Quelle fréquence en France ?
Le groupe de travail de la Société française de radiologie sur les produits de contraste Cirtaci (Comité interdisciplinaire de recherche et de travail sur les agents de contraste en imagerie) a mis en place entre 2005 et 2009 une étude multicentrique prospective nationale en collaboration avec des anesthésistes, allergologues et biologistes. L’objectif : colliger et étudier auprès de 31 centres en France les réactions allergiques aux produits de contraste. Sur 245 cas d’hypersensibilité répertoriés en 5 ans, 20 % des 209 sujets réagissant aux PCI avaient une allergie immédiate, ainsi que les 27,8 % des 36 personnes réactives au gadolinium. Des réactions croisées entre PCI étaient notifiées dans 26,8 % des cas et entre les molécules à base de gadolinium pour 50 %. Cependant, aucune réaction croisée entre les PCI et le gadolinium n’était décrite.
Une très faible prévalence de l’anaphylaxie
La réaction anaphylactique sévère liée à l’utilisation de produits de contraste iodés ou au gadolinium est soudaine. Rapportée au nombre d’examens radiologiques avec injection effectués chaque année (75 millions dans le monde), la fréquence de ces réactions allergiques reste infime.
La prévalence de l’anaphylaxie est évaluée entre 0,01 % à 0,2 % des réactions liées à l’utilisation de PCI. L’explication réside dans l’injection désormais plus courante de PCI à faible osmolarité comme l’iohexol et l’iodixanol. Des valeurs plus élevées étaient observées auparavant, dans les années 1980, en raison de l’utilisation de produits à forte osmolarité.
Le gadolinium – produit de contraste utilisée lors d’IRM – serait à l’origine d’une réaction d’hypersensibilité immédiate dans 0,07 % à 2,4 % des cas selon les études. Plusieurs molécules sont à disposition : gadobatrol, gatotéridol, gadosétate disodique, gadotérate de méglumine.
Démarche diagnostique
Le bilan allergologique s’avère nécessaire uniquement lorsqu’une réaction immédiate IgE-médiée ou retardée (mécanisme médié par les lymphocytes T) est soupçonnée. Il se fonde sur trois arguments :
- Clinique : plus la réaction est sévère, plus l’origine allergique est à évoquer.
- Biologique : dosage de la tryptasémie.
- Allergologique : tests cutanés. D’autres tests, réservés aux centres experts, comme les tests d’activation des basophiles ou de transformation lymphocytaire, peuvent être réalisés dans les cas les plus difficiles.
Une question inutile
« Êtes-vous allergique à l’iode » ? Cette question, trop souvent posée, est totalement vaine. Les réactions observées lors d’injection de PCI n’ont aucun rapport avec une présumée réaction à l’iode. Il n’y a aucune relation directe avec une allergie aux produits de la mer, l’allergène étant une protéine (le plus souvent la parvalbumine pour les poissons et la tropomyosine pour les crustacés et mollusques), ni avec la povidone iodée, l’allergène étant la povidone. Pour s’en convaincre, il suffit de dire que le sel de table utilisé dans notre pays est « iodé » et que personne n’a jamais fait de réaction allergique au sel.
Symptomatologie
Il faut dans un premier temps différencier une réaction d’hypersensibilité immédiate (urticaire, œdème, crise d’asthme, réaction anaphylactique dans l’heure qui suit l’injection) d’une réaction urticarienne par histamino-libération non spécifique liée à la dégranulation des mastocytes et basophiles lors de l’injection de PCI à forte osmolarité avec une injection rapide.
Tests cutanés (cf. algorithme ci-contre)
La démarche diagnostique repose sur un interrogatoire précis : déroulement de la réaction, produits utilisés, chronologie. Dans un délai minimum de 6 semaines et au mieux avant 6 mois, les tests cutanés avec prick-tests du produit pur et intradermoréactions (IDR) à différentes concentrations sont effectués en milieu hospitalier par une équipe médicale expérimentée. La conduite à tenir est précisée dans l’arbre ci-contre.
Aucun test à visée prédictive ne doit être envisagé.
Conduite à tenir
- En cas d’anaphylaxie à la suite d’une injection de PCI, l’injection d’adrénaline suivie d’une hospitalisation pour surveillance et dosage de la tryptasémie sanguine sont de rigueur.
- Pour prévenir les accidents allergiques sévères, les preuves d’efficacité d’une prémédication par glucocorticoïdes et antihistaminiques lors d’une injection de produit de contraste font défaut. Le conseil le plus adapté est d’avoir à disposition un chariot d’urgence adapté et un personnel informé sur la conduite à tenir en cas d’anaphylaxie.
- Le choix d’une alternative au produit de contraste incriminé pour une imagerie ultérieure est conditionné par le résultat des tests cutanés. Pour cette raison, ce bilan allergologique ne doit pas être différé ou omis sous peine de se retrouver démuni en cas de nécessité d’un nouvel examen avec injection en urgence ou à court terme.
- Toute réaction liée à l’injection de produit de contraste doit faire l’objet d’une déclaration en pharmacovigilance sur le site de l’ANSM.
- Par ailleurs, le Cirtaci met à la disposition des médecins des fiches de recommandations sur les injections de PCI et de gadolinium (allergies, posologie et mode d’emploi selon les indications, effets secondaires, etc.).
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