Connaître les principes d’action, l’utilité et les risques des principales thérapies complémentaires
Les interventions non médicamenteuses (INM) et les thérapies complémentaires (ThC) sont très nombreuses, hétérogènes, aux dénominations multiples. Les patients en ont une utilisation fréquente, rarement communiquée au médecin, qui lui-même a souvent une méconnaissance de leurs mécanismes d’action supposés ou réels, de leur utilité et de leurs risques.
L’enjeu de cet item est que le praticien bénéficie d’éléments de clarification et de compréhension sur ces interventions et thérapeutiques non médicamenteuses, et d’un éclairage objectif sur leur utilité mais aussi leurs risques dans une indication donnée, afin d’être capable, quand c’est utile, d’orienter le patient vers un praticien bien formé et compétent, au sein du parcours de soins.
Définitions et concepts, principes généraux de l’évaluation des INM et ThC (rang A)
Médecine conventionnelle
Il s’agit d’une notion imprécise et relative, car elle désigne « le système de santé dominant dans un pays et à un moment donné », qui peut donc varier selon le pays et l’époque.
Médecine intégrative
Elle associe les thérapies issues de la médecine conventionnelle et les thérapies complémentaires les plus pertinentes dans une indication donnée. Elle permet de proposer un parcours de soins adapté à chaque patient, selon ses besoins et souhaits en fonction des thérapies disponibles. Elle propose une approche personnalisée, préventive et thérapeutique, tenant compte du mode de vie du patient. Elle permet à la fois d’optimiser l’utilisation des traitements biomédicaux (médicaments, chirurgies, dispositifs médicaux) et de sécuriser le recours aux thérapies complémentaires.
Intervention non médicamenteuse
Une INM correspond à un « protocole de prévention, santé ou de soin efficace, personnalisé, non invasif, référencé et encadré par un professionnel qualifié ». En pratique, il peut s’agir d’une intervention physique (ou corporelle), psychologique, nutritionnelle, visant à prévenir, soigner ou guérir un problème de santé. De nombreuses INM sont validées, avec un bon niveau de preuve, et reconnues, comme des programmes d’activité physique adaptée, des psychothérapies, des régimes diététiques, des méthodes de rééducation, des méthodes d’éducation thérapeutique. Les acteurs des INM sont des professionnels de santé et des praticiens formés à ces méthodes, mais cette formation reste souvent insuffisamment réglementée.
Une INM répond en principe à :
- la description détaillée du protocole d’intervention (contenu, matériel nécessaire, contexte de mise en œuvre, précaution, intervenant professionnel) ;
- des mécanismes explicatifs au moins partiellement étayés scientifiquement ;
- un objectif principal de santé (prévenir, soigner, guérir un trouble connu de la médecine factuelle) ;
- un mode d’administration personnalisé et intégré à chaque parcours de soins ;
- la nécessité de réaliser des études cliniques évaluant leurs bénéfices et leurs risques. Une INM constitue ainsi une méthode ciblée de santé fondée sur des données probantes.
Une thérapeutique non médicamenteuse (TNM) recouvre le même concept que l’INM, sans l’aspect de la prévention.
Thérapies complémentaires, « pratiques de soins non conventionnelles »
Ce sont des méthodes à visée préventive ou thérapeutique qui sont utilisées en complémentarité avec la médecine dite conventionnelle. Le terme « complémentaire » ne définit pas une thérapie, il définit sa modalité d’usage. Cela permet sémantiquement de les positionner dans l’utilisation « en association », et non « en alternative » à la médecine dite conventionnelle.
En pratique, il existe un chevauchement entre INM et ThC, certaines ThC pouvant en outre utiliser des médicaments (homéopathie).
Le terme « pratiques de soins non conventionnelles », qui ne fait pas l'unanimité, est celui retenu actuellement par le ministère de la Santé pour désigner un groupe hétérogène de thérapies considérées comme ne faisant pas partie du courant dominant de la médecine appelée « médecine conventionnelle ».
Médecines traditionnelles (ou « systèmes médicaux »)
Elles ne sont pas de simples thérapies mais des systèmes de pensée dans lesquels la santé est envisagée dans un environnement socioculturel, voire spirituel, particulier. Ce sont notamment la médecine traditionnelle chinoise, la médecine traditionnelle africaine, la médecine ayurvédique….
