En 2020, on dénombrait plus de 6 millions de skieurs en France, soit 9 à 13 % de la population française. Il faut y ajouter 30 % de skieurs de nationalité étrangère. Ces sports d’hiver se déroulent dans un peu plus de 310 sites et environ 55 millions de journées de ski sont comptabilisées chaque année.1
Sont fréquemment organisées des classes de neige, où de nombreux enfants apprennent à pratiquer ce sport (phénomène de « la glisse »), dans des conditions de sécurité qui devraient être optimales.2 De même, pour les adultes, le ski est considéré comme une activité familiale et de détente, favorable à une bonne santé et agissant comme anti-stress.3
Les accidents graves par bousculade d’un skieur lent ou à l’arrêt se produisent pratiquement toujours sur des pistes faciles (bleues ou vertes), sur des surfaces larges, encombrées de débutants, d’élèves des écoles de ski ou de skieurs âgés ne désirant pas aller trop vite.4
Les pistes non damées et les pistes à pente forte sont beaucoup moins souvent à l’origine d’accrochages à grande vitesse. Les skieurs qui utilisent ces pistes difficiles sont souvent plus expérimentés que ceux qui descendent à grande vitesse sur des pistes faciles, selon les observations des moniteurs de ski.
Risques de la pratique du ski de descente
Comme tous les sports, la pratique du ski (comprenant le ski alpin, le surf, le monoski...) expose à des accidents dus aux skieurs eux-mêmes, qui sont admis comme faisant partie de la règle du jeu. Ainsi, 50 000 interventions sont effectuées chaque année sur le domaine skiable, avec environ un blessé par intervention. Plus de 100 000 accidents de ski se produisent annuellement (122 000 en 2022, 113 200 blessés en 2023). Ces dix dernières années, 5,1 % des accidents ont conduit à une hospitalisation immédiate (3,8 % en 2023) et 0,1 % ont nécessité une héliportation. De 15 à 20 décès par traumatisme surviennent chaque année, sans compter les accidents dus aux avalanches. Selon l’Association Médecins de montagne, plus de 9 blessés sur 10 sont totalement traités au sein des cabinets de médecins de montagne. L’incidence du risque est de 2,2 blessés pour 1 000 journées/skieur.1
Le Système national d’observation de la sécurité en montagne (SNOSM) recense les accidents chaque année. Il repose sur le recueil épidémiologique mené auprès des médecins de montagne de 13 stations.4
Le port du casque, de plus en plus répandu, assure une protection relative de la boîte crânienne.
Les lésions corporelles sont souvent plus graves en cas de collision que lors d’un accident de ski par chute personnelle.
Les entorses et les fractures représentent près de 60 % des lésions survenues lors d’accidents de sports d’hiver. La répartition des diagnostics est la suivante : contusions, entorses, fractures, lésions musculaires ou tendineuses, luxations, plaies.1,4,5
Les lésions de l’extrémité céphalique (fracture du crâne, coma, confusion mentale, fracture de la mandibule), malgré le port d’un casque, représentent 11 % des lésions observées (2,6 % pour les lésions de la face) [figure].
Les localisations les plus fréquentes concernent les membres inférieurs (56 %) dont les genoux (33,5 %), les cuisses (0,9 %), les jambes (4,7 %), les chevilles (5,2 %), les pieds (1,4 %). Le rachis est atteint dans 9 % des cas, surtout cervico-dorsal (1,4 % pour les cervicales), le thorax dans 17 % des cas avec parfois des lésions très sévères6 et le reste concerne le bassin (1,4 %) et les membres supérieurs (poignet : 9,4 % ; pouce 4,4 % ; main : 4,1 % ; coude : 1,7 ; avant-bras : 0,6 %) [figure].
Les blessures à l’épaule sont particulièrement fréquentes, surtout chez les hommes (24,5 %). Les fractures de clavicule représentent 3,5 % des lésions.1
Si ces accidents font partie des risques inhérents à cette activité physique, ils sont maîtrisés par la formation en école de ski, les conseils des moniteurs et l’amélioration du matériel (chaussures enveloppantes et fixations comportant une sécurité d’ouverture en cas de choc violent).
