Identifier les situations d’urgence et connaître les grands principes de prise en charge.
C’est une maladie ubiquitaire, même s’il peut parfois y avoir l’émergence de foyers épidémiques, comme récemment au Pérou.
Épidémiologie
Un antécédent infectieux récent, infection respiratoire, syndrome grippal ou diarrhée, est notifié dans 50 à 75 % des cas. Une infection par Campylobacter jejuni serait objectivée dans près de 30 % des cas, et une primo-infection par le cytomégalovirus dans environ 10 à 15% des situations. Les autres agents infectieux fréquemment associés au syndrome de Guillain-Barré sont Mycoplasma pneumoniae, Haemophilus influenzae, le virus d’Epstein-Barr, le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) mais aussi la grippe et plus récemment des virus émergents comme le Zika, le chikungunya ou le SARS-CoV-2.
Les fréquences de survenue d’un syndrome de Guillain-Barré ont été respectivement évaluées entre 0,25 et 0,65 pour 1 000 infections par Campylobacter jejuni et entre 0,6 et 2,2 pour 1 000 primo-infections par le cytomégalovirus dans une étude prospective française.
La campagne de vaccination contre la grippe porcine H1N1, aux États-Unis en 1976, avait donné lieu à une importante recrudescence du nombre de syndromes de Guillain-Barré. Particulièrement suivie, la campagne de vaccination de 2009 contre la même souche de grippe n’a donné lieu qu’à une augmentation minime du nombre de cas. Dans une étude, sur 264 patients ayant présenté un syndrome de Guillain-Barré, aucun des 106 patients vaccinés après leur premier épisode n’a présenté de nouvel épisode. Aucun lien significatif n’a pu être démontré entre le syndrome de Guillain-Barré et les autres vaccinations.
Diagnostic
Des critères ont été établis dans la littérature, notamment pour faciliter le diagnostic lors des épidémies de grippe porcine : critères d’Asbury et récemment de Brighton.
Présentation clinique
Phase d’extension
Arbitrairement, la durée de la phase d’extension ne doit pas dépasser quatre semaines pour retenir le diagnostic de polyradiculonévrite aiguë, mais sa durée est très variable suivant les patients. En pratique, la plupart des patients atteignent le maximum des symptômes en moins de quinze jours. Certaines formes peuvent être fulminantes, avec des phases d’extension très courtes (facteur de risque d’admission en réanimation).Les premiers signes comportent souvent des paresthésies ou des dysesthésies des extrémités. L’existence de paresthésies péribuccales ou de la langue est très évocatrice du diagnostic. Des douleurs lombaires pseudo-radiculaires sont également fréquentes. Paradoxalement, les anomalies sensitives mises en évidence lors de l’examen clinique sont souvent bien moins importantes que les troubles sensitifs ressentis par les patients.
Le déficit moteur est habituellement globalement symétrique, à la fois proximal et distal, mais prédomine plutôt en proximal. L’extension des symptômes est classiquement ascendante. Néanmoins, environ 10 % des patients ont une atteinte initiale aux membres supérieurs. L’importance du déficit moteur est variable, pouvant aller d’une discrète faiblesse à une tétraplégie complète.
Témoignant du caractère périphérique de l’atteinte, les réflexes ostéotendineux sont réduits ou absents. S’ils peuvent être encore présents au début des symptômes, ils ne restent conservés, voire vifs, que chez environ 10 % des patients.
Une parésie faciale survient dans la moitié des cas et une atteinte bilatérale est fréquente. Des troubles de la déglutition sont associés chez environ 30 % des patients.
L’atteinte respiratoire est fréquente et nécessite une ventilation mécanique dans environ un tiers des cas.
Enfin, une dysautonomie est rapportée dans 15 % des cas, pouvant associer des troubles du rythme cardiaque, une hyper- ou une hypotension, un iléus et/ou une rétention urinaire.
