L’Agence de la biomédecine, créée en 2004, est issue des lois de bioéthique. Elle joue un rôle de régulation et d’accompagnement pour les activités autour du don (greffes d’organes, de tissus et de cellules), l’assistance médicale à la procréation, la génétique, la recherche sur l’embryon et la veille en neurosciences. De nombreuses perspectives s’ouvrent pour la santé et la recherche dans ces domaines, impliquant de nouveaux enjeux éthiques, sociaux et juridiques.

L’Agence de la biomédecine est le fruit de la volonté de l’État français de créer un organisme dédié à l’application des lois de bioéthique, afin d’assurer une gouvernance cohérente et rigoureuse de ces enjeux. Les progrès scientifiques et médicaux majeurs dans les domaines de la génétique, de la biologie moléculaire et des biotechnologies ouvraient alors de nouvelles perspectives en matière de santé, de soins et de recherche, mais impliquaient également des enjeux éthiques, sociaux et juridiques. Ces activités de soins ou de recherches, innovantes et qui concernaient le corps humain, appelaient une régulation spécifique pour encadrer leur usage et garantir leur développement dans le respect des droits humains.

Historique des transplantations depuis les années 1960

Les activités de transplantation d’organes ont réellement pris leur essor dans les années 1960. La loi Caillavet, promulguée le 22 décembre 1976, marque un tournant décisif en matière de don d’organes. Cette loi a introduit le principe du consentement présumé, disposant que toute personne est considérée comme étant favorable au don de ses organes en cas de décès, sauf si elle l’avait expressément refusé de son vivant. La loi a facilité les prélèvements d’organes et permis de sauver de nombreuses vies, tout en respectant les volontés des individus.

En 1994, l’Établissement français des greffes (EFG), établissement public sous tutelle du ministère de la Santé, a été chargé de gérer au niveau national la liste des patients en attente de greffe et l’attribution des greffons, activités qui étaient assurées jusque-là par l’association France Transplant. Au fil des années, l’EFG a renforcé sa mission en matière de sécurité des greffes, de promotion du don d’organes et a contribué à l’amélioration continue du système de transplantation en France, afin de garantir à la fois l’efficacité des traitements et le respect des droits des donneurs et des receveurs.

En 1994, les premières lois de bio­éthique1 ont marqué une étape importante dans la régulation des pratiques médicales et scientifiques en France, en introduisant des règles concernant la biotechnologie, la génétique et les pratiques médicales touchant à la vie humaine. Plusieurs principes éthiques fondamentaux, comme le respect de la dignité humaine et du consentement éclairé, la non-commercialisation du corps humain et la protection de la vie privée, ont guidé leur rédaction et restent d’actualité.

La révision de 20042 a introduit un encadrement de la recherche sur les cellules souches embryonnaires et a créé l’Agence de la biomédecine, en élargissant significativement les missions de l’EFG à la fois pour la gestion des greffons de cellules souches hématopoïétiques, les activités d’assistance médicale à la procréation (AMP) et la génétique humaine.

La révision de 20113 a consolidé les règles concernant l’AMP, le don de gamètes et la recherche.

Enfin, la révision la plus récente, qui date de 2021, a ouvert la possibilité de recourir à une AMP pour les femmes seules et les couples de femmes et la possibilité de conserver ses gamètes sans motif médical. De plus, cette révision a établi l’accès aux origines pour tous les enfants nés d’un don, répondant ainsi à des attentes sociétales majeures.

De multiples missions : de la greffe d’organes à l’AMP

Depuis vingt ans, l’Agence de la biomédecine joue un rôle de régulation et d’accompagnement dans l’ensemble des domaines traités dans les lois de bioéthique et s’assure de l’application des normes éthiques et légales dans ces domaines sensibles, en collaborant avec les autorités sanitaires, les chercheurs, les associations de patients et les professionnels de santé. Elle est devenue un acteur incontournable dans la gestion des risques et des enjeux liés aux pratiques médicales de demain, contribuant ainsi à une avancée responsable de la biomédecine dans le respect des valeurs humaines fondamentales.

Ses missions ont évolué en réponse aux avancées scientifiques et aux besoins sociétaux. En 2025, elles couvrent cinq principaux domaines d’activités médicales et scientifiques.

Greffes : logistique, formation et information

Les équipes qui réalisent des greffes d’organes, de tissus et de cellules hématopoïétiques en France ont recours, jour et nuit, aux services du Pôle national de répartition des greffons et de la coordination du registre France greffe de moelle, qui se trouvent dans les locaux de l’Agence. Outre ces aspects logistiques, l’Agence de la biomédecine a renforcé son rôle en matière de formation des professionnels de santé et d’information du public pour répondre au défi de l’allon­gement des listes d’attente pour une greffe.

