Outre les mesures hygiénodiététiques – qui sont proposées systématiquement –, la prise en charge de la gonarthrose inclut des traitements pharmacologiques donnés uniquement à visée symptomatique et fonctionnelle. Dans les recommandations françaises actuelles (2020), les injections intra-articulaires de corticoïdes peuvent être proposées, particulièrement en cas de poussée inflammatoire avec épanchement articulaire (mais avec prudence en cas de comorbidités). Celles d’acide hyaluronique sont aussi une option – même si, contrairement à celles de corticoïdes, elles ne sont pas remboursées en France –, et ont un meilleur profil de tolérance que les corticoïdes chez les patients avec comorbidités.
Une étude qui vient de paraître dans Radiology a comparé, pour la première fois, l’effet de ces deux types d’injection dans l’évolution de la gonarthrose, grâce à des critères quantitatifs visibles à l’IRM, tels que le volume du cartilage, l’épaisseur du ménisque, les lésions de la moelle ou l’épanchement synovial, réunis dans un score WORMS (Whole-Organ MRI Score).
Cette étude est une analyse secondaire des données d’une étude prospective multicentrique sur la gonarthrose conduite entre 2004 et 2015 aux États-Unis. Sur les plus de 4 700 participants de cette cohorte, les chercheurs ont inclus 210 personnes d’âge moyen 64 ans. Parmi eux, 70 avaient reçu une injection intra-articulaire unique, dont 44 avec des corticoïdes et 26 avec de l’acide hyaluronique, sur la période analysée, qui était de 4 ans (2 ans avant l’injection et 2 ans après). Le reste des participants étaient des contrôles appariés sur l’âge, le sexe, l’IMC et les caractéristiques cliniques. L’évolution de la gonarthrose a été comparée entre ces trois groupes et à l’intérieur des groupes grâce au score WORMS ; pour cela, les chercheurs disposaient des IRM de chaque participant, une réalisée 2 ans avant l’injection et l’autre 2 ans après.
Résultat : si les deux types d’injections entraînaient une réduction de la douleur rapportée par les patients, les injections de corticoïdes étaient associées à une plus grande progression de l’arthrose par rapport à celles d’acide hyaluronique et à l’absence d’injection. En effet, à 2 ans de l’injection, la progression des aspects de la gonarthrose évalués par le WORMS était plus importante dans le groupe ayant reçu les corticoïdes que dans celui ayant reçu l’acide hyaluronique et dans le groupe contrôle : la différence moyenne du score total était de 0,42 entre les groupes « corticoïdes » et « acide hyaluronique » (IC 95 % : 0,01 à 0,84 ; p = 0,04) et de 0,39 entre les groupes « corticoïdes » et « absence d’injection » (IC 95 % : 0,05 à 0,75 ; p = 0,02).
Dans les analyses intragroupes, la progression du score WORMS était plus faible dans la période après l’injection d’acide hyaluronique comparée à celle d’avant l’injection (différence moyenne : - 0,42 ; IC 95 % : - 1,34 à - 0,28 ; p = 0,003). En revanche, dans le groupe « corticoïdes », la différence du score entre la période avant et après le traitement était positive pour tous les aspects évalués, indiquant une progression de la maladie ; elle était la plus importante pour le cartilage (différence moyenne : 0,28 ; IC 95 % : - 0,13 à 0,71 ; p = 0,18), suggérant que les corticostéroïdes pourraient notamment accélérer la perte de cartilage – un indicateur clé de la progression de l’arthrose.
Les auteurs en concluent que, bien que les injections intra-articulaires de corticoïdes soient efficaces pour soulager la douleur à court terme, elles pourraient entraîner à long terme davantage de conséquences délétères sur la progression de la gonarthrose que les injections d’acide hyaluronique.
Ces données sont toutefois à confirmer par des études de plus grande envergure.
Pour rappel, actuellement, dans les essais randomisés les injections d’acide hyaluronique n’ont pas montré d’effet chondroprotecteur.