Phase de plateau
Atteinte en moyenne en neuf jours, la phase de plateau est de durée variable, pouvant aller de quelques jours à plusieurs mois. À ce stade, deux tiers des patients ont perdu la marche et près d’un tiers sont tétraplégiques. La durée de cette phase de plateau est corrélée à un mauvais pronostic fonctionnel. Environ 80 % présentent une aréflexie complète et 70 à 90 % ont des troubles sensitifs. Près de 70 % des patients ont des douleurs d’origine multifactorielle, parfois difficiles à soulager.Phase de récupération
La phase de récupération est également très variable d’un patient à l’autre. Des fluctuations cliniques sont possibles après l’introduction du traitement, et des rechutes précoces sont parfois rapportées.Six mois après le début des symptômes, environ 20 % des patients restent incapables de marcher sans aide, 40 % gardent un déficit moteur à un an, dont 14 % un déficit sévère, et entre 4 et 15 % des patients décèdent dans la première année en dépit du traitement.
La persistance de fatigue, de troubles sensitifs et de douleurs concerne près de 60 % des patients à un an, et ces séquelles peuvent parfois persister plusieurs années. Les conséquences sociales et professionnelles d’un épisode de syndrome de Guillain-Barré sont souvent importantes, avec nécessité de réorientation professionnelle pour près de 40 % des patients.
Les récidives de Guillain-Barré restent exceptionnelles, mais environ 6 % des patients peuvent présenter une ou plusieurs rechutes (le plus souvent liées à une nouvelle infection à C. jejuni de même sérotype qu’initialement). Une présentation aiguë d’une forme chronique de polyradiculonévrite chronique est également possible.
Examens complémentaires
Électroneuromyogramme
L’électroneuromyogramme est un élément clé dans le diagnostic du syndrome de Guillain-Barré. Il permet souvent de confirmer le diagnostic mais également de différencier les sous-types de polyradiculonévrite aiguë et de donner des éléments pronostiques.Il permet aussi de confirmer l’origine périphérique de l’atteinte, d’évaluer la perte en fibres nerveuses et de rechercher des signes évocateurs de démyélinisation. Ces signes évocateurs de démyélinisation sont l’allongement des latences distales, l’allongement de la durée des potentiels moteurs distaux, l’allongement des latences des ondes F, le ralentissement des vitesses de conduction et la présence de blocs de conduction ou de dispersions temporelles. La présence de ces signes permet de retenir le diagnostic de la forme classique démyélinisante (acute inflammatory demyelinating polyradiculoneuropathy [AIDP]). Cette forme correspond à environ 90 % des cas en Europe et en Amérique du Nord.
L’allongement des latences distales et de la durée du potentiel moteur distal traduit des anomalies de conduction à la partie terminale des nerfs moteurs, tandis que l’allongement des latences des ondes F reflète des anomalies de conduction sur les segments proximaux des nerfs (au niveau des racines). Les blocs de conduction qui expliquent les déficits moteurs sont parfois difficiles à mettre en évidence, car ils sont souvent situés dans des zones inaccessibles à l’examen électrique (partie distale des nerfs ou racines).
Les formes dites axonales du SGB, acute motor axonal neuropathy (AMAN) ou acute motor and sensory axonal neuropathy (AMSAN), rares en Europe et en Amérique du Nord (5 %), sont beaucoup plus fréquentes en Asie, notamment au Japon (40 %) ou en Chine (65 %).
La différence entre une forme axonale et une forme démyélinisante n’est pas toujours aisée dès le premier électroneuromyogramme. En effet, il existe des anomalies de conduction transitoires dans les formes axonales et, à l’inverse, les anomalies évocatrices de démyélinisation sont parfois retardées dans les formes démyélinisantes. La réalisation d’électroneuromyogrammes successifs est parfois nécessaire pour permettre une classification correcte du type de polyradiculonévrite aiguë et pour porter un pronostic.