Thérapies alternatives
Ce terme renvoie à « l’usage alternatif » qui peut être fait de certaines thérapies (par des patients ou des praticiens), qui se substituent à la médecine conventionnelle. Le terme de « médecines parallèles » rejoint cette même idée. Elles présentent un risque de dérives, abusives (retard de traitement, refus de soin, errance thérapeutique, perte de chance), charlatanesques ou sectaires.
Classification des INM et des thérapies complémentaires (rang A)
La classification proposée par le National Center for Complementary and Integrative Health (NCCIH) américain, est proche de celle proposée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et distingue :
- les interventions physiques ou corporelles (physiothérapie, thérapies manuelles, balnéothérapie…) ;
- les interventions psychologiques (psychothérapies, pratiques psychocorporelles, Eye Movement Desensitization and Reprocessing [EMDR], etc.) ;
- les interventions nutritionnelles (programmes nutritionnels, compléments alimentaires) ;
- les interventions multimodales, associant certaines des précédentes ;
- les systèmes médicaux globaux (médecines traditionnelles).
Les principes généraux de l’évaluation des INM et ThC sont décrits dans les tableaux 1 et 2.
Principales thérapies complémentaires : principes d’action, utilité et risques (rang B)
Acupuncture et médecine traditionnelle chinoise
La médecine traditionnelle chinoise (MTC) repose sur une approche de l’homme considéré comme un tout dans son environnement. Elle comprend l’acupuncture, le qi gong (pratique psychocorporelle), la pharmacopée et la diététique.
L’acupuncture désigne la stimulation de points précis du corps, les points d’acupuncture, généralement au moyen d’aiguilles métalliques, à visée préventive ou curative.
Le mode d’action de l’acupuncture reste encore mal connu, bien que des sites d’action et de nombreux médiateurs aient été mis en évidence, avec de potentiels effets analgésiques, endocriniens, tissulaires, immunitaires, à l’origine de ses effets thérapeutiques.
Modalités pratiques
Après examen médical, le médecin acupuncteur détermine les points à stimuler au moyen d’aiguilles stériles à usage unique, qui sont laissées en place pendant une durée variable. Ces points peuvent être chauffés (moxibustion) ou stimulés par électro-acupuncture. Le nombre des séances est variable.
Indications
Fondées sur des données scientifiques probantes, ces ThC sont reconnues par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et concernent, avec un bon niveau de preuve, trois indications prioritaires : le sevrage tabagique, les céphalées et migraines, et les nausées gravidiques. D’autres indications peuvent également être envisagées : rachialgies et douleurs musculosquelettiques, douleurs postopératoires, nausées et vomissements postopératoires, soins de support en oncologie (nausées et vomissements induits par la chimiothérapie, fatigue, bouffées de chaleur sous traitement hormonal, arthralgies sous antiaromatases), dysménorrhées, dépression modérée, rhinite allergique.
Contre-indications et risques
Il n’y a pas de contre-indication à l’acupuncture dès lors qu’elle est pratiquée par un médecin ou une sage-femme diplômée.
Le rapport de l’Inserm sur l’efficacité et la sécurité de l’acupuncture conclut à une prévalence très faible des effets indésirables, qui sont transitoires et d’intensité faible.
Modalités d’exercice et formation
En France, l’exercice de l’acupuncture est réservé aux professions médicales et est reconnu par l’Ordre des médecins et l’Ordre des sages-femmes. La formation diplômante théorique et pratique est dispensée dans les facultés de médecine : capacité de médecine en acupuncture en trois années pour les docteurs en médecine, en odontologie, en médecine vétérinaire, et diplôme interuniversitaire (DIU) d’acupuncture obstétricale en deux années pour les sages-femmes.
Médecine manuelle et ostéopathie médicale
La médecine manuelle et l’ostéopathie font partie du cadre plus général des thérapies manuelles. Il s’agit d’une pratique visant à diagnostiquer et traiter une dysfonction bénigne, mécanique et/ou réflexe d’une structure articulaire ou des tissus mous. La médecine manuelle, pratiquée par un médecin, est le prolongement de l’examen clinique par le traitement de la dysfonction musculosquelettique bénigne. L’ostéopathie propose une approche plus globale qui consiste, après un diagnostic médical excluant les contre-indications, en un traitement manipulatif de plusieurs sites (rachis et/ou périphériques) avec plusieurs méthodes (tissus mous et articulaires).
