Le traitement des patients déprimés est impératif comme leur évaluation systématique.
Avec plus de 10 000 morts chaque année en France, le suicide est un enjeu de société. Il représente la deuxième cause de mortalité chez les 15-24 ans et la première chez les 25- 34 ans. Seul un quart des patients déprimés décédant par suicide bénéficierait d’une prise en charge psychiatrique au moment de leur décès, indiquant que les soins de première ligne ont un rôle essentiel en prévention. En outre, près de 45 % des personnes décédant par suicide ont consulté un médecin généraliste dans le mois précédant le geste.
Évaluation des facteurs de risque
Tous les troubles psychiatriques aug- mentent le risque suicidaire. Ils affectent plus de 90 % des suicidés au moment de leur geste (altération de l’humeur, schizophrénie, addiction, troubles du comportement alimentaire ou de la personnalité).
Si la plupart de ces personnes ont été en contact avec des soignants, elles n’ont pas eu la prise en charge adéquate. Pourtant un grand nombre avait exprimé son intention peu de temps avant de passer à l’acte. Il est donc légitime de proposer à tous les patients une évaluation systématique et régulière en tant que première étape, fondamentale, de la prévention.
Une tentative précédente est le principal facteur prédictif de suicide abouti. Les antécédents personnels et familiaux sont une information de première importance à recueillir. Cet indicateur reste pertinent tout au long de la vie comme en témoignent plusieurs études prospectives.1
L’expression d’idées suicidaires est associée à un risque accru. Cette idéation doit être systématiquement recherchée chez les personnes souffrant de pathologie psychiatrique. Présente, elle doit être détaillée (fréquence, durée, intentionnalité) afin d’élaborer une prise en charge adaptée. Cette investigation ne déclenche pas le passage à l’acte.
Certains traits de personnalité ou dimensions cliniques sont défavorables : impulsivité, agressivité, pessimisme.
Avoir été victime de maltraitance dans l’enfance, notamment d’abus sexuel, augmente le risque suicidaire à l’âge adulte. Dans plus de 80 % des cas, un facteur environnemental ou un stress psychosocial précipitent le suicide.
Degré d’urgence (tableau). Parallèlement aux facteurs précipitants, le niveau de gravité (scénario suicidaire et délai d’action) et de danger (létalité et accessibilité du moyen envisagé) doivent être évalués pour mieux définir la stratégie à court terme.
Si la plupart de ces personnes ont été en contact avec des soignants, elles n’ont pas eu la prise en charge adéquate. Pourtant un grand nombre avait exprimé son intention peu de temps avant de passer à l’acte. Il est donc légitime de proposer à tous les patients une évaluation systématique et régulière en tant que première étape, fondamentale, de la prévention.
Une tentative précédente est le principal facteur prédictif de suicide abouti. Les antécédents personnels et familiaux sont une information de première importance à recueillir. Cet indicateur reste pertinent tout au long de la vie comme en témoignent plusieurs études prospectives.1
L’expression d’idées suicidaires est associée à un risque accru. Cette idéation doit être systématiquement recherchée chez les personnes souffrant de pathologie psychiatrique. Présente, elle doit être détaillée (fréquence, durée, intentionnalité) afin d’élaborer une prise en charge adaptée. Cette investigation ne déclenche pas le passage à l’acte.
Certains traits de personnalité ou dimensions cliniques sont défavorables : impulsivité, agressivité, pessimisme.
Avoir été victime de maltraitance dans l’enfance, notamment d’abus sexuel, augmente le risque suicidaire à l’âge adulte. Dans plus de 80 % des cas, un facteur environnemental ou un stress psychosocial précipitent le suicide.
Degré d’urgence (tableau). Parallèlement aux facteurs précipitants, le niveau de gravité (scénario suicidaire et délai d’action) et de danger (létalité et accessibilité du moyen envisagé) doivent être évalués pour mieux définir la stratégie à court terme.
Dépression, cause majeure
La pathologie psychiatrique la plus pourvoyeuse de suicide est la dépression, caractérisée par des symptômes cliniques autour d’un ralentissement psychomoteur et d’une tristesse de l’humeur, évoluant depuis plus de 15 jours. Environ 70 % des suicidés sont dépressifs au moment du geste. Entre 5 et 20 % des déprimés sont à haut risque de suicide. Traiter la dépression est donc une mesure préventive.