Ponction lombaire
Classiquement, le syndrome de Guillain-Barré s’accompagne d’une dissociation albuminocytologique. Il s’agit d’une augmentation de la protéinorachie (parfois jusqu’à 20 g/L), avec un nombre de cellules nucléées restant inférieur à 10/mm3. Un nombre supérieur à 50/mm3 doit faire suspecter l’un des diagnostics différentiels, en particulier si la pléiocytose persiste.Cette dissociation albuminocytologique n’est présente que dans environ la moitié des cas lors de la première semaine mais augmente entre 80 et 90 % à partir de la deuxième semaine. La protéinorachie n’est pas corrélée au pronostic.
Bilan complémentaire initial
Le rôle principal de ce bilan complémentaire est d’écarter les diagnostics différentiels mais également d’apporter des éléments étiologiques et pronostiques.Un bilan biologique comportant un hémogramme, un ionogramme sanguin, un bilan hépatique et une électrophorèse des protides sériques doit être réalisé. Une sérologie des principaux agents infectieux (cytomégalovirus, virus d’Epstein-Barr, VIH, Campylobacter jejuni, Mycoplasma pneumoniae, hépatites B, C, SARS-CoV-2) et une recherche de porphyrie sont également utiles.
Lorsqu’elle est réalisée, l’IRM médullaire peut mettre en évidence une prise de contraste sur les racines.
Diagnostics différentiels
La présence d’un niveau sensitif, d’une anesthésie en selle, de troubles sphinctériens précoces (rétention urinaire d’emblée ou incontinences urinaire et fécale), de signes pyramidaux doit faire rechercher une pathologie médullaire ou de la queue de cheval et nécessite une IRM en urgence.
Les autres neuropathies aiguës (alcooliques, carentielles) ou les monomultinévrites, rapidement progressives en général dans le cadre de vascularites, peuvent être trompeuses à la phase initiale. Dans ce cas, l’examen clinique, le contexte, la ponction lombaire (absence de dissociation) et l’électromyogramme permettent de redresser le diagnostic.
Une hyperthermie initiale ou une pléiocytose dans le liquide céphalorachidien doit faire craindre une méningoradiculite. Un virus herpès (HSV et virus varicelle-zona) et une borréliose doivent être recherchés dans le liquide céphalorachidien, et un traitement antiviral et antibiotique démarré en attendant les résultats.
En fonction de l’exposition récente des patients à certains agents infectieux ou toxiques, différents diagnostics doivent être envisagés, comme le virus West Nile, la dengue, une intoxication par la ciguatera…
Dans les formes motrices pures, les diagnostics de myasthénie, botulisme et poliomyélite doivent être évoqués, de même qu’une paralysie hypokaliémique ou une myosite inflammatoire (dosage des créatines phosphokinases [CPK]).
