objectifs
Prescrire et surveiller un médicament appartenant aux principales classes de diurétiques.
Les diurétiques sont des médicaments qui induisent une augmentation du volume urinaire des 24 heures ou diurèse. Les diurétiques les plus utilisés sont en fait des substances qui vont entraîner une augmentation de l’élimination urinaire du sodium (salidiurétiques) et cet effet natriurétique s’accompagne d’une augmentation plus ou moins importante de l’excrétion urinaire d’eau. Cette augmentation de l’excrétion de sodium est due à l’inhibition des processus impliqués dans sa réabsorption au niveau de la cellule tubulaire vers le pôle sanguin. C’est une classe de médicaments parmi les plus prescrites, notamment dans le traitement de l’hypertension artérielle et de l’insuffisance cardiaque, avec de possibles effets indésirables et des interactions médicamenteuses à prendre en compte par le prescripteur.

Fonction urinaire et physiologie rénale

Un rappel de physiologie rénale est nécessaire pour aborder la pharmacologie des diurétiques.
Parmi les différentes fonctions du rein, celui-ci assure la régulation de l’équilibre hydro-électrolytique, en assurant le maintien du volume, de la tonicité et de la composition électrolytique des liquides de l’organisme. Cette fonction est effectuée par le néphron, unité fonctionnelle du rein, qui est constitué d’un glomérule et d’un tubule. Le tubule rénal est lui-même constitué du tubule contourné proximal, de l’anse de Henlé, dont la branche descendante (section fine) pénètre la médullaire depuis la zone corticale puis la branche ascendante (section large), remonte ensuite vers la corticale, et se prolonge par le tubule contourné distal. L’ensemble des tubules contournés distaux se déverse dans les tubes collecteurs (figure).
Le tubule détermine la composition en eau et en électrolytes de l’urine par des phénomènes de réabsorption et de sécrétion qui sont sous la dépendance de systèmes de transports cellulaires passifs, liés aux gradients électrochimiques transmembranaires, ou actifs (consommation d’adénosine triphosphate [ATP]) contre ces gradients. Alors que le glomérule filtre 25 000 mmol d’ions sodium par jour, 99 % est ensuite réabsorbé par le tubule, et la quantité finale de sodium éliminée dans l’urine est ainsi très proche des apports moyens journaliers (250 mmol). De ce fait, une simple réduction de la réabsorption tubulaire portant sur 1 % de la quantité filtrée double la clairance sodique. La réabsorption sodée est très importante au niveau du tube contourné proximal (65 % de la quantité totale réabsorbée), puis diminue dans la branche ascendante de l’anse de Henlé (25 %), et le tube contourné distal (10 %) [figure]. Ces différences expliquent pourquoi les diurétiques qui agissent le plus en amont sont ceux qui potentiellement peuvent avoir l’effet natriurétique le plus important.
Le tube contourné proximal est le siège d’une réabsorption importante d’ions bicarbonates, grâce à l’action de l’enzyme anhydrase carbonique, qui influence parallèlement celle du sodium. Le filtrat est ensuite concentré dans la partie descendante de l’anse de Henlé : l’eau quitte le tubule alors que les solutés y restent (branche descendante perméable à l’eau et imperméable aux solutés dont le chlorure de sodium). Puis le filtrat est dilué au fur et à mesure de son passage dans la partie ascendante de l’anse de Henlé de la médullaire vers la corticale puisque les solutés sont extraits du filtrat alors que l’eau y est retenue (branche ascendante imperméable à l’eau et perméable aux solutés). Ainsi, l’osmolarité tubulaire est basse à la sortie de la branche ascendante de Henlé. Dans le segment de dilution situé à la jonction entre la fin de l’anse de Henlé et le début du tube contourné distal, l’urine devient hypo-osmotique par rapport au plasma. Par ailleurs, la réabsorption du sodium dans la branche ascendante de l’anse de Henlé entraîne une augmentation de la concentration de sel dans l’interstitium et la création d’un gradient interstitiel cortico-médullaire. Ce gradient interstitiel cortico-médullaire permet la réabsorption d’eau par le tube collecteur lors de sa traversée vers la papille urinaire, qui dépend de sa perméabilité. Cette dernière dépend de l’expression des aquaporines qui augmente sous l’action de l’hormone antidiurétique (ADH).