Blessures imméritées causées par des skieurs déraisonnables percutant les autres skieurs
Près de 10 % des lésions sont dues à des collisions avec des skieurs circulant à grande vitesse sur des pistes bleues ou vertes, le long de la ligne de pente, avec peu d’autonomie et de régulation de la trajectoire, selon l’École nationale des sports de montagne.7
Selon le SNOSM, une diminution du nombre d’accidents de collision entre usagers est constatée, mais le chiffre reste élevé : 1 046 collisions pour la saison 2023 - 2024, 1 454 en 2022 - 2023 alors que 1 624 collisions étaient recensées en 2010 - 2011.4
Si les accidents survenus par insuffisance de formation, maladresse, surestimation de ses capacités personnelles, pratique du ski sur neige difficile, non damée, sur pente forte ou dans des zones dangereuses sont acceptés comme conséquence sans surprise de ce sport, les blessures, souvent graves à cause de la grande vitesse, causées par des skieurs déraisonnables sont difficilement acceptables.
Le développement de la pratique du ski de descente pour de nombreux Français et l’organisation, de plus en plus fréquente, de classes de neige, au cours desquelles des enfants débutent la pratique du ski sur des pentes faibles (pistes qualifiées de vertes ou bleues), font courir des risques à tous ces skieurs (débutants ou non) sur des pistes bien damées propres à des excès de vitesse par des skieurs irresponsables et souvent peu compétents, selon l’avis des moniteurs de ski, qui les observent avec inquiétude non seulement pour leurs élèves mais aussi pour eux-mêmes, car ils sont victimes de nombreux traumatismes.7 Le décès à l’âge de 37 ans, en janvier 2022, de l’acteur français Gaspard Ulliel après collision avec un autre skieur à l’intersection entre deux pistes bleues sur le domaine skiable de La Rosière, avec un choc qui l’a projeté à plusieurs mètres, montre la dangerosité de ces collisions à grande vitesse. Ce décès a créé une vive émotion dans le milieu des stations de ski et a été l’objet d’un communiqué du président de la République.8
En 2024, à Isola 2000, une jeune femme de 23 ans est décédée à la suite d’un traumatisme grave du rachis après une collision à grande vitesse à la jonction de deux pistes par beau temps, propice à la vitesse.9
Tout récemment, une fillette de 8 ans a été percutée par un skieur à grande vitesse, le choc provoquant un traumatisme crânien ayant nécessité une hospitalisation d’urgence à Grenoble, et faisant courir le risque de séquelles graves.
Le samedi 18 janvier 2025, une autre enfant de 6 ans a été violemment percutée par un skieur adulte dévalant à forte vitesse la piste bleue de l’Arpette à La Plagne. La fillette a été héliportée vers l’hôpital de Grenoble dans le coma. Il a également été constaté que 6 collisions étaient responsables de 19 secours dans cette station, à la même période.10
Les moniteurs de ski sont également régulièrement victimes de traumatismes plus ou moins graves sur ces pistes, qui devraient être sûres et tranquilles. Cela témoigne du fait que certains skieurs descendent à grande vitesse sur des pistes faciles et les frôlent parfois par provocation.
Une situation qui perdure malgré une législation satisfaisante
Près d’un accident sur dix est dû à la collision entre usagers des pistes.1
Il existe bien une réglementation mettant en garde les skieurs imprudents et irresponsables vis-à-vis de ces excès de vitesse sur des pistes inadaptées, mais les recommandations ne sont pas lues ou délibérément ignorées par ces skieurs imprudents et irresponsables, qui surestiment aussi souvent leurs compétences. De nombreux skieurs craignent d’être heurtés : pourquoi ne pas définir une distance minimale de dépassement (comme à vélo), sachant que le skieur en amont est responsable de toute gêne ou collision avec le skieur en aval ?
Il semble, du fait de la persistance de cette situation au fil des années, malgré une certaine diminution de leur nombre en quatorze ans, qu’il y ait une insuffisance de prise en compte de ces accidents parfois très graves, responsables de décès ou de traumatismes importants non justifiés par la pratique de ce sport de loisir.
Pourtant, la jurisprudence et la réglementation sont très claires.
En cas d’accident de ski, la justice s’appuie notamment sur les dix règles de bonne conduite à ski édictées par la Fédération internationale de ski pour déterminer la responsabilité des skieurs :11
- respect d’autrui ;
- maîtrise de la vitesse et du comportement ;
- maîtrise de la direction ;
- dépassement ;
- engagement lors d’un croisement des pistes ou lors d’un départ ;
- stationnement ;
- montée et descente à pied ;
- respect du balisage et de la signalisation ;
- assistance ;
- identification.
