L’Aide médicale d’État, qui facilite l’accès aux soins des migrants en situation irrégulière, est de nouveau au centre des débats parlementaires, après avoir été sauvée in extremis par le Parlement l’année dernière, lorsque le projet de loi « immigration » voulait sa suppression. Le Haut Conseil pour la santé publique vient de publier un avis apportant son soutien à ce dispositif dont il estime que l’abolition serait contraire au serment d’Hippocrate.

La réforme, voire la suppression, de l’Aide médicale d’État (AME) est à l’ordre du jour depuis 2023, lorsque que le projet de loi « immigration » prévoyait son abolition au profit d’une aide médicale urgente (AMU) plus restrictive. Si cette disposition – à laquelle s’étaient opposées plusieurs sociétés savantes de médecine – a été finalement retirée du texte adopté par le Parlement, cela n’a pas marqué la fin de la « bataille » autour de l’AME. L’actuel ministre de l’Intérieur affirme toujours vouloir son remplacement par une AMU, tandis que la ministre de la Santé affirmait récemment qu’elle ne soutenait pas sa suppression et son cadre général « ne changera pas » même si des modifications pourraient lui être apportées.

Alors que le projet de loi de finances 2025 est en cours d’examen, le gouvernement a confirmé en octobre qu’un amendement serait déposé afin de geler les dépenses liées à l’AME – reculant sur le budget présenté initialement, qui prévoyait une hausse de ses crédits de 8 %. En parallèle, parmi les modifications évoquées ci-dessus, figurent plusieurs critères visant à durcir ses conditions d’accès dans un contexte d’augmentation du nombre de ses bénéficiaires : par exemple, la prise en compte des ressources du conjoint ou la limitation de la qualité d’ayant‑droit d’un assuré à ses seuls enfants mineurs. Elles ont été réunies dans une proposition de loi spécifiquement dédiée à l’AME, déposée en septembre.

Dans ce contexte, le Haut Conseil de la santé publique vient de publier un positionnement à ce sujet, où il souligne « les vertus de l’AME pour la santé publique de tous les concitoyens » et réitère son propre attachement aux « valeurs qu’il porte sur la santé de toutes les personnes sans distinction et […] à la réduction des inégalités sociales et territoriales de santé, notamment chez les personnes vulnérables ».

Il explique, en particulier, que :

  • les bénéficiaires de l’AME ont un sur-risque de maladies infectieuses qui non seulement affectent leur propre santé mais peuvent aussi être transmises à la population générale si elles ne sont pas dépistées et traitées efficacement. Ainsi, faciliter l’accès aux soins de ces patients permet non seulement de les soigner, conformément au devoir d’humanité, mais de protéger la collectivité ;
  • qu’ils sont davantage exposés aux troubles psychiques en raison de leurs conditions de vie souvent difficiles et précaires et de leur parcours migratoire, voire parfois de troubles liés à l’usage de substances. Leur prise en charge rapide et adaptée est aussi justifiée d’un point de vue de santé publique et bénéficie à toute la collectivité, en limitant les décompensations psychologiques non médicalisées ;
  • remettre en cause l’AME induirait automatiquement un transfert d’activité et aussi un surcroît de charge financière sur le système hospitalier et les acteurs territoriaux et associatifs, retentissant immédiatement sur toute la collectivité, puisque l’AME permet, au contraire, de bénéficier des soins de ville. En particulier, l’impact sur les services d’urgence, déjà en tension, pourrait être conséquent, exposant tous ses usagers au risque de soins de moindre qualité. De plus, les permanences d’accès aux soins de santé (PASS), les équipes mobiles psychiatrie précarité (EMPP) et les consultations associatives et en centres de santé territoriaux déjà tournées vers les populations précaires apparaissent structurellement bien trop fragiles pour apporter une offre de soins alternative suffisante en cas de suppression de l’AME.

Par ailleurs, le HCSP souligne que contraindre les soignants à renoncer à soigner est contraire au code de déontologie et au serment d’Hippocrate (« Je donnerai mes soins à l’indigent et à quiconque me le demandera »).

Auditionné en 2023 par la mission parlementaire ayant abouti au rapport Évin-Stefanini relatif à l’AME, le HCSP affirme qu’il poursuivra sa réflexion sur cette thématique, avec notamment un groupe de travail permanent « Inégalités sociales et territoriales de santé », en complément de son expertise en cours relative aux populations vulnérables, dont les conclusions seront publiées en 2025.

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