Classification et propriétés pharmacodynamiques

Les diurétiques sont généralement classés en fonction de leur site d’action tubulaire (tableau 1). Ils inhibent au pôle apical (urinaire) des cellules épithéliales un transporteur ou un canal, provoquant de ce fait une inhibition de la réabsorption de sodium et la baisse d’activité de la pompe Na+/K+ ATPase présente à leur pôle interstitiel, sur la membrane basolatérale.
Afin de bien comprendre l’action des diurétiques, il est important de retenir que les médicaments qui agissent en distalité ne peuvent exercer leur action que sur la fraction de sodium qui n’a pas encore été réabsorbée. De plus, la physiologie des segments d’aval du néphron est modifiée par les événements se déroulant en amont. Ainsi, l’inhibition des processus de réabsorption sodée sur les segments d’amont s’accompagne d’une augmentation compensatrice de la réabsorption sodée par les systèmes en aval et modifie ainsi également l’excrétion urinaire d’autres ions dont les processus de réabsorption ou de sécrétion sont couplés à celui du sodium. En particulier, l’augmentation de la quantité de sodium arrivant dans le tube contourné distal potentialise sa réabsorption par le canal sodium épithélial ENaC et favorise l’excrétion urinaire du potassium en augmentant le gradient électrochimique transépithélial. De plus, l’activation à ce niveau de l’échangeur Na+/H+ s’accompagne d’une augmentation de l’excrétion urinaire des protons (ions H+).

Diurétiques proximaux

Au niveau du tube contourné proximal, les diurétiques inhibiteurs de l’anhydrase carbonique induisent une baisse de la concentration d’acide carbonique intracellulaire et ainsi, indirectement, inhibe l'échangeur Na+/H+ (pôle luminal) et la pompe Na/K+ ATPase (pôle interstitiel) de la cellule, diminuant la réabsorption du sodium. L’inhibition de l’anhydrase carbonique intracellulaire s’accompagne d’une moindre réabsorption d’ions bicarbonates qui peut être responsable d’une acidose métabolique. Cependant, l’effet diurétique des inhibiteurs de l’anhydrase carbonique n’est observé qu’à des concentrations élevées, quand plus de 99 % de l’activité enzymatique est inhibée, et reste relativement modeste car compensé par la réabsorption distale du sodium. En fait, les inhibiteurs de l’anhydrase carbonique tels que l’acétazolamide agissent également sur le corps ciliaire où ils inhibent la production d’humeur aqueuse et sont ainsi employés en ophtalmologie dans le traitement des hypertonies oculaires (glaucome aigu).
Les diurétiques osmotiques sont des substances inertes sur le plan pharmacologique librement filtrées et non réabsorbées qui vont augmenter l’osmolarité urinaire et ainsi diminuer la réabsorption de l’eau et des électrolytes. Leur utilisation est relativement limitée, mais le mannitol est indiqué par voie intraveineuse dans la prise en charge des œdèmes cérébraux et des hypertonies oculaires.

Diurétiques de l’anse

Dans la branche ascendante de l’anse de Henlé, les diurétiques de l’anse, dont le chef de file est le furosémide, inhibent le cotransporteur Na+/K+/2Cl- au pôle apical de la cellule (figure). L’inhibition de ce transporteur conduit à une inhibition de la réabsorption de sodium, du potassium et du chlore. La baisse du sodium intracellulaire s’accompagne d’une inhibition de la pompe Na+/K+ ATPase basolatérale et ainsi du sodium réabsorbé au pôle interstitiel. L’inhibition du co-transporteur Na+/K+/2Cl-abaisse également le gradient électrochimique transmembranaire favorable à la réabsorption tubulaire du calcium et du magnésium, augmentant ainsi leur excrétion. Enfin, ils potentialisent l’excrétion urinaire des protons en distalité.
Du fait de leur action au niveau de la branche ascendante de l’anse de Henlé où la proportion de sodium réabsorbée est très importante, les diurétiques de l’anse ont un effet natriurétique très marqué et apparaissant très rapidement après leur administration. Ainsi, l’administration intraveineuse des diurétiques de l’anse permet une excrétion rénale de sodium de plusieurs centaines de millimoles en quelques heures suivant la dose administrée. Cependant, cet effet natriurétique est relativement limité dans le temps après l’administration, de l’ordre de quelques heures, et ce malgré le développement de formes galéniques permettant une libération prolongée de ces diurétiques.