Les principaux diagnostics différentiels sont présentés dans le
Formes frontières
Syndrome de Miller-Fisher
Décrit par Charles Miller Fisher en 1956, le syndrome éponyme associe une ataxie, une aréflexie tendineuse et une ophtalmoplégie. Ce syndrome représente environ 5 % des cas de syndrome de Guillain-Barré en Europe, mais est plus fréquent en Asie, notamment au Japon. Il est associé dans plus de 90 % des cas à la présence d’anticorps anti-GQ1b. La richesse en gangliosides Q1b au niveau des nerfs oculomoteurs mais également leur présence au niveau du cervelet expliquent la prédominance de l’atteinte oculomotrice et le caractère à la fois proprioceptif et cérébelleux de l’ataxie. Un déficit moteur peut être présent dans un quart des cas mais reste habituellement modéré. Néanmoins, certains syndromes de Miller-Fisher peuvent évoluer vers un syndrome de Guillain-Barré plus classique (forme descendante), confirmant le lien entre les deux pathologies. À l’inverse, des formes incomplètes du syndrome de Miller-Fisher ont été rapportées, avec des ophtalmoplégies ou des ataxies isolées. Le risque de récidive reste faible mais est plus important que dans le syndrome de Guillain-Barré classique (C. jejuni).Encéphalopathie de Bickerstaff
Associée dans 68 % des cas à la présence d’anticorps anti-GQ1b, l’encéphalopathie de Bickerstaff est une rhombencéphalite postinfectieuse formant un probable continuum avec le syndrome de Miller-Fisher. Elle comporte une opthalmoplégie, une ataxie, des troubles de la vigilance. Des troubles de la déglutition, des troubles sensitifs et un signe de Babinski peuvent être présents. Des anomalies à l’IRM et à l’électroencéphalogramme sont également rapportées.Autres formes
Différentes formes cliniques de syndrome de Guillain-Barré ou de pathologies proches ont été individualisées, élargissant le spectre de cette affection.Les formes subaiguës, identifiées par Ho et al., évoluent en plus de quatre semaines mais moins de deux mois. Ces formes partagent avec le syndrome de Guillain-Barré une évolution exempte de rechutes mais sont sensibles aux corticoïdes comme les formes chroniques.
Les formes brachio-cervico-pharyngées, décrites par Ropper et al. en 1986, sont considérées comme une variante du syndrome de Guillain-Barré. Fréquemment associées à une infection par Campylobacter jejuni, il existe des formes de passage tant vers des syndromes de Guillain-Barré axonaux que vers des syndromes de Miller-Fisher.
Pandysautonomies : des cas d’atteinte aiguë du système nerveux autonome, sans atteinte du système nerveux somatique, ont été rapportés. La présence d’anticorps anti-GT1b et GQ1b les font parfois considérer comme des formes frontières du syndrome de Guillain-Barré.
Physiopathologie
La stimulation du système immunitaire par l’agent pathogène entraînerait, en une dizaine de jours, la production d’anticorps dirigés contre l’agent infectieux mais également contre des épitopes du nerf périphérique situés essentiellement sur les nœuds de Ranvier et sur la terminaison axonale expliquant les formes axonales. Les anticorps anti-GM1 et anti-GD1a sont clairement associés aux formes axonales de Guillain-Barré, tandis que les anticorps anti-GQ1b sont très fortement associés au syndrome de Miller-Fisher et les GT1a aux formes brachio-cervicopharyngées. Les anticorps associés à la forme démyélinisante de Guillain-Barré (AIDP) ne sont pas actuellement connus. Des anticorps anti-GM2 ont été associés au CMV mais ne semblent pas jouer de réel rôle pathogène.
La fixation de ces anticorps au niveau des nerfs induit l’activation du complément et la formation de complexes d’attaque membranaires ainsi qu’un chimiotactisme des cellules inflammatoires.
Dans les formes démyélinisantes de syndrome de Guillain-Barré (AIDP), la fixation de ces anticorps sur la gaine de myéline entraîne un infiltrat inflammatoire (principalement des lymphocytes T et des macrophages), responsable d’une démyélinisation focale plus ou moins suivie d’une perte axonale secondaire.
Dans les formes axonales de syndrome de Guillain-Barré (AMAN ou AMSAN), des anticorps comme les anti-GM1 pourraient jouer un rôle direct sur les canaux sodiques voltage-dépendants, expliquant les anomalies transitoires de conduction parfois décrites dans ces formes (nodopathies) ainsi que la récupération parfois très rapide. La poursuite de l’atteinte inflammatoire entraînerait la destruction de l’axone, sans signes de démyélinisation.
La plus grande perméabilité de la barrière hématonerveuse au niveau des racines et à la partie terminale des nerfs explique la localisation préférentielle sur ces sites des lésions constatées au cours du syndrome de Guillain-Barré. C’est également en raison de cette localisation que les anomalies électrophysiologiques sont souvent indirectes (latences des ondes F ou latences distales allongées) et la recherche de blocs de conduction souvent décevante.
