avec un pronostic plus défavorable.10 Sur cette base, le seuil de 20 mmHg pour définir l’HTP n’est plus arbitraire mais scientifiquement fondé. Dans une étude de cohorte rétrospective chez des vétérans américains, Maron et al. ont analysé la relation entre la RVP et les résultats cliniques défavorables dans l’HTP.11 Les auteurs ont retrouvé un hazard ratio ajusté pour la mortalité de 1,71 chez les patients ayant une PAPm d’au moins 19 mmHg et une pression d’occlusion inférieure ou égale à 15 mmHg, ce qui a été validé dans une cohorte externe de CCD. Le risque de mortalité toutes causes confondues était augmenté à un seuil d’environ 2,2 UW par rapport à une RVP de 1 UW.11 Ces données ont fourni la première preuve solide d’une issue défavorable lors de RVP légèrement élevée. Une valeur de RVP supérieure ou égale à 2,2 WU est ainsi apparue comme un déterminant important du devenir des patients.

Définition en 2024

Une HTP précapillaire est désormais définie par une PAPm supérieure à 20 mmHg associée à une RVP supérieure à 2 UW en présence d’une pression de remplissage du cœur gauche normale (pression artérielle pulmonaire d’occlusion [PAPO] ≤ 15 mmHg) mesurée par CCD.1 La mesure de la PAPm et le calcul de la RVP permettent de préciser le mécanisme de l’HTP (tableau 1). L’HTP postcapillaire est définie par une PAPO supérieure à 15 mmHg. Celle-ci peut être isolée avec des RVP inférieures ou égales à 2 UW ou associée à une atteinte précapillaire (HTP dite mixte ou combinée) si les RVP sont supérieures à 2 UW. L’impact pronostique d’une élévation modérée de la PAPm (de 21 à 24 mmHg) et/ou des RVP (de 2 à 3 UW) pose la question de la prise en charge adéquate de ces patients.
Ces critères hémodynamiques ont été conservés en 2024 durant le 7e Congrès mondial.3 Les essais ­thérapeutiques menés jusqu’à présent n’ont pas inclus les patients souffrant d’HTP légère et des essais clini­ques dédiés à cette sous-population sont désormais justifiés.

Hypertension pulmonaire d’exercice ou d’effort

L’HTP d’exercice a fait partie de la définition hémodynamique jusqu’en 2008, date à laquelle elle a été retirée en raison d’un manque de données robustes définissant les valeurs normales à l’effort. En effet, de nombreux facteurs peuvent modifier la PAPm à l’effort, qui ne sont pas toujours liés à la vasculopathie sous-jacente, comme l’âge du sujet ou lors d’un hyperdébit. Cependant, une PAPm anormalement élevée pendant l’effort a été associée à un pronostic défavorable dans différentes études.12 Ces travaux ont permis de mieux définir la réponse hémodynamique anormale à l’effort, justifiant de réintroduire cette définition dans les dernières recommandations.1 L’HTP d’exercice est désormais définie par une pente PAPm/débit cardiaque supérieure à 3 mmHg/L/min entre les valeurs au repos et à l’effort, mesurée au cours d’un cathétérisme d’effort (tableau 1). La pente PAPm/débit reste dépendante de l’âge, mais une pente supérieure à 3 mmHg/L/min est pathologique avant 60 ans et est rarement observée chez les individus sains de plus de 60 ans.12 Cependant, cette définition ne différencie pas les mécanismes pré- ou post-capillaires à l’origine de l’HTP d’exercice.