Diurétiques thiazidiques

Les diurétiques thiazidiques tels que l’hydrochlorothiazide et les molécules apparentées (indapamide) inhibent le cotransporteur Na+/Cl au pôle luminal des cellules de la partie initiale du tubule contourné distal (figure). Ces diurétiques, à l’inverse des diurétiques de l’anse, stimulent la réabsorption tubulaire de calcium par un probable effet direct sur le transporteur du calcium (figure). Enfin, ils favorisent l’excrétion distale du potassium et des protons.
L’administration des diurétiques thiazidiques permet d’obtenir à faible dose un effet natriurétique prolongé dans le temps mais dont l’intensité est beaucoup moins importante que pour les diurétiques de l'anse.

Diurétiques épargneurs de potassium

Dans la partie terminale du tube contourné distal, les diurétiques épargneurs de potassium inhibent la réabsorption du sodium au niveau du canal ENaC (figure). Ceci est réalisé, soit de façon directe par des substances qui vont bloquer ce canal telles que l’amiloride ou le triamtérène, soit de façon indirecte par les antagonistes des récepteurs de l’aldostérone tels que la spironolactone ou l’éplérénone. Ces derniers, encore appelés « anti-aldostérones », exercent leur action en se fixant sur le récepteur cytosolique de l’aldostérone également appelé récepteur minéralocorticoïde et empêchent sa migration dans le noyau et la transcription d’ARN messagers codant différentes protéines spécifiques, en particulier celles composant le canal ENaC et la pompe Na+/K+ATPase. Du fait de l’inhibition de l’entrée du sodium, le gradient transépithélial est réduit, ce qui s’oppose à la sortie du potassium vers la lumière tubulaire (figure). À fortes concentrations, ils peuvent également réduire l’excrétion urinaire des protons et favoriser le développement d’une acidose hyperkaliémique.
L’effet natriurétique des diurétiques épargneurs de potassium de type antagonistes des récepteurs de l’aldostérone dépend directement de l’aldostéronémie qui contrôle l’ajustement final de la réabsorption du sodium. Leur effet natriurétique est donc plus important en cas d’hyperaldostéronisme, primaire ou secon­daire. En revanche, l’action des diurétiques, non antagonistes de l’aldostérone, est peu dépendante de l’aldostérone bien que restant influencée par le degré d’activation de cette voie. De façon générale, l’effet natriurétique des diurétiques épargneurs du potassium est relativement modéré car portant sur moins de 1 à 2 % du sodium filtré.

Propriétés pharmacocinétiques

Tous les diurétiques, excepté les antialdostérones, sont excrétés dans l’urine tubulaire et accèdent ainsi à leur cible pharmacologique au pôle apical des cellules tubulaires. L’excrétion urinaire des diurétiques s’exerce principalement par sécrétion tubulaire proximale (voie de sécrétion des acides organiques) car seule une faible fraction est filtrée par le glomérule du fait de leur forte liaison aux protéines plasmatiques. Ainsi, même si l’insuffisance rénale augmente la demi-vie d’élimination des diurétiques par diminution de leur filtration, elle s’accompagne surtout d’une diminution de leur effet natriurétique par moindre sécrétion tubulaire. En cas d’insuffisance rénale sévère (débit de filtration glomérulaire inférieur à 30 mL/min), seuls les diurétiques de l’anse conservent une efficacité natriurétique.
Il est également à noter que les diurétiques passent la barrière fœto-placentaire et sont présents dans le lait maternel. De ce fait, les diurétiques sont contre-indiqués chez la femme enceinte ou allaitante, en raison de l’hypovolémie qu’ils induisent.
Leur posologie et leur mode d’administration varient en fonction de leur catégorie et des objectifs thérapeutiques recherchés. Dans les états œdémateux aigus, les diurétiques de l’anse sont privilégiés du fait de leur grande efficacité et de leur rapidité d’action. Ils sont alors administrés à dose élevée et de façon répétée, 2 ou 3 fois par jours, lorsque la tolérance de la surcharge hydrosodée est mauvaise. De façon secondaire ou d’emblée si la surcharge sodée est bien tolérée, la dose administrée sera plus faible et poursuivie jusqu’à correction des signes cliniques de surcharge. Au long cours, ils sont généralement administrés en une prise par 24 heures malgré une durée d’action de 4 à 12 heures selon les molécules mais permettant une stabilisation du bilan sodé. Les diurétiques thiazidiques seuls ou en combinaison, ont un effet rapide mais moins intense que les précédents, leur durée d’action varie de 12 à 24 heures. Ils sont administrés généralement en une prise par jour, en particulier dans l’hyper­tension artérielle essentielle. Les diurétiques hyperkaliémiants sont utilisés en raison de leur effet natriurétique modéré mais surtout en raison de leur action hyperkaliémiante et antagoniste des effets propres de l’aldostérone. Les diurétiques hyperkaliémiants non antagonistes de l’aldostérone ont une durée d’action de 24 heures et sont administrés à raison d’une prise par jour. Les diurétiques antagonistes de l’aldostérone ont une durée d’action de 24 à 48 heures. Ils sont administrés généralement une fois par jour. L’augmentation de leur posologie est généralement progressive tous les 4 jours pour l’éplérénone dans l’insuffisance cardiaque à 6 semaines pour la spironolactone en contrôlant la kaliémie et en tenant compte de la fonction rénale.