Aspects juridiques concernant le skieur fautif et la victime
Les blessures causées à autrui par maladresse engagent la responsabilité civile mais aussi pénale de celui qui les provoque.12 Comme le dispose l’article 1242 du Code civil, chacun est responsable s’il perd un ski et qu’il percute un autre skieur en créant des dommages matériels et physiques à des tiers.
Responsabilité civile
Le skieur qui provoque l’accident engage sa responsabilité civile s’il cause involontairement un dommage à un tiers. En effet, les articles 1240 et 1241 du Code civil stipulent que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer » et que « chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence ».
Cela peut notamment être le cas dans les situations suivantes :
- refus de la priorité du skieur en aval ;
- pratique du ski ou du surf trop rapide, notamment sur une piste réservée aux débutants, sans adapter la vitesse pour les éviter ;
- comportement à risque, notamment en effectuant un dépassement dangereux ;
- perte du matériel (skis, bâtons, etc.), entraînant l’accident d’un autre skieur.
C’est alors l’assurance responsabilité civile qui prend en charge les dommages causés et l’indemnisation de la victime.
Si le skieur n’est pas identifié (s’il a pris la fuite, par exemple) ou non assuré, il est possible, selon la gravité des dommages subis, de saisir le Fonds de garantie des assurances obligatoires (FGAO) pour être indemnisé. Il faut néanmoins prouver a minima les circonstances et l’existence d’un accident sur les pistes. L’assureur peut aider, sur sa demande, le skieur blessé à faire valoir ses droits.
Responsabilité pénale
En cas de conduite dangereuse avérée, la responsabilité pénale peut aussi être recherchée (art. 223 - 1 du code pénal). Si la responsabilité pénale est retenue lors d’un accident de ski, le skieur déraisonnable et dangereux doit alors répondre de ses actes et risque une peine d’amende ou d’emprisonnement.
Pour les mineurs skiant déraisonnablement, les parents sont responsables. En principe, les parents exerçant l’autorité parentale sont présumés solidairement responsables des fautes et dommages commis par leurs enfants mineurs. Cette responsabilité est applicable du moment que les parents sont présents lors du séjour, comme le dispose l’article 1242 du Code civil (sinon, ils ne peuvent pas assumer leur devoir de surveillance).
Si les faits sont complexes, l’enquête peut être réalisée par le biais d’une information judiciaire en complément de l’enquête de gendarmerie (c’est le peloton de gendarmerie de haute montagne [PGHM] qui est commis). L’information judiciaire correspond à l’enquête menée par le juge d’instruction, qui sollicite le service enquêteur afin que lui soient délivrés des actes d’enquête lui permettant d’instruire à charge et à décharge le dossier. Si le juge d’instruction estime qu’il existe des indices graves ou concordants à l’égard d’une personne mise en cause, il peut prononcer sa mise en examen. À défaut, une personne mise en cause peut être placée sous le statut de témoin assisté. La victime, qui est partie civile, peut également intervenir dans l’instruction. L’information judiciaire aboutit, quand l’enquête est terminée, à une ordonnance de règlement : il s’agit d’une ordonnance de non-lieu (si aucune infraction n’apparaît constituée) ou d’une ordonnance de renvoi devant le tribunal.
Ce sont les articles 222 - 19, 221 - 6 et 223 - 1 du code pénal qui s’appliquent : la peine maximale est de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende, et la victime peut évidemment solliciter la réparation de son préjudice.12
Propositions pour la prévention
La fréquentation importante des stations de sports d’hiver fait se côtoyer sur les mêmes pistes des débutants, des enfants en classe de neige, des adultes, jeunes et moins jeunes, des élèves des écoles de ski... Or le comportement irresponsable de certains skieurs fait courir un risque aux autres usagers, comme le constatent les moniteurs de ski lors de leur enseignement. Ces situations ont d’ailleurs de forts points communs avec les situations de violence routière observées sur la voie publique par les trottinettes électriques circulant sur les trottoirs (rapport 22 - 12 de l’Académie nationale de médecine).13,14
La législation est claire et ne nécessite pas de modifications. Toutefois le respect strict de ces règles n’est manifestement pas assuré actuellement et les mesures appropriées ne sont pas appliquées avec efficacité, d’où de nombreux accidents parfois très graves allant jusqu’au décès des personnes percutées.