On estime que si tous les déprimés (non bipolaires) recevaient un antidépresseur, la mortalité suicidaire en France pourrait être divisée par 3.2 Nous avons assez de recul au niveau populationnel pour affirmer que les antidépresseurs sont protecteurs parce qu’ils corrigent ce facteur de risque principal.
Les bonnes pratiques médicales consistent à toujours évaluer les idées noires, le potentiel suicidaire et un possible trouble bipolaire en phase dépressive, et à informer les patients sur la nécessité et les buts de la prise en charge pharmacologique.
Une réévaluation clinique est nécessaire 1 semaine après l’instauration du traitement, puis elle est ensuite généralement mensuelle, mais à adapter selon l’état clinique.
Rappelons qu’une grande attention est nécessaire à l’introduction (qui doit être progressive) d’un antidépresseur sérotoninergique, car une posologie élevée est associée à une aggravation du risque mortel dans les premières semaines.3 La coprescription d’un anxiolytique est possible mais ne doit pas être systématique.
On estime que si tous les déprimés (non bipolaires) recevaient un antidépresseur, la mortalité suicidaire en France pourrait être divisée par 3.2 Nous avons assez de recul au niveau populationnel pour affirmer que les antidépresseurs sont protecteurs parce qu’ils corrigent ce facteur de risque principal.
Les bonnes pratiques médicales consistent à toujours évaluer les idées noires, le potentiel suicidaire et un possible trouble bipolaire en phase dépressive, et à informer les patients sur la nécessité et les buts de la prise en charge pharmacologique.
Une réévaluation clinique est nécessaire 1 semaine après l’instauration du traitement, puis elle est ensuite généralement mensuelle, mais à adapter selon l’état clinique.
Rappelons qu’une grande attention est nécessaire à l’introduction (qui doit être progressive) d’un antidépresseur sérotoninergique, car une posologie élevée est associée à une aggravation du risque mortel dans les premières semaines.3 La coprescription d’un anxiolytique est possible mais ne doit pas être systématique.
Limiter l’accès aux moyens létaux
L’efficacité des mesures restreignant l’accès aux moyens létaux est attestée dans la littérature : sécurisation des lieux à risque élevé (ponts, lieux en hauteur, voies ferrées), modification de la réglementation sur le port d’armes, réduction du taux de monoxyde de carbone dans le gaz de ville. En France, des campagnes d’information et de sensibilisation aux risques encourus par la détention d’armes à feu ont été menées. Au niveau individuel, il est important d’éloigner ou d’enfermer les fusils de chasse, pistolets de tir sportif et les médicaments.
Pour mieux limiter ces périls, les moyens précis du scénario destructeur doivent être connus donc explorés.
Pour mieux limiter ces périls, les moyens précis du scénario destructeur doivent être connus donc explorés.
Continuité des soins
Seuls 30 % des sujets ayant tenté une autolyse ou ayant eu des idées suicidaires dans l’année passée ont bénéficié d’un suivi psychiatrique. Les freins principaux exprimés par les patients sont la non-reconnaissance de la nécessité de soins, la préférence pour une gestion personnelle de la situation, la crainte d’une hospitalisation et le coût financier. Au quotidien, le médecin doit donc favoriser l’alliance thérapeutique et faire preuve d’une grande disponibilité.
Différents programmes de suivi ont été mis en place pour promouvoir la relation d’aide. Une piste d’intervention pertinente est le maintien du contact par téléphone, SMS, cartes postales, numéros des services et associations utiles. Selon la méta-analyse réalisée par Milner et al, de telles interventions réduisent de 34 % le nombre de récidives par personne et par an.4 Il ne faut donc pas hésiter à prendre des nouvelles des patients, même perdus de vue.
Différents programmes de suivi ont été mis en place pour promouvoir la relation d’aide. Une piste d’intervention pertinente est le maintien du contact par téléphone, SMS, cartes postales, numéros des services et associations utiles. Selon la méta-analyse réalisée par Milner et al, de telles interventions réduisent de 34 % le nombre de récidives par personne et par an.4 Il ne faut donc pas hésiter à prendre des nouvelles des patients, même perdus de vue.