Indications

Insuffisance cardiaque

Les diurétiques ont été les premiers traitements utilisés dans la prise en charge de l’insuffisance cardiaque chronique. Les diurétiques ont dans cette indication une place importante puisque l’un des principaux objectifs thérapeutiques à court terme est la correction et la prévention de la rétention hydrosodée et des signes cliniques associés. Les diurétiques de l’anse administrés par voie orale sont la classe à privilégier dans le traitement de l’insuffisance cardiaque chronique du fait de leur grande efficacité natriurétique et de la persistance de cette efficacité en présence d’une insuffisance rénale, fréquente chez ces patients. Ils sont dans ce contexte préférés aux diurétiques thiazidiques, moins efficaces et rapidement inutilisables en cas d’insuffisance rénale.
De plus, les diurétiques de l’anse, et en particulier le furosémide administré par voie intraveineuse, constituent le traitement de première ligne de l’insuffisance cardiaque aiguë, associés à l’oxygéno­thérapie et aux dérivés nitrés en accord avec les recommandations internationales. En effet, leur effet veinodilatateur important permet une baisse rapide des pressions de remplissage des cavités cardiaques. La surveillance du traitement devra conduire à l’adaptation des doses administrées en fonction de l’efficacité obtenue, de la pression artérielle et de la fonction rénale, de la diurèse et du poids. La kaliémie sera surveillée et l’hypokaliémie sera prévenue par l’administration de sels de potassium de façon adaptée.
D’autre part, l’ajout d’un diurétique de type antialdostérone (spironolactone ou éplérénone), aux traitements de base de l'insuffisance cardiaque chronique, bloqueurs du système rénine- angiotensine (inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angio­tensine [IEC] et antagonistes des récepteurs AT1 de l’angiotensine II [ARAII] et β-bloquants, permet d’obtenir un bénéfice supplémentaire pour réduire la morbimortalité chez les patients. Cet effet est dû à l’antagonisme de l’hyperaldostéronisme secondaire fréquemment associé à l’insuffisance cardiaque et à la prévention, avec les IEC et les ARAII, de l’hypokaliémie fréquemment observée chez ces patients et potentialisée par les diurétiques de l’anse. De plus, ils exercent également une action préventive sur le développement de la fibrose associée au remodelage myocardique du fait du blocage des récepteurs minéralo-corticoïdes des cardiomyocytes.