Les techniques non forcées comprennent notamment les mobilisations articulaires et vertébrales, les techniques neuromusculaires (myotensives) et les techniques de raccourcissement.
Les manipulations proprement dites sont des mouvements forcés articulaires périphériques et vertébraux, avec impulsion de très faible amplitude et de très haute vélocité.
Indications
L’objectif d’une manipulation du système musculosquelettique est de restaurer une capacité de mouvement d’amplitude maximale et non douloureuse. Les principales indications sont les dysfonctions douloureuses vertébrales (cervicalgies, dorsalgies, lombalgies, coccygodynies) en première intention lorsqu’il s’agit d’une forme commune (sans facteurs de gravité, voir ci-dessous) à la phase aiguë (effet sur la douleur et la fonction) et en traitement d’appoint des formes chroniques.
Au-delà, toutes les dysfonctions communes douloureuses, articulaires ou tendinomusculaires sont accessibles au traitement manuel et ostéopathique lorsque les contre-indications ont été écartées.
Contre-indications et risques
Ces manipulations peuvent être pratiquées après que le médecin a confirmé le caractère bénin de l’affection et éliminé toute contre-indication médicale :
- pathologies exposant à un risque non contrôlé lors d’une manipulation, comme les cancers, les infections, les fractures, les pathologies inflammatoires en poussée ;
- pathologies exposant à un risque neurologique (malformation, conflit discoradiculaire) ;
- pathologies exposant à un risque vasculaire (insuffisance vertébrobasilaire).
Depuis la loi du 2 mars 2002, les manipulations ne sont plus réservées aux médecins mais à toute personne, soignante (kinésithérapeute, sage-femme…) ou non soignante, titulaire du diplôme d’ostéopathie, avec certaines restrictions comme la pratique des manipulations cervicales (réalisables uniquement par des médecins). Pour les médecins, le DIU national de médecine manuelle et d’ostéopathie médicale, en trois ans, est reconnu par l’Ordre des médecins et enseigné dans dix universités françaises.
Hypnose
L’hypnose est définie par un « état de fonctionnement psychologique par lequel un sujet, en relation avec un praticien, fait l’expérience d’un champ de conscience élargie (" état hypnotique " ou " transe hypnotique "),lors duquel il ne centre plus son attention et ses émotions uniquement sur une partie de son corps (douleur, anxiété…) et peut modifier la façon dont il perçoit ses sensations corporelles. »
Indications
L’hypnose, qui doit être réalisée par des professionnels de santé dans leur champ de compétences, peut être utile par exemple pour la prise en charge :
- de la douleur (aiguë, chronique, procédurale) ;
- de l’anxiété ;
- des troubles somatiques dits « fonctionnels ».
L’hypnose possède un niveau de preuve scientifique dans certains domaines qui lui permet d’être incluse dans les pratiques médicales, dès lors que les praticiens sont correctement formés. La pratique de l’hypnose peut commencer dès l’âge de 4 ans.
Contre-indications et risques
La pratique de l’hypnose par un professionnel de santé ou un psychologue peut concerner tous les patients sans contre-indication, en dehors d’états psychiatriques aigus et/ou sévères (par exemple mélancoliques, psychotiques, dissociatifs…), dans le cadre des compétences du praticien.
Hypnose et douleur (hypnoanalgésie)
L’hypnoanalgésie est utilisée pour la prise en charge de la douleur aiguë et doit être réalisée par des professionnels de santé dans leur champ de compétences.
En cas de douleur aiguë, l’hypnose permet de moduler la composante sensorielle (intensité de la douleur) et émotionnelle (anxiété associée) dans de nombreuses situations ; elle peut être utilisée seule ou en complément d’autres traitements antalgiques : douleurs induites par les soins (pansements, sutures, ponctions, réduction de luxation, etc.), en odontologie, en obstétrique, au bloc opératoire dans le cadre d’une hypnosédation (l’hypnose permet alors de réduire significativement les doses des agents sédatifs et antalgiques).
