Entre 2002 et 2023, le Réseau d’allergovigilance a recensé 2 999 cas d’anaphylaxie alimentaire dont la majorité impliquait des allergènes figurant sur l’actuelle liste européenne des 14 allergènes à déclaration obligatoire sur les produits préemballés, vendus en vrac ou proposés par les métiers de bouche. Toutefois, 13,8 % de ces réactions sévères étaient attribuées à des allergènes dits émergents (définis par l’Anses comme responsables de plus de 1 % des cas d’anaphylaxie). Or, ces derniers n’étant pas soumis à une obligation d’étiquetage dans la réglementation européenne actuelle, leur identification est particulièrement complexe pour les patients comme pour les professionnels de santé, surtout lorsque ces ingrédients sont intégrés dans des produits ultratransformés.
Huit allergènes émergents
Lait de chèvre et de brebis
Les réactions allergiques sont soit inaugurales, soit récidivantes. Une allergie croisée avec le lait de vache est observée dans 14 % des cas. Dans 15 % des cas, l’exposition se fait de façon insoupçonnée ou par contamination croisée, notamment via des couverts en restauration. Les réactions sont souvent brutales et imprévisibles, même à très faible dose. L’allergie au lait de chèvre ou de brebis, parfois sans allergie au lait de vache, touche surtout les polyallergiques.
Sarrasin
Deux tiers des cas concernent des adultes. Une exposition professionnelle est identifiée dans 15,5 % des cas. Des cofacteurs de sévérité tels que l’alcool ou l’effort sont présents dans 26,8 % des cas. Deux cas d’anaphylaxie par inhalation ont également été rapportés.
Pois et lentilles
Ces légumineuses sont regroupées en raison de la fréquence élevée de réactivité croisée, notamment entre pois verts, blonds et pois chiches. Une cosensibilisation avec l’arachide est retrouvée dans 23,6 % des cas. Les réactions anaphylactiques peuvent survenir après consommation directe ou via des produits industriels contenant ces allergènes de manière « cachée ». L’augmentation de la fréquence des réactions sévères est en partie liée aux modifications des habitudes alimentaires, comme les régimes végétariens ou végétaliens. En effet, ces légumineuses sont souvent utilisées dans les substituts de viande ou les compléments alimentaires pour sportifs. Le risque de réaction augmente avec la cosensibilisation ou la coallergie à d’autres légumineuses, comme l’arachide.
Alpha-gal (galactose-α- 1,3 -galactose)
Les aliments déclencheurs incluent les rognons, l’andouillette, la saucisse, la gélatine (notamment contenue dans les desserts ou les puddings) et les viandes de mammifères. Les cofacteurs de sévérité incluent la prise d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion, de bêtabloquants, de sartans, d’IPP, de gliptines, ainsi que la consommation d’alcool ou l’exercice physique concomitant. Une morsure de tique est rapportée dans 50 % des cas.
Pignons de pin
Parmi les 49 cas d’anaphylaxie répertoriés, 73,5 % concernent des enfants. Il s’agit de réactions sévères, inaugurales ou récidivantes après consommation de pignons de pin (le fruit ou sous forme de sauces pesto, pâtisseries…). Une allergie croisée avec l’arachide est retrouvée dans 16,3 % des cas. Les cofacteurs aggravants incluent l’exercice et l’alcool.
Kiwi
Les cas d’anaphylaxie recueillis concernent majoritairement les enfants. Une allergie croisée avec le pollen de bouleau est citée dans 13,6 % des cas.
Produits de la ruche
Sont mis en cause les pelotes de pollen, le miel, la gelée royale et la propolis. Dans 86,7 % des cas, une allergie au pollen est signalée, notamment de bouleau, d’astéracées ou de graminées.
Pomme
Dans les cas d’anaphylaxie à la pomme, une allergie croisée avec les pollens de bouleau ou de cyprès est retrouvée. Les réactions sévères surviennent surtout pendant la période pollinique, avec pour cofacteurs l’alcool ou l’effort. Les allergènes responsables dans la pomme appartiennent à la famille des PR- 10, des LTP (lipid transfer proteins) ou des GRP (gibberellin-regulated proteins).
Qu’en retenir ?
Les résultats de cette étude sur le recueil du Réseau allergovigilance pendant près de 20 ans souligne l’importance d’inclure au moins quatre de ces huit allergènes dans la liste des 14 allergènes à déclaration obligatoire :
- lait de chèvre et de brebis ;
- sarrasin ;
- pois et lentilles ;
- pignon de pin.
Quels conseils donner aux patients ?
Les préparations industrielles peuvent contenir des ingrédients nouveaux ou peu connus, parfois dissimulés sous des appellations difficiles à interpréter. Tant que ces allergènes émergents (voir tableau) ne figurent pas dans la liste des substances à déclaration obligatoire, la vigilance reste essentielle.
En cas de doute, il est recommandé aux patients allergiques de privilégier les produits frais, bruts et non transformés, dont la composition est claire et maîtrisable.
Si un patient souhaite consommer un plat préparé ou un produit industriel, il devrait contacter le fabricant ou le distributeur pour obtenir la liste complète et exacte des ingrédients utilisés.
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