Hypertension artérielle

L’effet antihypertenseur des diurétiques est majoritairement lié à la diminution de la volémie. Les diurétiques thiazidiques ont également des effets vasodilatateurs directs dont les mécanismes et l’importance sur le plan pharmacodynamique restent à préciser.
Dans la prise en charge des patients atteints d’hypertension artérielle essentielle, les diurétiques thazidiques peuvent être utilisés en première intention seuls ou en association à faibles doses aux IEC ou aux ARAII. Cette classe pharmacologique est notamment efficace dans la prise en charge de l’hypertension artérielle systolique du sujet âgé. Les diurétiques de l’anse ne sont généralement pas utilisés pour le traitement de l’hypertension artérielle sauf en présence de signes d’insuffisance cardiaque ou d’insuffisance rénale sévère.
Les antialdostérones comme la spironolactone sont utilisés pour la prise en charge de l’hypertension artérielle secondaire à l’hyperaldostéronisme primaire.
Enfin, l’hypertension artérielle résistante est définie comme la persistance d’une pression artérielle systolique (PAS) supérieure à 140 mmHg et/ou une pression artérielle diastolique (PAD) supérieure à 90 mmHg malgré une trithérapie comprenant un bloqueur du système rénine-angiotensine, un inhibiteur calcique et un diurétique thiazidique. Dans ce cas, il est recommandé d’introduire comme quatrième traitement un antialdostérone.

Autres indications thérapeutiques

Œdèmes d’origine hépatique : un diurétique épargneur de potassium est généralement utilisé seul ou en association avec un diurétique de l’anse.
Hypercalciurie idiopathique : les thiazidiques ont été proposés dans le traitement de la lithiase rénale compliquée après échec de mesures diététiques appropriées.

Effets indésirables

Les effets indésirables des diurétiques sont principalement la conséquence de l’exagération de leurs effets pharmacologiques (diurétique et natriurétique) ou liés à leurs interactions médicamenteuses.
Ces effets indésirables sont principalement d’ordre cardiovasculaire, hydroélectrolytique et métabolique.

Hypovolémie

Elle est secondaire à la déplétion hydrosodée excessive et s’observe en général en présence d’une natrémie conservée du fait de la perte équilibrée d’eau et de sodium. Cliniquement, des signes de déshydratation extracellulaire (asthénie, perte de poids, plis cutané, augmentation de l’hématocrite, de la protidémie, de l’urémie) vont être associés à une hypotension ortho­statique. L’hypovolémie secondaire à la déplétion hydrosodée peut également s'accompagner d'une hypotension artérielle, en particulier, orthostatique et d'une insuffisance rénale aiguë fonctionnelle.

Hyponatrémie de dilution

La déplétion sodée induite par les diurétiques peut causer paradoxalement une hyponatrémie de dilution. Ceci peut s’observer en cas d’hypovolémie sévère (relative ou vraie) responsable d’une sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique (ADH). Ce risque est majoré par le maintien d’apports d’hydriques importants ou l’administration de solutés hypotoniques.

Dyskaliémies

Les diurétiques thiazidiques et les diurétiques de l’anse induisent généralement une hypokaliémie tandis que les diurétiques épargneurs de potassium peuvent induire une hyperkaliémie, notamment en cas d’insuffisance rénale.
Ces dyskaliémies sont génératrices de troubles du rythme cardiaque parfois sévères.

Anomalies du bilan phosphocalcique

Les diurétiques de l’anse peuvent causer une hypocalcémie (augmentation de la calciurèse) tandis que les diurétiques thiazidiques peuvent causer une hypercalcémie (diminution de la calciurèse).

Hyperuricémie

Les diurétiques de l’anse et les diurétiques thiazidiques peuvent augmenter l’uricémie et déclencher des crises de goutte. Cet effet s’explique par une compétition au niveau du tube contourné proximal (TCP) entre sécrétion de l’acide urique et des diurétiques. Cet effet est particulièrement fréquent chez l'insuffisant rénal.

Hypomagnésémie, hypovitaminose B1

L’administration prolongée de diurétiques de l’anse peut s’accompagner d’une hypomagnésémie (v. supra). Le furosémide peut également lors de son administration au long cours, en particulier chez le patient insuffisant cardiaque chronique, s’accompagner d'un déficit en vitamine B1 (thiamine) du fait d'une élimination urinaire accrue.

Équilibre acido-basique

Les diurétiques de l’anse et les diurétiques thiazidiques peuvent augmenter l’excrétion distale des protons au niveau de l’échangeur Na+/H+ du tube contourné distal du fait de l’augmentation de la charge sodique à ce niveau. L’alcalose métabolique qui en résulte est dangereuse chez l’insuffisant respiratoire chronique.
À l’inverse, les diurétiques proximaux et les épargneurs de potassium peuvent être responsables d’une acidose métabolique par, respectivement, diminution de la réabsorption des bicarbonates au niveau du tube contourné proximal et augmentation de l’excrétion des protons H+ au niveau du tube contourné distal.