Traitement
Traitements spécifiques
Échanges plasmatiques
Proposés comme traitement du syndrome de Guillain-Barré dès 1978, les échanges plasmatiques ont démontré leur efficacité dans plusieurs études. Les plasmaphérèses permettent d’accélérer la récupération et réduisent le risque de séquelles à un an mais ne modifient pas le risque de décès. La plupart des études ont inclus des patients avant la deuxième semaine, démontrant l’intérêt d’un traitement précoce. Une étude a permis de déterminer le nombre d’échanges plasmatiques nécessaire en fonction de la gravité du syndrome de Guillain-Barré. Deux échanges plasmatiques sont utiles en cas de forme modérée (sans perte de la marche), tandis que quatre sont nécessaires en cas de forme plus sévère. Le principal risque des plasmaphérèses est infectieux, notamment chez les patients ventilés (pneumopathies dans 60 à 75 % des cas).Immunoglobulines polyvalentes intraveineuses
Les immunoglobulines polyvalentes ont été proposées comme traitement du syndrome de Guillain-Barré en 1988. Plusieurs études ont comparé l’efficacité des immunoglobulines polyvalentes aux plasmaphérèses, montrant une efficacité analogue des deux traitements. La posologie est habituellement de 2 g/kg durant trois à cinq jours (0,4 g/kg durant cinq jours). Une étude publiée en 2001 a montré la moindre efficacité d’une demi-dose, notamment chez les patients ventilés.Autres traitements
Un essai clinique a testé la réalisation d’échanges plasmatiques suivis d’immunoglobulines polyvalentes et n’a pas permis de démontrer de supériorité par rapport à des échanges seuls, le risque étant de cumuler les effets indésirables de chaque traitement.Contrairement aux formes chroniques de polyradiculonévrites, les corticoïdes n’ont aucun effet bénéfique dans le syndrome de Guillain-Barré et pourraient même retarder la repousse axonale.
Traitements symptomatiques
Insuffisance respiratoire aiguë
Cette complication est la principale cause de mortalité au cours du syndrome de Guillain-Barré, l’instauration d’une ventilation mécanique étant nécessaire chez 25 à 30 % des patients. L’installation de l’insuffisance respiratoire se fait souvent à bas bruit, et les perturbations gazométriques, tardives, ne doivent pas être attendues pour justifier la mise en route de la ventilation mécanique. Il s’agit d’une insuffisance respiratoire restrictive dans laquelle les échanges gazeux sont conservés. La survenue d’anomalies gazométriques, comme une hypoxémie, correspond soit à des complications parenchymateuses, soit à une profonde hypoventilation alvéolaire (hypercapnie). Le seuil de 45 mmHg pour la PaCO2 est le signe d’une hypoventilation alvéolaire nécessitant une prise en charge rapide. Les premiers signes sont une respiration rapide superficielle (rapid shallow breathing), l’orthopnée, la tachypnée, la polypnée, une sensation d’oppression thoracique ou une difficulté à la parole. La surveillance de la fonction pulmonaire (fréquence respiratoire, capacité vitale, pressions inspiratoire et expiratoire) doit être régulière. La décompensation peut être brutale, à la suite d’une atélectasie ou d’une fausse route.La ventilation non invasive n’est pas indiquée chez ce type de patients ayant des troubles de la déglutition, une diminution rapide de la capacité vitale avec un épuisement respiratoire et une dysautonomie.
De plus, il n’est pas possible de connaître à l’avance la durée de ventilation mécanique, qui peut parfois être de plusieurs semaines ou de plusieurs mois.