Grâce à l’amélioration des systèmes d’information, à la mise en place de techniques de prélèvement et de préservation des organes plus efficaces, et à un suivi postopératoire renforcé des équipes de greffe, le taux de réussite des transplan­tations a progressé, permettant de sauver davantage de vies.

Assistance médicale à la procréation : échanges pour fluidifier les parcours

L’AMP est devenue un domaine clé de l’intervention de l’Agence de la biomédecine, notamment en ce qui concerne la promotion des dons, la conservation des gamètes et des embryons, l’élaboration de règles de bonnes pratiques, l’évaluation de la qualité et de la sécurité des soins, le suivi de l’accès aux soins grâce au dialogue régulier avec les associations et les professionnels. Cette mission a pris une nouvelle dimension depuis la promulgation de la dernière loi de bioéthique (2021) qui a vu multiplier par près de huit les demandes d’AMP avec don. Cette demande accrue a justifié de nombreux travaux avec les associations et les professionnels pour fluidifier les parcours des patientes.

Cellules souches et embryon humain  : encadrement de la recherche

Une autre évolution majeure concerne l’encadrement de la recherche scientifique sur les cellules souches et l’embryon humain. Le cadre législatif a permis aux scientifiques de conduire des recherches plus poussées, tout en garantissant des protections éthiques strictes.

Génétique  : respect de la qualité

Dans le domaine de la génétique et des tests génétiques, devenus un véritable outil diagnostique pour les professionnels, l’Agence de la biomédecine est garante du respect d’un cadre spécifique et de la qualité des examens. Elle y contribue grâce aux bonnes pratiques, en complément des avis de la Haute Autorité de santé (HAS), sur les parcours de soins diagnostiques (modalités d’information, orientation, etc.) mais également en donnant un agrément individuel aux professionnels habilités à rendre un examen génétique, et en autorisant les centres de diag­nostic préimplantatoire (DPI) et les centres pluridisciplinaires de diag­nostic prénatal.

Veille scientifique : conseil et campagnes de sensibilisation

Au-delà de ses missions de régulation et de contrôle, elle assure également une veille scientifique pour éclairer la décision publique dans ses domaines de compétences ainsi que dans le domaine des neuro­sciences. Elle s’efforce de fournir des ressources éducatives et des guides pratiques sur les enjeux éthiques de la biomédecine à destination du public et des professionnels de santé. Cela inclut des campagnes de sensibilisation à la génétique, au don d’organes, à la recherche sur les cellules souches et aux nouvelles lois encadrant l’AMP.

Le don comme marqueur de solidarité et de générosité

La majorité des activités suivies et encadrées par l’Agence de la biomédecine ont un lien avec le don. Le don d’organes, de tissus, de cellules ou de gamètes incarne une forme concrète de la solidarité et de la ­générosité dans nos sociétés. Au-delà des seuls aspects médicaux ou techniques, ces dons témoignent d’une prise de conscience collective et d’une véritable éthique de citoyenneté.

Ces dons peuvent, en effet, sauver des vies ou contribuer à améliorer concrètement la qualité de vie de nombreuses personnes. C’est pourquoi il est important de sensibiliser le public à la question, de briser les tabous et de lutter contre les idées reçues, afin de favoriser une culture du don dans laquelle chaque citoyen se sente informé et impliqué. Tous les acteurs de la filière santé, qu’ils soient médecins, chirurgiens, infirmiers ou autres professionnels de santé, jouent un rôle clé dans la diffusion et la promotion de cette cause. En raison du lien de confiance très fort qui unit les patients à leur médecin généraliste, ce dernier a toute sa place dans cette sensibilisation.

Enjeux des prochaines années

Dans les années qui viennent, les travaux de l’Agence de la bio­médecine influenceront l’évolution de la réglementation dans plusieurs domaines.

Parcours génétiques balisés

Grâce à l’essor fulgurant de la génétique et du déploiement de l’examen de l’exome, voire du génome entier, les parcours de soins vont devoir s’adapter pour intégrer ces nouvelles données. La mise en place de traitements personnalisés nécessitera des ressources considérables. L’Agence sera particulièrement vigilante à garantir des parcours génétiques de qualité, du diagnostic, qui conditionne l’orientation vers des soins adaptés, à la découverte fortuite de données incidentes, sans oublier de favoriser l’accès au conseil génétique et au DPI si besoin.

Réflexion sur le diagnostic préimplantatoire

Le cas particulier du DPI, déjà autorisé pour les personnes porteuses de maladies génétiques, et la perspective de tests génétiques avant la grossesse en population générale, déjà déployés dans certains pays, alimenteront la réflexion sur l’équilibre entre la liberté individuelle de choisir et la nécessité de fixer des limites éthiques claires pour éviter des dérives possibles. Ces sujets devront faire l’objet de débats pour établir dans quelle mesure la réglementation doit accompagner et encadrer, pour concilier les progrès apportés par des avancées scientifiques et les garanties en matière d’utilisation des données.