Principes de la classification clinique de l’HTP

La classification actuelle distingue cinq entités cliniques fondées sur une physiopathologie, des causes, une hémodynamique et des approches thérapeutiques similaires.1
Cette classification a évolué au fil du temps grâce à une meilleure compréhension des facteurs de risque de l’HTP. Elle comprend actuellement cinq grands groupes (tableau 2). Les groupes 1, 3 et 4 sont caractérisés par une atteinte précapillaire, le groupe 2 par une atteinte post-capillaire (parfois combinée à une composante précapillaire) et le groupe 5 comprend des causes d’HTP qui peuvent être à la fois pré- et post-capillaires (tableaux 1 et 2).
L’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP, groupe 1 de la classification) englobe un ensemble de pathologies vasculaires pulmonaires qui partagent une présentation clinique, des caractéristiques et une stratégie thérapeutique similaires. Une HTAP est diagnostiquée lorsque les critères hémodynamiques sus-mentionnés sont remplis et que les autres causes d’HTP précapillaire sont exclues. L’HTAP est une forme rare d’HTP caractérisée par une dysfonction endothéliale et un remodelage progressif des vaisseaux pulmonaires de petit calibre. Parmi les causes d’HTAP, on identifie les formes héritables, l’HTAP associée à des expositions médicamenteuses et toxiques, et l’HTAP associée à diverses maladies telles que les connectivites (princi­palement la sclérodermie systémique et le lupus érythémateux disséminé), l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), l’hypertension portale, les cardiopathies congénitales et la bilharziose (tableau 2). Après un bilan diagnostique approfondi éliminant les groupes 2 à 5 ou une autre cause connue, certaines HTAP sont classées comme idiopathiques. Dans la plupart des registres d’HTAP, la forme idiopathique est majoritaire (de 50 à 60 % des cas), suivie par l’HTAP associée aux connectivites, aux cardiopathies congénitales et à l’hypertension portale.2

Principales évolutions des dernières classifications

La classification de l’HTP a été actualisée à partir de l’évolution des connaissances sur les différentes formes d’HTP depuis la précédente version de 2015.4 Parmi les principales modifications, on note :
  • l’identification de deux sous-groupes d’HTAP idiopathique selon la réponse au test de vasoréactivité en aigu, les répondeurs constituant un sous-groupe de patients susceptibles de répondre au long cours aux inhibiteurs calciques et ayant un meilleur pronostic. À la suite du 7e Congrès mondial, cette entité clinique a été reconnue comme un sous-groupe distinct (groupe 1.1.1), reflétant le profil thérapeutique et pronostic spécifique ;
  • l’intégration au sein des HTAP de la maladie veino-occlusive/hémangiomatose capillaire pulmonaire, désormais dénommée HTAP avec signes d’atteinte veinulaire et/ou capillaire. Ces patients ont un phénotype différent (facteurs de risque liés à des expositions, trouble de diffusion marqué, hypoxémie plus sévère, aspect scanographique particulier) et une moins bonne réponse aux traitements spécifiques de l’HTAP (risque d’œdème pulmonaire) avec un pronostic réservé en l’absence de transplantation pulmonaire, rendant leur identification importante ;13
  • au sein du groupe 3, rassemblant les causes d’HTP associées aux maladies respiratoires chroniques et/ou à l’hypoxie, le 7e Congrès mondial ne classe plus les sous-groupes en fonction du trouble ventilatoire mais selon les entités cliniques (bronchopneumopathie chronique obstructive, pneumopathie interstitielle diffuse, etc.), permettant une approche plus précise du diagnostic et de la prise en charge.3 De plus, on note le retrait des troubles respiratoires du sommeil comme cause d’HTP du groupe 3 pour ne garder que les syndromes d’hypoventilation. Le syndrome d’apnées du sommeil n’est en général pas une cause isolée d’HTP mais plutôt une cause aggravante chez des patients ayant par ailleurs une maladie respiratoire chronique ; l’HTP est, en revanche, fréquente en cas d’hypoventilation alvéolaire, comme dans le syndrome d’obésit-hypoventilation.14