Effets indésirables métaboliques

Les diurétiques thiazidiques, et à un moindre degré les diurétiques de l’anse, augmentent le risque de survenue d’un diabète. Ce risque est cependant faible et son mécanisme est non élucidé. L’hypo­kaliémie sévère pourrait en particulier être à l’origine d’une diminution de la libération d’insuline secondaire à la dysfonction des canaux potassiques ATP-dépendant au niveau des cellules bêtapancréatiques. Une baisse de la sensibilité à l’insuline a été également évoquée. De plus, les diurétiques thiazidiques peuvent augmenter les concentrations circulantes des triglycérides et des lipoprotéines plasmatiques. Les conséquences sur la morbimortalité cardiovasculaire liées à ces troubles lipidiques ne sont pas connues.

Autres effets indésirables


Gynécomastie

La spironolactone n’est pas sélective du récepteur des minéralocorticoïdes et bloque également les autres récepteurs des stéroïdes, en particulier l’action des androgènes au niveau mammaire chez l’homme, avec pour effet secondaire principal une gynécomastie. Cet effet indésirable est moins retrouvé avec l’éplérénone qui est plus sélective pour le récepteur des minéralo-corticoïdes.

Ototoxicité

Elle est possible sous furosémide à fortes doses. Le risque d’ototoxicité est majoré en cas d’association du furosémide à un aminoside.

Réactions d’hypersensibilité

Elles sont décrites au cours des traitements par diurétiques thiazidiques et moins fréquemment par diurétiques de l’anse.

Impuissance

La dysfonction érectile est un effet indésirable fréquent des diurétiques thiazidiques.

Interactions médicamenteuses (tableau 2)

Les interactions médicamenteuses sont principalement d’ordre pharmacodynamique, c’est-à-dire liées à l’effet pharmacologique des diurétiques. Les interactions médicamenteuses peuvent être recherchées, telles la majoration de l’effet antihypertenseur ou diurétique et la limitation du risque de dyskaliémie, par exemple en associant un diurétique de l’anse ou un thiazidique avec diurétique épargneur de potassium. Cependant, les inter­actions médicamenteuses avec les diurétiques peuvent être source d’effets indésirables. L’association du furosémide aux aminosides potentialise le risque d’ototoxicité.

Dyskaliémies

L’association de diurétiques thiazidiques avec des diurétiques de l’anse augmente le risque d’hypokaliémie. Ce risque est augmenté avec d’autres médicaments hypokaliémiants, en particulier les laxatifs ou les corticoïdes. Le risque d’hypokaliémie induite par les diurétiques associé à des médicaments allongeant le temps de repolarisation ventriculaire peut également augmenter le risque de torsades de pointe. C’est le cas des antiarythmiques de classe I (quinidine) ou de classe III (amiodarone) et d’autres médicaments non antiarythmiques (antipsychotiques, fluoroquinolones). Enfin, l’association d’une hypokaliémie induite par les diurétiques associés à la prise de digitaliques peut également déclencher des torsades de pointe. Le risque d’hyper­kaliémie induite par les diurétiques distaux est majoré en cas d’association aux bloqueurs du système rénine-angiotensine ainsi qu’aux anti- inflammatoires non stéroïdiens.

Hyponatrémie

L’association des diurétiques à la carbamazépine ou à des anti­dépresseurs de type inhibiteurs de la recapture de la sérotonine majore le risque d’hyponatrémie (médicaments fréquemment associés à une sécrétion inappropriée d’ADH). Les diurétiques thiazidiques sont particulièrement impliqués en 1) augmentant la sensation de soif et la prise d'eau, 2) stimulant directement la sécrétion d'ADH sans affecter la capacité rénale de réabsorption de l'eau libre.

Terrains particuliers

Sujet âgé

Environ 6 % des personnes âgées de plus de 65 ans sont exposées à deux diurétiques ou plus, et ce chiffre atteint 9 % chez les plus de 85 ans. Afin d’améliorer la prescription des diurétiques chez le sujet âgé et de prévenir l’iatrogénie médicamenteuse liée aux diurétiques, des recommandations ont été émises par la Haute Autorité de santé. Ces recommandations concernent en particulier le suivi de l’ionogramme sanguin si la prescription associe un diurétique de l’anse et un diurétique thiazidique ou un diurétique anti-aldostérone et un inhibiteur du système rénine- angiotensine (v. Surveillance d’un traitement par diurétique).

