La prise en charge nutritionnelle, indispensable dans de nombreuses maladies chroniques dont le diabète de type 2 (DT2) a beaucoup évolué depuis plusieurs années, notamment le type de mesures hygiénodiététiques et le mode de transmission au patient. De multiples bénéfices en sont attendus dont certains ont été démontrés dans de grandes études d’intervention.

Grandes études dans le DT2

Dans le prédiabète, une étude américaine Diabetes Prevention Program (DPP) a comparé l’intérêt d’une modification intensive du style de vie à la prise en charge classique : conseils prodigués en consultation avec remise de documents écrits mais sans autre accompagnement. Dans le groupe dit intensif, les consultations étaient répétées (16 fois) et menées par des personnes formées à la prévention du diabète, à la fois en groupe et en individuel avec des objectifs chiffrés en termes de réduction de poids (- 7 %) et d’augmentation de l’activité physique (2 h 30 par semaine).
À 3 ans : réduction drastique de 50 % de l’incidence de DT2 par rapport au groupe contrôle. Le plus remarquable était que cette différence significative persistait encore 15 ans après l’inclusion dans le protocole.1 Ces bénéfices ont par ailleurs été validés dans des populations d’origine géographique diverse (Chine, Finlande, Inde) montrant l’importance d’une prise en charge nutritionnelle intensive chez des patients à haut risque métabolique. Inspiré par ces résultats, le programme français « Dites non au diabète », expérimenté par le ministère de la Santé et l’Assurance maladie sur 3 territoires particulièrement touchés par le diabète (Seine-Saint-Denis, Bas-Rhin et La Réunion), vise à prévenir ou retarder son apparition chez les personnes à risque : âgées de 45 à 70 ans, avec un IMC à 25 et une glycémie entre 1,1 et 1,25 g/L (https://bit.ly/2xBq0wC).
Dans le DT2, les interventions nutritionnelles ayant montré un bénéfice sont le régime alimentaire équilibré proche des recommandations du programme national nutrition santé (PNNS) ou la diète méditerranéenne préconisée par la Société européenne de cardiologie pour les patients à risque cardiovasculaire.
L’essai américain Look-AHEAD a évalué les effets à long terme (notamment cardiovasculaires) d’une perte de poids chez des diabétiques de type 2 en sur­poids. Plus de 5 000 patients ont été répartis entre un groupe contrôle et un autre bénéficiant d’une modification intensive et supervisée de leur mode de vie (diététique et activité physique). Concernant l’objectif primaire de réduction de la morbi-mortalité cardiovasculaire, les résultats n’étaient pas statistiquement significatifs mais ils l’étaient pour la réduction de poids et d’HbA1c à 10 ans (– 4 kg et – 0,22 % ; p < 0,001).2
Autre étude montrant le bénéfice d’une intervention nutritionnelle, PREDIMED a renforcé l’intérêt des diabétologues et des cardiologues pour l’alimentation de style méditerranéen. Des patients DT2, en prévention primaire, bénéficiaient d’une supplémentation soit en huile d’olive soit en fruits à coques alors que le groupe contrôle était motivé à suivre un régime pauvre en graisses. Avec les 2 types de supplémentation : réduction statistiquement significative de la morbi-mortalité cardiovasculaire de 30 % à 5 ans.3 Finalement, ces 2 grandes études font la promotion d’une alimen­tation équilibrée de type méditerranéen associée à une activité physique régulière. Ces recommandations sont largement reprises et expliquées dans la dernière version du programme français PNNS,4 destiné à la population générale, mais restent vraies pour les patients DT 2 (https://bit.ly/2WmZcZq).
Très récemment, DiRECT, menée en Grande-Bretagne, a remis sur le devant de la scène la restriction calorique drastique visant la rémission du DT2 avec probablement l’arrière-pensée de reproduire une restriction calorique proche de celle induite par la chirurgie bariatrique.4 Ces résultats très médiatisés ont montré qu’une rémission de la maladie était possible à condition d’avoir un DT2 récent et peu sévère et surtout de pouvoir supporter et maintenir ce « régime » pendant toute la durée de l’essai… Son observance, même dans ce protocole bien conduit, était très compliquée, ce qui rend ces résultats difficilement transposables dans la vraie vie.