Une classification en permanente évolution pour une prise en charge optimisée

La nouvelle définition hémodynamique de l’HTP est fondée sur des données scientifiques et permet de prendre en compte des patients ayant des HTP débutantes, avec répercussion clinique mais dont la prise en charge reste à préciser. La dernière classification clinique vise à regrouper les HTP en groupes ayant des mécanismes et prises en charge communs. C’est un outil utile au quotidien pour le clinicien, à la fois pour le diagnostic et l’approche thérapeutique des patients. Cette classification n’est pas figée. Elle est, au contraire, amenée à évoluer au fil des nouvelles connaissances, permettant une prise en charge homogène et adaptée de toutes les formes d’HTP. 
Références
1. Humbert M, Kovacs G, Hoeper MM, et al. 2022 ESC/ERS Guidelines for the diagnosis and treatment of pulmonary hypertension. Eur Respir J 2022;2200879.
2. Hoeper MM, Humbert M, Souza R, et al. A global view of pulmonary hypertension. The Lancet Respiratory Medicine 2016;4(4):306‑22.
3. Kovacs G, Bartolome S, Denton CP, et al. Definition, classification and diagnosis of pulmonary hypertension. Eur Respir J 2024;64(4):2401324.
4. Galiè N, Humbert M, Vachiery JL, et al. 2015 ESC/ERS Guidelines for the diagnosis and treatment of pulmonary hypertension: The Joint Task Force for the Diagnosis and Treatment of Pulmonary Hypertension of the European Society of Cardiology (ESC) and the European Respiratory Society (ERS). Endorsed by: Association for European Paediatric and Congenital Cardiology (AEPC), International Society for Heart and Lung Transplantation (ISHLT). European Respiratory Journal 2015;46(4):903‑75.
5. Kovacs G, Berghold A, Scheidl S,et al. Pulmonary arterial pressure during rest and exercise in healthy subjects: A systematic review. Eur Respir J 2009;34(4):888.
6. Maron BA, Hess E, Maddox TM, et al. Association of borderline pulmonary hypertension with mortality and hospitalization in a large patient cohort: Insights from the veterans affairs clinical assessment, reporting, and tracking program. Circulation 2016;133(13):1240‑8.
7. Douschan P, Kovacs G, Avian A, et al. Mild elevation of pulmonary arterial pressure as a predictor of mortality. Am J Respir Crit Care Med 2018;197(4):509‑16.
8. Simonneau G, Montani D, Celermajer DS, et al. Haemodynamic definitions and updated clinical classification of pulmonary hypertension. Eur Respir J 2019;53(1):1801913.
9. Xanthouli P, Jordan S, Milde N, et al. Haemodynamic phenotypes and survival in patients with systemic sclerosis: The impact of the new definition of pulmonary arterial hypertension. Annals of the Rheumatic Diseases 2020;79(3):370‑8.
10. Kovacs G, Zeder K, Rosenstock P, et al. Clinical impact of the new definition of precapillary pulmonary hypertension. Chest 2021;159(5):1995‑7.
11. Maron BA, Brittain EL, Hess E, et al. Pulmonary vascular resistance and clinical outcomes in patients with pulmonary hypertension: A retrospective cohort study. The Lancet Respiratory Medicine 2020;8(9):873‑84.
12. Zeder K, Banfi C, Steinrisser-Allex G, et al. Diagnostic, prognostic and differential-diagnostic relevance of pulmonary haemodynamic parameters during exercise: A systematic review. Eur Respir J 2022;60(4):2103181.
13. Montani D, Girerd B, Jaïs X, et al. Clinical phenotypes and outcomes of heritable and sporadic pulmonary veno-occlusive disease: A population-based study. Lancet Respir Med 2017;5(2):125‑34.
14. Yochai Adir, Marc Humbert, Ari Chaouat. Sleep-related breathing disorders and pulmonary hypertension. Eur Respir J 2021;57(1):2002258.

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Résumé

L’hypertension pulmonaire (HTP) est une manifestation physiopathologique d’un ensemble hétérogène de pathologies se caractérisant par une augmentation de la pression artérielle pulmonaire, mesurée lors d’un cathétérisme cardiaque droit. Les recommandations de l’European Society of Cardiology (ESC) et de l’European Respiratory Society (ERS) pour le diagnostic et le traitement de l’hypertension pulmonaire, publiées en 2022, proposent une nouvelle définition hémodynamique de l’HTP en abaissant le seuil de pression artérielle pulmonaire moyenne (PAPm) à 20 mmHg. L’HTP précapillaire est désormais définie par une PAPm supérieure à 20 mmHg associée à une pression artérielle pulmonaire d’occlusion normale (inférieure ou égale à 15 mmHg) et à des résistances vasculaires pulmonaires (RVP) augmentées (supérieures à 2 unités Wood). Ces critères ont été maintenus lors du 7e Congrès mondial de l’hypertension pulmonaire (7th WSPH) en 2024. Les recommandations ESC-ERS 2022 comprennent également une révision de la classification clinique de l’HTP tout en conservant la distinction entre cinq entités, en fonction de la physiopathologie sous-jacente.