Les facteurs prédictifs de nécessité de ventilation mécanique et les critères d’intubation sont rappelés dans le
En cas de déficit prolongé, une trachéotomie peut être proposée, en attendant la récupération. Un délai de trois semaines de ventilation mécanique est proposé avant de recourir à cette option. La stabilité du score de fonction pulmonaire (capacité vitale + pression inspiratoire + pression expiratoire) entre J1 et J12 serait prédictive d’une ventilation mécanique prolongée (plus de trois semaines).
Troubles de la déglutition
L’atteinte bulbaire survient dans 30 % des cas. Les principales complications en sont les fausses routes, avec un risque de pneumopathie de déglutition, d’encombrement respiratoire et d’atélectasie.La présence de symptômes bulbaires, avec notamment des troubles de la déglutition, impose la pose d’une sonde nasogastrique permettant l’alimentation entérale et l’administration des traitements. L’évaluation est difficile en pratique, une bonne déglutition des liquides ne garantissant pas l’absence de micro-inhalations.
L’intubation retardée est un facteur de risque de pneumopathie précoce acquise sous ventilation mécanique, secondaire à des troubles de la déglutition.
Douleurs
Retrouvées chez plus des deux tiers des patients, les douleurs sont souvent un signe prodromique de la maladie. Il s’agit classiquement de douleurs neurogènes, à type de paresthésies, dysesthésies, prédominant au niveau des extrémités et des lombes, et sévères (échelle visuelle analogique supérieure à 8/10). Ces douleurs sont corrélées à la sévérité du déficit moteur et peuvent persister pendant plusieurs semaines ou années.Ces douleurs neurogènes doivent être prises en charge par des antalgiques spécifiques comme la progabaline (150 à 600 mg/j) ou la gabapentine (900 à 3 600 mg/j).
Il ne faut cependant pas négliger les douleurs liées à l’immobilisation, qu’il convient de traiter par des antalgiques classiques (paliers I à III) et des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS).
Complications thromboemboliques
L’immobilisation prolongée et les traitements par immunoglobulines polyvalentes majorent le risque de thromboses veineuses profondes et/ou d’embolie pulmonaire. L’incidence chez les patients en réanimation est respectivement de 9 et 7 %. Une anticoagulation préventive par héparine non fractionnée ou de bas poids moléculaire ou le port de bas de compression pneumatique intermittente doit rapidement être instauré et maintenu jusqu’à la reprise de la marche ou au minimum trois mois en cas de persistance d’une immobilité.Dysautonomie
L’atteinte du système nerveux autonome se retrouve dans plus de 70 % des cas. Elle est responsable de troubles du rythme cardiaque, d’une labilité tensionnelle (hypo- et hypertension artérielle), de rétention urinaire, d’iléus fonctionnel, de troubles vasomoteurs et d’un syndrome de sécrétion inappropriée d’ADH. La dysautonomie peut être sévère, avec de possibles épisodes de bradycardie extrême, notamment lors des aspirations. Les troubles du rythme cardiaque expliqueraient 5 % des décès au cours du syndrome de Guillain-Barré.Réhabilitation précoce
Aucune étude contrôlée n’a été réalisée pour mettre en évidence l’intérêt d’une rééducation précoce. La réhabilitation précoce et intensive semble toutefois efficace sur la récupération motrice et sur la fatigue résiduelle. La kinésithérapie respiratoire, avec notamment les techniques de désencombrement (cough assist), nous paraît d’un intérêt particulier dans la prévention de l’encombrement bronchique et des surinfections pulmonaires.Autres complications
L’iléus fonctionnel peut être traité par des agents prokinétiques, comme l’érythromycine ou la néostigmine. Des sondages rectaux peuvent être réalisés en cas de constipation.La pose d’une sonde vésicale à demeure est nécessaire en cas de rétention aiguë d’urine. Elle est maintenue en place jusqu’à récupération de la motricité des membres inférieurs.
La présence d’une paralysie faciale avec inocclusion palpébrale impose une protection oculaire par application de pommade à la vitamine A et occlusion nocturne.