Personnaliser la prise en charge

Quelques années en arrière, les premiers conseils donnés au patient étaient avant tout négatifs et restrictifs, allant jusqu’à interdire certains aliments : la banane, la betterave et la carotte étaient proscrites car trop sucrées, les céréales ne devaient être consommées que complètes.
On sait aujourd’hui que la promotion de l’équilibre alimentaire et du régime méditerranéen est plus importante que les interdits.
Les messages négatifs sont de grands pourvoyeurs d’échec, notamment à long terme. La restriction cognitive peut entraîner des troubles du comportement alimentaire, notamment des compulsions responsables de déséquilibre glycémique et de prise de poids, voire de reprise pondérale après une période d’amaigrissement volontaire.
Sans parler du sentiment d’exclusion de ne pas pouvoir manger comme les autres… Cela est d’autant plus fort dans les populations où l’importance culturelle du repas prend le dessus sur les règles du « bien manger ».
Avec le temps, ces messages négatifs sont devenus plus souples, voire positifs, l’éducation thérapeutique (ETP) ayant une place de plus en plus importante en diabétologie et en nutrition. Son but est avant tout d’aider les patients à acquérir ou maintenir les compétences dont ils ont besoin pour gérer au mieux leur vie avec une maladie chronique. Cette nouvelle vision fait partie intégrante et permanente de la prise en charge du diabétique qui doit pouvoir se sentir plus autonome dans la gestion de sa maladie.
Au cours du bilan diététique, il est devenu impensable de ne pas prendre en compte l’environnement du patient et sa culture/ses croyances de santé notamment. L’entretien motivationnel est une technique largement admise pour initier ou maintenir des changements profonds du mode de vie, parfois nécessaires dans le diabète.
Ces 10 dernières années, un saut technologique a modifié la prise en charge, notamment en ETP.
Il est par exemple possible d’éditer des menus équilibrés pour une personne seule ou une famille et la liste de courses adaptée (https://bit.ly/2Yxhs4I) ou encore de calculer l’apport calorique et glucidique de ses repas (applications smartphone : Foodvisor, Diabete Gourmand, Gluci-Chek…) !
Les outils connectés comme les podomètres peuvent stimuler les patients à augmenter leur activité physique. Et la pratique de la télémédecine vise une interactivité encore plus importante avec les différents professionnels de santé.
Une des limites évidentes de toute intervention nutritionnelle qu’elle soit en face à face, en groupe, en vidéo, reste la question de son coût et de la rémunération notamment des diététicien(ne)s. Dans l’étude américaine DPP (réduction majeure de l’incidence du diabète de type 2 dans une population à haut risque), la modification intensive de style de vie – soit 16 consultations – était plus coûteuse que la simple prescription de metformine qui diminuait également le risque de diabète…
Perspectives positives : la prise en charge de consultations diététiques par de nombreuses mutuelles et le développement du « sport sur ordonnance ».
Encadre

Conseils adaptés pour le diabète (type 2 et 1) visant la protection cardiovasculaire*

Équilibrer l’alimentation avec 2-3 repas par jour, les différents groupes d’aliments doivent être représentés dans la journée

Éviter les grignotages

Associer féculents et légumes verts pour les bienfaits des fibres dans l’absorption des glucides

2 à 3 fruits par jour au maximum

Manger des féculents et équivalents en quantités raisonnables (150-200 g ou le quart d’une assiette) en préférant les céréales complètes et/ou les légumineuses

Contrôler la quantité et la qualité des graisses d’ajout et cachées (éviter plats cuisinés, viennoiseries...), privilégier l’huile d’olive, de noix ou de colza

en alternance, au moins 2 x/semaine.

Limiter charcuterie et viande rouge

Une petite poignée de fruits à coque (amandes, noisettes…) non salés par jour

Limiter le sel

* Programme national nutrition et santé (https://www.mangerbouger.fr)4

Références
1. Diabetes Prevention Program Research Group. Long-term effects of lifestyle intervention or metformin on diabetes development and microvascular complications over 15-year follow-up: the Diabetes Prevention Program Outcomes Study. Lancet Diabetes Endocrinol 2015;3:866-75.
2. Look AHEAD Research Group., Wing RR, Bolin P, et al. Cardiovascular Effects of Intensive Lifestyle Intervention in Type 2 Diabetes. N Engl J Med 2013;369:145-54.
3. Estruch R, Ros E, Salas-Salvado J, et al. Primary Prevention of Cardiovascular Disease with a Mediterranean Diet Supplemented with Extra-Virgin Olive Oil or Nuts. N Engl J Med 2018;378:e34.
4. Lean MEJ, Leslie WS, Barnes AC, et al. Durability of a primary care-led weight-management intervention for remission of type 2 diabetes: 2-year results of the DiRECT open-label, cluster-randomised trial. Lancet Diabetes Endocrinol 2019;7:344-55.

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essentiel

De grandes études ont montré les bienfaits d’une intervention nutritionnelle dans le DT2.

Proscrire les interdits et adopter une approche motivationnelle et pluridisciplinaire.

Le coût et la rémunération des intervenants (diététicien[ne]s)freine, hélas, son développement.