Régulation de la recherche

La régulation de la recherche sur les cellules souches et l’édition du génome, à l’aide de techniques telles que CRISPR-Cas9, ouvrent autant d’horizons thérapeutiques révolutionnaires que de préoccupations éthiques, en particulier pour les embryons humains et les gamètes. L’évolution du cadre législatif devra concilier le progrès pour la médecine régénérative et la guérison de maladies graves en garantissant le cadre éthique et les limites à fixer pour ces pratiques.

Garantie d’un accès équitable à l’AMP

Compte tenu de la forte demande en AMP et des évolutions sociétales, l’Agence de la biomédecine devra prendre toute sa part pour agir dans plusieurs directions afin de garantir un accès équitable et de qualité à l’AMP  : renforcer les dons de gamètes, être force de propositions avec les professionnels et les patients pour porter des mesures de fluidification des parcours, piloter et évaluer pour garantir la qualité des pratiques sur l’ensemble du territoire.

Gestion des listes d’attente pour les greffes

La gestion des greffes d’organes et de tissus, l’inadéquation entre le nombre de greffes par rapport au nombre de personnes inscrites sur liste d’attente et la réduction des inégalités d’accès aux soins nécessiteront de poursuivre la sensibilisation de tous les acteurs de la filière et du public à la culture du don d’organes, garant du prélèvement qui est lui-même le préalable à la greffe.

Accompagnement du développement de nouvelles techniques

Les défis éthiques, logistiques et médicaux liés au développement de nouvelles techniques et procédures, comme l’accès à des cellules souches pour régénérer des organes ou le recours à des organes issus d’animaux trans­géniques (xénotransplantation), seront au centre des préoccupations éthiques de l’Agence de la biomédecine, qui devra aussi s’assurer que tous les patients, quel que soit leur lieu de résidence, ont un accès équitable à toutes les options thérapeutiques.

Information des autorités dans le domaine des neurosciences

Dans le domaine des neurosciences, les avancées concernant les implants cérébraux, les neurotechnologies, l’utilisation des organoïdes cérébraux, ou encore les enjeux éthiques et sociétaux liés aux données cérébrales feront l’objet d’une information spécifique du Parlement et du gouvernement.

Régulation de l’accès aux cellules souches et greffons de sang placentaire

Les registres nationaux de cellules souches et de greffons de sang placentaire sont aussi des sources d’innovations thérapeutiques potentielles utiles à de nombreuses spécialités.

Ces grands défis seront à la fois technologiques, éthiques, juridiques et sociaux. La biotechnologie évolue à une vitesse vertigineuse, et l’Agence devra concilier la rapidité du progrès scientifique avec le respect des droits humains et les valeurs éthiques.

Quelle place pour les médecins généralistes  ?

Dans le domaine de la greffe, outre leur rôle dans la sensibilisation au don d’organes et/ou de cellules souches hématopoïétiques, les médecins généralistes doivent être fortement mobilisés pour le suivi et l’accompagnement médical des donneurs vivants, qui sont trop souvent délaissés au profit du suivi des personnes greffées.

Les médecins généralistes sont également en première ligne avec la diffusion large des examens génétiques et la multiplication attendue des données incidentes. Ils devront accompagner leurs patients confrontés à ces nouvelles données, parfois anxiogènes, et les orienter le cas échéant vers les équipes spécialisées pour déterminer conjointement une conduite à tenir adaptée en fonction des avancées scientifiques.

Consciente de la nécessité de renforcer son partenariat avec les acteurs de premiers recours, l’Agence de la biomédecine vient de signer sa première convention avec le ­Collège de la médecine générale pour construire des actions communes dans les domaines de la greffe d’organes, de tissus et de moelle osseuse, de la procréation médicale assistée et du diagnostic génétique. 

Références
1. Loi n° 94-654 du 29 juillet 1994.
2. Loi n° 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique.
3. Loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique.

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Résumé

L’Agence de la biomédecine joue un rôle de régulation et d’accompagnement pour des activités de recours exceptionnel ayant comme point commun le don d’une partie du corps humain. Il s’agit de domaines aussi divers que les greffes d’organes, de tissus et de cellules, l’assistance médicale à la procréation, la génétique, la recherche sur l’embryon ou la veille en neurosciences. Chacun de ces sujets ouvre de nouvelles perspectives en matière de santé, de soins et de recherche mais soulève également de nouveaux enjeux éthiques, sociaux et juridiques. Ceux-ci appellent une régulation spécifique pour encadrer les pratiques médicales et scientifiques et garantir leur développement dans le respect des droits humains. Ils s’accompagnent d’une redéfinition progressive de la place des médecins généralistes dans les nouveaux parcours de soins.