En cas de douleur chronique, la prise en charge des patients est plus complexe et repose sur une approche pluridisciplinaire dans laquelle l’hypnose peut avoir sa place parmi d’autres traitements. Plusieurs séances sont nécessaires afin d’aider le patient à modifier ses rapports avec la douleur et à mobiliser ses ressources propres pour faire face à ses douleurs.
Autohypnose
Enseigner l’autohypnose au patient dès le début de la prise en charge lui apprend à devenir autonome et acteur de sa santé. Quelques minutes d’autohypnose chaque jour suffisent pour entretenir le travail thérapeutique mis en place par le praticien.
Il existe en France de nombreux diplômes universitaires d’hypnose médicale ou thérapeutique, généralement d'une durée d'une année, ouverts aux professionnels de santé et aux psychologues.
Méditation de pleine conscience
La méditation de pleine conscience (« mindfulness » en anglais) met en jeu les processus attentionnels et amène le pratiquant ou le patient à porter son attention sur différents objets de méditation, comme les sensations du corps, le souffle, les sons, les pensées ou les émotions. Elle amène le méditant à être particulièrement présent et attentif à l’instant présent, avec bienveillance et en prenant de la distance par rapport aux jugements qui peuvent émerger du mental (commentaires mentaux ou autocritique).
Indications
Pour la prise en charge de l’anxiété et de la dépression, les études cliniques sur des protocoles bien codifiés utilisant la méditation ont un bon niveau de preuve dans la prévention des rechutes dépressives ; elle peut être proposée par des spécialistes des thérapies cognitivo-comportementales chez des patients stabilisés par un traitement médical.
Pour la prise en charge des douleurs chroniques, le bénéfice de protocoles médicaux utilisant la méditation a également été montré dans différentes études cliniques, la pratique de la méditation permettant de mieux faire la différence entre la douleur elle-même (qui n’est pas modifiée) et la souffrance émotionnelle qui accompagne la douleur chronique.
Pour la prise en charge de la maladie chronique, des protocoles médicaux utilisant la méditation ont été explorés dans de nombreux domaines, particulièrement dans les suites du traitement d’un cancer. De nombreuses études montrent que la pratique méditative permet une amélioration de la qualité de vie, avec un retour à la faculté d’être davantage présent à soi, et qu'elle diminue les ruminations mentales et l’anticipation anxieuse.
Les troubles du sommeil (surtout en cas de difficultés d’endormissement) peuvent être améliorés significativement par la pratique méditative, qui permet de « défusionner » le patient de ses pensées (en prenant du recul et conscience que les pensées passent et ne sont pas des faits) et d’amener l’attention du patient aux sensations corporelles ou au souffle, induisant ainsi une détente qui favorise l’endormissement.
Pour les soignants, qui sont souvent exposés à des situations de stress, la pratique méditative peut permettre de développer une habitude du « prendre soin de soi » et trouve ainsi son intérêt dans la prévention du burn out des professionnels de santé et étudiants en médecine.
Risques
Pour son apprentissage, la pratique de la méditation nécessite d’être portée par un enseignant formé, de préférence professionnel de santé, susceptible de déterminer si le patient qui apprend la méditation peut aborder ces pratiques sans risques, qu’il peut orienter et conseiller en cas d’effets indésirables (rares et surtout observés chez des personnes ayant des antécédents psychiatriques). Elle se pratique toujours dans le cadre de protocoles adaptés au contexte des soins. Il ne s’agit donc pas ici d’une pratique méditative séculaire ou religieuse.
Des diplômes universitaires de méditation en pleine conscience, relation thérapeutique, méditation en santé, généralement d'une durée d'une année, sont ouverts aux professionnels de santé et aux psychologues.