Insuffisant rénal

L’adaptation posologique et le changement de diurétique sont souvent nécessaires chez les patients atteints de maladie rénale chronique en fonction de l’évolution de la maladie et du degré d’insuffisance rénale associée. Les diurétiques thiazidiques en particulier sont généralement interrompus du fait de leur perte d’efficacité.
Les diurétiques hyperkaliémiants majorent le risque d’hyper­kaliémie chez les patients présentant une maladie rénale chronique. Chez les patients ayant une clairance de la créatinine > 60 mL/min, il est préférable de privilégier l’association de diurétiques épargneurs de potassium aux thiazidiques ou aux diurétiques de l’anse selon l’indication afin d’éviter le risque d’hypo­kaliémie, favorisant l’asthénie et les troubles du rythme. Dans le traitement de l’hypertension artérielle et en règle générale, chez les patients ayant une clairance de la créatinine supérieure à 30 mL/min, les diurétiques thiazidiques et apparentés à faible dose (≤ 12,5 mg d’hydrochlorothiazide) doivent être préférentiellement utilisés. En cas de clairance de la créatinine inférieure à 30 mL/min, le furosémide doit être privilégié. Les diurétiques thiazidiques et épargneurs de potassium sont interrompus du fait respectivement de leur perte d’efficacité et du risque d’hyper­kaliémie auquel ils exposent.

Surveillance d’un traitement par diurétique

La surveillance d’un patient sous traitement diurétique comprend une surveillance clinique régulière avec mesure de la pression artérielle et surveillance du poids (reflet de l’état d’hydratation) mensuelle puis trimestrielle en fonction de la stabilité de la maladie. De plus, il est indispensable de contrôler l’ionogramme sanguin (sodium, potassium, créatininémie) initialement, 15 jours et 1 mois après l’introduction du traitement, puis tous les 6 mois à 1 an. Cette surveillance est d’autant plus importante chez le sujet âgé, qui est fréquemment exposé. Enfin on incitera le patient à consulter rapidement en cas de vomissement, diarrhée ou toute autre situation à haut risque de déshydratation.
Points forts

Prescription et surveillance des diurétiques (v. item 326)

Les diurétiques augmentent l’excrétion urinaire de sodium par inhibition de sa réabsorption tubulaire.

Les diurétiques sont hypokaliémiants (diurétiques de l’anse et diurétiques thiazidiques) ou hyperkaliémiants (diurétiques distaux, épargneurs de potassium).

Les indications majeures des diurétiques sont les pathologies cardiovasculaires : l’hypertension artérielle pour les diurétiques thiazidiques, l’insuffisance cardiaque aiguë pour les diurétiques de l’anse, l’insuffisance cardiaque chronique pour les diurétiques de l’anse et les antialdostérones au long cours.

La surveillance clinique (poids et pression artérielle) et biologique (ionogramme sanguin, créatininémie) permet d’évaluer l’efficacité ainsi que la tolérance des diurétiques.

Chez le sujet âgé, la prescription de diurétiques sans surveillance est source d’une iatrogénie médicamenteuse importante.

Les effets indésirables des diurétiques sont principalement d’ordre hémodynamique (déshydratation par déplétion volémique et insuffisance rénale, hypotension orthostatique) et hydroélectrolytique (hyponatrémie, dyskaliémie et hyperuricémie). Les conséquences cliniques de ces effets indésirables sont potentiellement graves, notamment chez les patients âgés.

Pour en savoir ●+
http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1250626/fr/indicateurs- de-pratique-clinique-ipc-pmsa
http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/ 2012-04/guide_parcours_de_soins_ic_web.pdf
Prise en charge de l’hypertension artérielle chez l’adulte. Fiche mémo. https://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_2059286/fr/prise-en-charge- de-l-hypertension-arterielle-de-l-adulte
Société française de pharmacologie et de thérapeutique, Collège national de pharmacologie médicale. Pharmacologie cardiovasculaire et respiratoire. Elsevier, 2016.
Komadja M. Traitement de l’insuffisance cardiaque. Rev Prat 2017;67:499-503.

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