Pour une fois, une inégalité joue plutôt en faveur femmes ! Une étude portant sur plus de 85 000 participants a comparé l’impact des recos d’activité physique en prévention CV primaire et secondaire, selon le sexe. Elle montre que les femmes tirent davantage de bénéfices de la pratique sportive.

La maladie coronaire (MC) est une cause majeure de morbidité et de mortalité en France. En 2022, elle touchait environ 3 millions de personnes (5,6 % de la population adulte) et était la cause de plus de 240 000 hospitalisations. Face à cette pathologie, les recommandations européennes (de 2021), américaines (de 2023) et de l’OMS (de 2020) préconisent toutes au moins 150 minutes d’activité physique (AP) d’intensité modérée à soutenue (exemples d’activités ci-joints) pour éviter la progression de la MC. De même, l’intérêt du sport est reconnu en prévention primaire, secondaire et tertiaire du syndrome coronarien chronique, comme le rappellent les recommandations de la HAS.

Toutefois, le conseil universel des 150 minutes/semaine d’AP ne tient pas compte de l’écart d’AP entre les sexes. À l’échelle mondiale, 28,7 % des hommes ont une AP insuffisante (inférieure à la reco précédente), contre 33,8 % des femmes, soit une différence de 5 %. Par ailleurs, l’impact éventuel du sexe sur le développement et le pronostic de la MC reste peu étudié. Mieux comprendre ces différences hommes/femmes permettrait d’améliorer la prévention de la MC.

Deux études en une

Pour ce faire, des chercheurs chinois ont investigué les différences entre hommes et femmes en termes d’association entre niveau d’AP et MC. Ils ont utilisé des accéléromètres portés par les participants pour approcher leur AP réelle – une estimation plus précise que le traditionnel autoquestionnaire, et permise par la plus grande disponibilité de ces appareils ces dernières années. Plus précisément, les chercheurs ont étudié deux phénomènes : l’association entre AP et incidence de nouvelle MC dans une population sans maladie coronaire préalable (1re sous-étude), et l’association entre AP et risque de mortalité toutes causes confondues dans une population de patients atteints de MC (2e sous-étude).

Ces deux populations sont issues d’une investigation menée sur une fraction de la cohorte UK Biobank (une cohorte prospective qui a recruté plus de 500 000 personnes de 37 à 73 ans entre 2006 et 2010 en Grande-Bretagne). En tout, entre 2013 et 2015, 103 695 participants de UK Biobank ont porté pendant 1 semaine un accéléromètre au poignet, permettant d’évaluer objectivement et de manière continue leur AP.

Parmi eux, 85 412 participants ont été sélectionnés dans l’étude actuelle , car disposant d’une qualité suffisante de données d’accéléromètre. 80 243 personnes sans MC à l’inclusion (âge moyen ± écart-type = 61,54 ± 7,84 ans ; 57,3 % de femmes) ont été incluses dans la 1re sous-étude, et 5 169 personnes atteints de MC (âge = 66,93 ± 5,90 ans ; 30,0 % de femmes) dans la 2e.

Des recos plus suivies par les hommes

Les résultats de l’étude sont parus le 27 octobre 2025 dans Nature Cardiovascular Research. Sur la 1re sous-étude, avec un suivi médian de 7,88 ans (écart interquartile = [7,31 ; 8,39]), les chercheurs ont comptabilisé 3 764 nouvelles MC (4,69 % de cette population). Sur la 2e sous-étude, avec un suivi médian de 7,77 ans (EI = [7,24 ; 8,31]), les chercheurs ont comptabilisé 593 décès (11,47 % de cette population).

En tout, 48,46 % des participants sans MC à l’inclusion respectaient la reco d’AP précédemment citée (45,76 % des femmes, 52,09 % des hommes), contre 30,51 % des participants coronariens à l’inclusion (21,89 % des femmes, 34,21 % des hommes).

Les femmes étaient moins nombreuses à atteindre le niveau d’AP recommandé, et pratiquaient une AP en moyenne moins intense et plus courte que les hommes (25 minutes d’AP d’intensité modérée à soutenue en moins par semaine dans la 1re sous-étude ; 34 minutes en moins dans la 2e).

Une activité physique plus bénéfique chez les femmes

Les femmes qui respectaient les recos (150 minutes d’AP/semaine) avaient un risque de MC diminué de 22 % par rapport à celles ne les respectaient pas (hazard ratio (HR) = 0,78, IC 95 % = [0,69 ; 0,88]), tandis que les hommes suivant les recos diminuaient leur risque de MC de 17 % (HR = 0,83 ; [0,76 ; 0,91]). En faisant une association dose-réponse entre durée d’AP modérée à soutenue hebdomadaire et HR, les chercheurs soulignent que pour réduire de 30 % leur risque de MC, les femmes doivent pratiquer une AP d’intensité modérée à soutenue 250 minutes/semaine, contre 530 minutes/semaine pour les hommes – soit près de 2 fois plus.

Ces résultats rappellent ceux d’une étude prospective américaine publiée en 2024 dans le Journal of the American College of Cardiology, portant sur 410 000 adultes non atteints de MC. Elle avait conclu que les hommes limitaient au maximum leur risque de mortalité (HR = 0,81) avec une activité physique d’intensité modérée à soutenue de 300 minutes/semaine, alors que chez les femmes, la même réduction de risque était atteinte à 140 minutes/semaine.

Dans la 2e sous-étude, la différence entre hommes et femmes était encore plus marquée : les femmes coronariennes qui respectaient les recos d’AP avaient un risque de mortalité diminué de 70 % par rapport à celles qui ne les respectaient pas (HR = 0,30 ; [0,13 ; 0,70]), contre une diminution du risque non significative de seulement 19 % chez les hommes coronariens respectant les recos par rapport aux autres (HR = 0,81 ; [0,65 ; 1,01]).

Vers une personnalisation des conseils ?

Pour les auteurs, malgré plusieurs limites (population peu représentative, étude observationnelle n’établissant pas de causalité), leurs résultats montrent la nécessité d’une prévention de la MC individualisée et spécifique au sexe, qu’il s’agisse de prévention primaire ou secondaire. Le fait que les femmes obtiennent les mêmes bénéfices de santé que les hommes en faisant deux fois moins d’exercice pourrait encourager les femmes à pratiquer davantage d’AP, réduisant l’écart hommes/femmes sur ce point. Enfin, les scientifiques soulignent que la popularité croissante des appareils portables intelligents (type montre connectée) les rend prometteurs pour la prise en charge future de la MC.

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