Homéopathie
L’homéopathie repose sur le principe controversé de similitude selon lequel une substance capable de provoquer des symptômes à forte dose pourrait corriger ces symptômes à faible dose. Selon l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), le médicament homéopathique est obtenu à partir de souches de nature minérale, végétale ou animale. Il est produit par des dilutions successives et se présente sous forme de granules ou de gouttes. Les médicaments homéopathiques disposent d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) mais n’ont pas d’indication thérapeutique, de posologie ou de notice, une même souche pouvant être prescrite pour des symptômes et des pathologies différents. Depuis 2021, les médicaments homéopathiques ne sont plus remboursés par l’Assurance maladie. La Haute Autorité de santé (HAS) a en effet conclu que l’homéopathie n’avait pas fait la preuve d’une efficacité supérieure à celle du placebo sur la morbidité et la qualité de vie. L’effet perçu de l’homéopathie doit toutefois être appréhendé en soulignant les particularités de la consultation homéopathique, qui restent insuffisamment évaluées.
Indications, contre-indications et risques
L’homéopathie est une des thérapies complémentaires les plus utilisées en France par les professionnels de santé et les patients. Les données d’utilisation montrent que l’homéopathie est utilisée ou prescrite principalement pour la dépression, l’anxiété, les troubles du sommeil, les migraines, les otites et infections des voies aériennes supérieures légères, les allergies respiratoires, les affections dermatologiques, les douleurs ou troubles musculosquelettiques et les soins de support en oncologie. La HAS reconnaît un profil de tolérance, de sécurité d’emploi et d’interactions médicamenteuses très favorable, comparable à celui d’un placebo dans les études comparatives.
Les principaux risques liés à l’utilisation de l’homéopathie résident dès lors dans les risques liés à son usage « alternatif » (risques qui ne sont donc pas spécifiques de l’homéopathie) : retard diagnostique, stratégies préventives inadéquates, défiance vis-à-vis de méthodes préventives efficaces comme la vaccination.
En France, l’exercice de l’homéopathie est réservé aux médecins, chirurgiens-dentistes, pharmaciens, sages-femmes et vétérinaires. L’enseignement de l’homéopathie est dispensé par certaines universités (DIU de thérapeutique homéopathique). L’Académie de médecine et l’Académie de pharmacie ont rendu un avis défavorable concernant son enseignement à l’université.
Conclusion
Inscrites dans la Stratégie nationale de santé 2018 - 2022 et différents rapports, dont celui de la HAS, depuis 2011, les INM, TNM et ThC ont un intérêt dans les secteurs de la prévention, du traitement de la douleur, de la prise en charge des maladies chroniques, de l’accompagnement du handicap, de la santé mentale, de l’enfance et du bien-vieillir. Elles doivent au mieux compléter les traitements biomédicaux, notamment pour réduire le risque de surprescription médicamenteuse qui existe dans certaines pathologies ou syndromes dysfonctionnels, particulièrement chez les patients âgés, chez lesquels les médicaments induisent des risques particuliers. Même si plusieurs d’entre elles (exercice physique, approches nutritionnelles, acupuncture, hypnose, méditation, etc.) ont déjà fait l’objet d’études cliniques poussées et commencent à être prises en charge par l’Assurance maladie et certaines assurances complémentaires, il faut rester vigilant sur leurs risques potentiels ; les praticiens qui les mettent en œuvre ont tout intérêt à être des professionnels de santé diplômés ou qualifiés pour ces pratiques et avertis de leurs risques.
Pour la prise en charge des troubles dits fonctionnels (douleur aiguë ou chronique, anxiété, troubles du sommeil...), il est recommandé d’associer les traitements pharmacologiques et non pharmacologiques, afin d’optimiser l’efficacité du traitement et de limiter l’iatrogénie.
Il s'agit de privilégier le recours aux thérapies complémentaires bénéficiant de preuves d’efficacité et de sécurité dans une indication donnée, mises en œuvre par des professionnels de santé bien formés, au mieux par une formation universitaire, dans un cadre sécurisé et avec un coût adapté.
Pour permettre son efficacité dans la durée, le patient doit poursuivre une autopratique régulière (activité physique adaptée, autohypnose, méditation...).
Drapeaux rouges : ce qui doit alerter et les pièges à éviter
Il importe d’être vigilant sur les risques, voire les dérives, de certaines pratiques complémentaires, en particulier les usages alternatifs, surtout si les conditions ci-dessous sont présentes.
Le praticien
Il n’est pas un professionnel de santé, voire n’est pas diplômé.