Thérapeutiques spécifiques
En prévention médicamenteuse, les données les plus robustes concernent le lithium. Plusieurs méta-analyses montrent clairement qu’il a un effet protecteur contre les suicides aboutis et les tentatives chez les malades bipolaires ou unipolaires. Il diminue par 5 le comportement dangereux, indépendamment de son effet thymorégulateur. Il est important de retenir que son arrêt, spécialement s’il est brutal, entraîne à l’inverse une aggravation de la situation clinique.
La clozapine a démontré son efficacité pour réduire les conduites à risque dans la schizophrénie, jusqu’à 85 % selon certaines études.5
Diverses psychothérapies ont elles aussi montré leur intérêt en prévention. Par exemple, la thérapie d’acceptation et d’engagement est une stratégie intégrative associant technique cognitivo-comportementale de 3e génération entretien motivationnel et thérapie existentielle ; elle tente de réduire l’évitement expérientiel (fuite des émotions négatives) et d’augmenter la flexibilité psychologique (stratégies adaptées aux événements psychiques intimes). Récemment, elle a montré son efficacité dans la prise en charge des suicidants, avec une baisse de la sévérité et de l’intensité des idées noires, mais aussi une très bonne faisabilité et satisfaction des patients.6 Elle mérite d'être plus largement développée en pratique courante
RÉFÉRENCES
La clozapine a démontré son efficacité pour réduire les conduites à risque dans la schizophrénie, jusqu’à 85 % selon certaines études.5
Diverses psychothérapies ont elles aussi montré leur intérêt en prévention. Par exemple, la thérapie d’acceptation et d’engagement est une stratégie intégrative associant technique cognitivo-comportementale de 3e génération entretien motivationnel et thérapie existentielle ; elle tente de réduire l’évitement expérientiel (fuite des émotions négatives) et d’augmenter la flexibilité psychologique (stratégies adaptées aux événements psychiques intimes). Récemment, elle a montré son efficacité dans la prise en charge des suicidants, avec une baisse de la sévérité et de l’intensité des idées noires, mais aussi une très bonne faisabilité et satisfaction des patients.6 Elle mérite d'être plus largement développée en pratique courante
pour en savoir plus
1. Suominen K, Isometsä E, Suokas J, Haukka J, Achte K, Lönnqvist J. Complete suicide after a suicide attempt: a 37-year follow-up study. Am J Psychiatry 2004;161:562-3.2. Cougnard A, Verdoux H, Grolleau A, et al. Impact of antidepressants on the risk of suicide in patients with depression in real-life conditions: a decision analysis model. Psychol Med 2009;39:1307-15. 3. Courtet P, Lopez-Castroman J, Jaussent I, et al. Antidepressant dosage and suicidal ideation. JAMA Intern Med 2014;174:1863-5.4. Milner AJ, Carter G, Pirkis J, Robinson J, Spittal MJ. Letters, green cards, telephone calls and postcards: systematic and meta-analytic review of brief contact interventions for reducing self-harm, suicide attempts and suicide. Br J Psychiatry 2015;206:184-90.5. Meltzer HY. Suicide in schizophrenia: risk factors and clozapine treatment. J Clin Psychiatry 1998;59(Suppl 3):15-20.6. Ducasse D, René E, Béziat S, et al. Acceptance and commitment therapy for management of suicidal patients: a pilot study. Psychother Psychosom 2014;83:374-6.
– Courtabessis E, Pupier F, Purper-Ouakil D. Risque et conduite suicidaires chez l’enfant, l’adolescent et l’adulte. Rev Prat 2017;67:e67-73.
– Castaigne E, Hardy P. Prévention du suicide. Rev Prat Med Gen 2016;30:782-3.
– Abgrall-Barbry G, Pasquier de Franclieu S, Dantchev N. Crise suicidaire : que faire ? Rev Prat Med Gen 2012;26:120-2.
– Courtabessis E, Pupier F, Purper-Ouakil D. Risque et conduite suicidaires chez l’enfant, l’adolescent et l’adulte. Rev Prat 2017;67:e67-73.
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– Abgrall-Barbry G, Pasquier de Franclieu S, Dantchev N. Crise suicidaire : que faire ? Rev Prat Med Gen 2012;26:120-2.