La consommation d’alcool est la deuxième cause de mortalité évitable en France, après le tabagisme. Environ 40 000 décès annuels lui sont attribués, notamment à travers son rôle dans les cancers et les maladies cardiovasculaires. Les dernières données disponibles sur cette consommation, aussi bien dans la population âgée de 18 à 75 ans que chez les adolescents, ont été dévoilées par l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT). En parallèle, la première étude sur le Dry January en France, réalisée par les équipes de l’hôpital Le Vinatier de Lyon, vient d’être publiée. Qu’en retenir ?
Poursuite d’une diminution globale de la consommation d’alcool
En population adolescente, tous les types de consommation ont baissé entre 2017 et 2022, selon l’enquête ESCAPAD de l’OFDT :
- en 2022, près de 20 % des jeunes de 17 ans déclarait n’avoir jamais consommé d’alcool de sa vie, soit une proportion trois fois plus importante que vingt ans auparavant, et en baisse de 6 % par rapport à 2017 ;
- par rapport à 2017, les taux d’usages réguliers ont aussi diminué (de 6 % à 30 % selon les cas) ainsi que ceux des alcoolisations ponctuelles importantes (API) ou binge-drinking (- 17 %), qui correspondent à la consommation d’au moins 5 verres lors d’une seule occasion ; toutefois, les API survenues dans le mois précédent concernent encore une partie importante des adolescents (plus d’un tiers).
Chez les adultes, tous les indicateurs de consommation ont baissé entre 2021 et 2023 (hormis l’expérimentation), selon l’enquête EROPP de l’OFDT. L’usage hebdomadaire a diminué de 5 %, le quotidien de 13 %, et les API dans les mois précédent de 10 %.
Par ailleurs, le volume d’alcool vendu en France (exprimé en hectolitres d’alcool pur) a baissé de 4 % entre 2022 et 2023 ; cette diminution concerne notamment les vins. La tendance est peut-être en lien avec une forte inflation en 2023, qui semble avoir été plus importante pour le secteur des boissons alcoolisées que pour les autres biens de consommation.
Les recours aux soins hospitaliers en lien avec l’alcool augmentent
En 2023, près de 600 000 séjours à l’hôpital en lien avec l’alcool ont été enregistrés, ce qui correspond à une hausse de 4 % en termes de séjour et 3 % en termes de patients par rapport à l’année précédente.
Les séjours pour dépendance et sevrage en représentent la partie la plus importante : 22 % en 2023, contre 11 % pour les effets à long terme de l’alcoolisation et 6 % pour l’intoxication aiguë. Si ces proportions sont similaires à celles des années précédentes, ces dix dernières années ont vu une baisse globale des hospitalisations par intoxications alcooliques aiguës et une augmentation des séjours en lien avec l’alcoolodépendance. En revanche, entre 2022 et 2023, le nombre de bénéficiaires d’un traitement médicamenteux pour alcoolodépendance est stable.
Les accidents de la route liés à l’alcool ont aussi diminué entre 2022 et 2023. Cette année-là, ils ont fait plus de 700 victimes, un chiffre 8 % moins important que l’année précédente.
Moins de consommation quotidienne mais plus de binge-drinking
Les modes de consommation diffèrent selon les classes d’âges. Les proportions de personnes rapportant une expérimentation, un usage hebdomadaire et un usage quotidien sont plus élevées au fur et à mesure de l’avancée en âge. Au contraire, les API (mensuelles ou hebdomadaires) sont beaucoup plus fréquentes chez les jeunes : un quart des 18 - 24 ans rapportent une API dans le mois précédent et 8 % dans la semaine précédente, alors que ces proportions sont respectivement de 15 % et 5 % chez les adultes globalement, et 8 % et 2 % chez les personnes âgées d’entre 65 et 75 ans. Dans les deux cas, les hommes sont plus concernés que les femmes par les API.
Ces évolutions s’inscrivent dans la continuité d’un changement des rapports générationnels à l’alcool, soulignent les auteurs du rapport : baisse durable et continue des usages, mutations des contextes de consommation et changement des types d’alcools consommés (bière au détriment du vin). Schématiquement, depuis les années 2000, on observe un passage du mode dit « méditerranéen » (consommation quotidienne, essentiellement de vin, dans des quantités n’excédant pas quelques verres) à un mode dit « nordique », caractérisé par des usages moins fréquents mais avec des quantités plus importantes, dans des contextes festifs.
Le Dry January gagne en popularité auprès des jeunes
Janvier 2025 marque la 6e édition française du défi de janvier, ou Dry January, une initiative venue du Royaume-Uni qui invite les participants à faire une pause dans leur consommation d’alcool pendant tout le mois.
Les premiers chiffres permettant d’apprécier l’étendue de cette campagne en France (étude JANOVER) viennent de paraître dans la revue Frontiers in Public Health . Les équipes de l’hôpital psychiatrique Le Vinatier de Lyon, avec le soutien de l’Institut national du cancer, ont interrogé un échantillon représentatif de 5 000 adultes en janvier 2024.
Deux tiers des participants avaient entendu parler du Dry January dans cet échantillon ; 20 % y ont participé, ce qui équivaudrait à près de 5 millions de personnes en extrapolant ces données à l’ensemble de la population française. La connaissance de la campagne était plus importante parmi les catégories socioprofessionnelles élevées, mais la participation était similaire quelle que soit la catégorie sociale.
L’initiative a atteint particulièrement bien les personnes qui s’auto-identifiaient comme buveurs et buveuses à risque : 32 % des participants identifiaient leur consommation d’alcool comme étant à risque, contre seulement 17 % des non-participants. Ils étaient plus nombreux que les non-participants à déclarer s’inquiéter des effets de l’alcool sur leur santé, du contrôle (ou du manque de contrôle) qu’ils avaient sur leur consommation, et à signaler un éventuel trouble de l’usage de l’alcool.
En outre, la participation était plus élevée chez les jeunes adultes : 29 % des 18 - 34 ans ont pris part à l’édition 2024, contre 20 % des 35 - 54 ans et seulement 15 % des plus de 55 ans. Ces chiffres suggèrent une meilleure prise de conscience des jeunes générations sur les effets délétères de l’alcool.
L’édition 2025 est à nouveau l’occasion d’ouvrir le dialogue, sensibiliser les patients et les accompagner : toute personne peut suivre le défi avec les applications TryDry et MyDéfi.
Lespine LF, François D, Haesebaert J, et al. Prevalence and characteristics of participants in Dry January 2024: findings from a general population survey in France. Front Public Health 2 décembre 2024.
Association Addictions France. Dry January – défi de janvier : une étude inédite confirme les bénéfices pour la santé. 2024.