Il tient des propos remettant la science en cause (scepticisme vis-à-vis des vaccins, de l'industrie pharmaceutique, etc.).
Il incite à un usage exclusif de sa méthode et demande d'arrêter les traitements conventionnels.
La pratique
Le praticien prodigue des actes invasifs (piqûres, ingestion de produits, etc.), alors qu’il n’en a pas le droit.
Le praticien prodigue des actes non consentis (toucher vaginal ou rectal, relations sexuelles…).
La sévérité de la pathologie
Il convient d’être d’autant plus vigilant sur l’usage de ces pratiques que la pathologie est plus grave et le patient plus vulnérable.
Le cadre
Hors parcours de soins ; dans un cadre isolé/inadapté.
Le coût
Le coût demandé par le praticien est déraisonnable, voire exorbitant, par rapport à celui d'une consultation conventionnelle.
Enjeux de l’évaluation des thérapies complémentaires
Mêmes si ces pratiques sont plus complexes à évaluer que les médicaments, compte tenu de leurs particularités, une démarche rigoureuse de validation de leurs effets et de surveillance de leurs risques est nécessaire. Ces derniers sont souvent insuffisamment évalués dans les essais cliniques, du fait d’une impression de « sécurité a priori », parfois trompeuse.
Parmi les éléments qui rendent plus complexe l’évaluation des thérapies complémentaires (ThC), compte tenu de leurs particularités, on peut citer :
- les préférences, croyances, vécus des patients sur les thérapies complémentaires ;
- la randomisation, compliquée à mettre en œuvre si les préférences des patients sont importantes ;
- le double aveugle, côté patient parfois impossible (ostéopathie, musicothérapie, socio-esthétique…), côté praticien rarement atteint, le praticien sachant le plus souvent ce qu’il délivre ;
- la standardisation d’une intervention, recommandée lors d’un essai contrôlé randomisé (ECR), afin de permettre la reproduction ultérieure de l’intervention (si celle-ci s’avère efficace) n’est pas toujours adaptée aux ThC, même si certaines peuvent être standardisées ;
- la sélection de critères de jugement très ciblés et curatifs (modèle du « cure ») pour des approches dont la portée est souvent plus globale et visant à améliorer la qualité de vie (modèle du « care »).
Dans ce contexte, les méthodes en recherche qualitative et particulièrement spécifique à la santé apparaissent comme un outil pertinent pour l’évaluation des ThC. Elles explorent l’expérience vécue des participants, à partir de données verbales (entretiens retranscrits), permettant la mise en évidence d’indicateurs pertinents d’efficacité perçus, du point de vue des patients, avec la perspective de développer des patient-reported outcomes (PRO). Cette méthode s’articule avec l’ECR, afin de développer des études mixtes (qualitatives/quantitatives), enrichissant les données quantitatives de l’ECR.
Afin de rationaliser l’évaluation d’une intervention non médicamenteuse ou d’une ThC, le protocole de recherche doit prendre en compte en particulier les éléments figurant dans les tableaux 1 et 2.
Berna F, Paille F, Boussageon R, et al. Médecine conventionnelle et pratiques de soins non conventionnelles. Encyclopédie médico-chirurgicale 2024;37-860-A-90:1–8.
Berna F, Nizard J, Verneuil L, et al. Harm and risk reduction applied to unconventional health care practices: Analysis of risky uses and risk assessment. La Presse médicale formation 2024;5(1):10-20.
Haute Autorité de santé. Développement de la prescription de thérapeutiques non médicamenteuses validées. Juin 2011. https://urls.fr/nrke_F
Organisation mondiale de la santé. WHO traditional medicine Strategy: 2014-2023. mai 2013.
Barry C, Seegers V, Gueguen J, et al. Évaluation de l’efficacité et de la sécurité de l’acupuncture. Inserm. Janvier 2014.
Gueguen J, Barry C, Hassler C, et al. Évaluation de l’efficacité de la pratique de l’hypnose. Inserm. Juin 2015.
Haute Autorité de santé. Avis de la commission de la Transparence. Évaluation des médicaments homéopathiques soumis à la procédure d’enregistrement prévue à l’article L5121-13 du code de la santé publique. Juin 2019.