Certains gendarmes des stations de sports d’hiver conviennent qu’il leur est difficile de contrôler les skieurs irresponsables du fait de leur petit effectif dans les stations de sports d’hiver et de leur équipement parfois insuffisant.
La prévention de ces accidents immérités pourrait passer par la mise en place de mesures incitatives et restrictives.
Mesures d’accompagnement et de pédagogie
On pourrait permettre à des skieurs désirant circuler à grande vitesse de disposer de pistes réservées ou utilisées pendant des périodes précises pour satisfaire leur désir de performances, en dehors des pistes faciles encombrées. Il conviendrait alors d’interdire les grandes vitesses sur des pistes bleues ou vertes en dehors des pistes réservées.
Pour protéger les skieurs débutants, les enfants et les personnes âgées ou tous ceux désirant simplement profiter du paysage à l’arrêt en sécurité, il serait nécessaire de rappeler à tous, par des panneaux visibles et écrits en gros caractères, non seulement dans les remontées mécaniques mais aussi en haut des pistes et à plusieurs endroits dangereux comme le croisement de pistes faciles, que chacun « doit maîtriser sa vitesse, sans oublier que cela engage sa responsabilité civile mais aussi pénale ».
Il faudrait définir plus précisément une distance minimale pour doubler un skieur en aval en toute sécurité, car le flou dans les recommandations favorise l’absence de souci d’un dépassement non dangereux.
Mesures restrictives
Il serait judicieux de mettre en place des mesures permettant d’encadrer les comportements de violence sur piste, via leur identification et la mise en place de mesures correctives.
Donner la possibilité à tout skieur, y compris les moniteurs de ski, les pisteurs et les sauveteurs en montagne, de contacter un numéro de téléphone d’urgence et mettre à disposition des professionnels un appareil portable de type talkie-walkie sont des mesures qui permettraient de signaler rapidement un comportement dangereux et de retrouver un responsable d’accident grave en délit de fuite.
2. Giudicelli CP, Bigard X, Bazex J, et al. Rapport 24-10. Améliorer la pratique des activités physiques, du sport et réduire la sédentarité à l’école, un enjeu de santé publique. Bull Acad Natl Med 2025;209(1):2-14.
3. Bigard X, Bazex P, Chamoux X, et al. au nom d’un groupe de travail « Activités physiques en prévention primaire et secondaire ». Académie nationale de médecine. Rapport 22-05. Bull Acad Natl Med 2022;206(6):700-7.
4. Système national d’observation de la sécurité en montagne (SNOSM). Recensement annuel des accidents de ski. École nationale de ski et d’alpinisme, Chamonix-Mont-Blanc. snosm@ensm.sports.gouv.fr
5. Lang T, Biedermann H, Röthler G, et al. Collision injuries on ski slopes. Aktuelle Traumatol 1980;10(3):169-77.
6. Lochner SJ, Scherr M, Perl M, et al. Severe blunt thoracic trauma caused by ski collision. Unfallchirurg 2017;120(2):162-6.
7. École nationale des sports en montagne. ensa.accueil@ensm.sports.gouv.fr
8. Daguaud N. Collision à ski par temps clair. Le Figaro, 16 février 2024.
9. Louis JM. Mourir sur une piste bleue, c’est absurde. La Dépêche, 16 avril 2013.
10. Gentet G. Une petite fille de six ans percutée par un skieur à grande vitesse sur une piste bleue. Le Dauphiné libéré, 19 janvier 2025.
11. International ski and snowboard federation. https://www.fis-ski.com
12. Baudot S. 2025 en Savoie : les accidents et collisions entre skieurs. La vie nouvelle, 2025;2166.
13. Masquelet AC, de Saint-Julien J. Accidentologie des trottinettes électriques. Rapport 22-12 de l’Académie nationale de médecine. Séance du 29 novembre 2022. Bull Acad Natl Med 2023;207(2):123-30.
14. de Saint-Julien J, Masquelet AC. Accidentologie des trottinettes électriques. Rev Prat 2023;73(2):133-7.