Facteurs pronostiques
Plusieurs paramètres électrophysiologiques ont été associés au pronostic du syndrome de Guillain-Barré. L’amplitude des potentiels moteurs à l’électroneuromyogramme semble être un facteur pronostique robuste. L’atteinte démyélinisante serait également un facteur pronostique de recours à la ventilation mécanique.
Le diagnostic de syndrome de Guillain-Barré est principalement clinique et repose sur l’apparition rapide (de quelques jours à quatre semaines) de troubles sensitifs, d’un déficit moteur habituellement grossièrement symétrique et d’une diminution ou d’une abolition des réflexes ostéotendineux. L’électroneuromyogramme et la ponction lombaire peuvent apporter des arguments en faveur du diagnostic. Le traitement spécifique repose sur les échanges plasmatiques ou les immunoglobulines polyvalentes intraveineuses, mais la prise en charge des conséquences directes et indirectes du syndrome de Guillain-Barré constitue une partie essentielle du traitement (troubles respiratoires ou de déglutition, complications thromboemboliques, douleurs…). Des signes en faveur de troubles de la déglutition, d’une atteinte respiratoire ou d’une dysautonomie sévère doivent être recherchés très régulièrement au cours de la phase d’extension et justifient le transfert du patient en réanimation : un tiers des patients nécessitent une ventilation mécanique. Le pronostic vital peut être engagé dans 5 à 10 % des cas. Néanmoins, le pronostic global du syndrome de Guillain-Barré est bon (80 % de récupération sans séquelles à terme), mais des douleurs et une fatigue résiduelle sont très fréquentes au moins la ou les premières années. Les signes de gravité sont surtout en rapport avec l’intensité et la vitesse d’installation du déficit moteur ainsi qu’avec la présence de troubles respiratoires et bulbaires.
Polyradiculonévrite aiguë inflammatoire (syndrome de Guillain-Barré)
Le syndrome de Guillain-Barré est l’une des principales urgences en neurologie. Sa gravité potentielle, sa fréquence et sa survenue à tous les âges de la vie nécessitent que tous les praticiens puissent en faire le diagnostic précocement et connaissent les principes de sa prise en charge.
Cela est d’autant plus vrai qu’une prise en charge précoce et adaptée permet une évolution favorable dans plus de 80 % des cas. De plus, le caractère bien défini de cette pathologie et de son traitement en fait une question de choix pour l’EDN.
Devant une paralysie aiguë rapidement ascendante, atteinte sensitivomotrice plus ou moins symétrique s’aggravant rapidement en quelques jours, l’hypothèse d’un syndrome de Guillain-Barré doit toujours être évoquée. Il est nécessaire de connaître les éléments en faveur du diagnostic, et notamment comprendre l’intérêt de l’électroneuromyogramme (confirmer l’origine périphérique de l’atteinte, chercher des arguments en faveur d’une démyélinisation). Les diagnostics différentiels sont évidemment à connaître afin de savoir rechercher les arguments cliniques ou paracliniques plaidant contre le diagnostic de syndrome de Guillain- Barré. En effet, en l’absence de signe pathognomonique, le diagnostic de syndrome de Guillain-Barré reste fondé sur un faisceau d’arguments. L’un des diagnostics différentiels principaux pour un dossier d’EDN serait probablement une compression médullaire ou un syndrome de la queue de cheval.
La connaissance du traitement spécifique (immunoglobulines intraveineuses ou échanges plasmatiques) mais surtout du traitement symptomatique est indispensable. La prévention des complications thromboemboliques, de la douleur, des troubles de la déglutition est un des points majeurs. La connaissance des complications respiratoires et dysautonomiques est également très importante.
En raison du handicap résiduel et de ses conséquences sur la vie sociale et professionnelle des patients, le syndrome de Guillain-Barré peut faire l’objet d’un cas clinique transversal impliquant des notions de rééducation et abordant la prise en charge des handicaps chroniques.