Les graines alimentaires (sésame, sarrasin, tournesol…) sont de plus en plus consommées, soit directement soit via l’alimentation industrielle. Compte tenu de leurs protéines à fort potentiel allergisant, il faut savoir évoquer une allergie et connaître le bilan réalisable en médecine générale. Un article pratique accompagné d’une fiche avec les conseils et les bons réflexes pour les patients.

Sésame

Plante herbacée de la famille des pédaliacées, le sésame est utilisé de plus en plus dans l’alimentation industrielle, mais aussi dans la cuisine exotique. C’est le seul allergène émergent qui fait partie de la liste des 14 allergènes à déclaration obligatoire en Europe. Aux États-Unis, il n’a été ajouté qu’en 2021. Sesanum indicum est l’espèce la plus utilisée. On peut également le retrouver dans les cosmétiques, les médicaments et la nourriture pour animaux.

Les voies de sensibilisation ou de déclenchement d’allergie sont l’ingestion de graines ou l’inhalation dans le cadre professionnel (boulanger). Des réactions par procuration avec un(e) partenaire en ayant consommé ont été signalées. Les symptômes sont identiques à ceux rencontrés dans les allergies IgE-médiées. Une guérison spontanée de l’allergie est observée dans 20 % des cas.

Il y a 8 allergènes identifiés dans la nomenclature internationale : albumine 2S (Ses i1 et Ses i2, globuline 7S (Ses i3), oléosine (Ses i4 et Ses i5), globuline 11S (Ses i6 et Ses i7), profiline (Ses i8). Des allergies croisées (souvent liées aux albumine 2S) sont décrites avec la noisette, l’arachide et les fruits à coque.

Sarrasin

De la famille des polygonacées, le sarrasin commun (Fagopyrum esculentum) ou « blé noir » est utilisé sous forme de graines ou de farine (sans gluten). On le retrouve souvent sous forme cachée dans des préparations culinaires (pas forcément indiqué dans les ingrédients). Les symptômes IgE-médiés qu’il engendre après contact vont de l’urticaire à la réaction anaphylactique. Des crises d’asthme peuvent être déclenchées par le contact avec des oreillers remplis de gousses de sarrasin que l’on peut acheter facilement sur le web. L’exposition peut également être d’ordre professionnel (cuisinier, boulanger, industrie agroalimentaire).

À l’heure actuelle, 4 allergènes sont identifiés dans la nomenclature internationale : Fag e2 (albumine 2S) ; Fag e3 (alpha-hairpinin), Fag e4 (hevein-like antimicrobial peptide, qui a une homologie de structure de 65 % avec l’hévéine du latex (Hev b6), Fag e5 (globuline 7S). Dans la littérature, d’autres allergènes sont cités, comme le Fag e1 (globuline 13S). Des réactions croisées rares sont évoquées avec la noix de coco, le quinoa, l’arachide et les graines de pavot.

Pour le sarrasin sauvage (Fagopyron tataricum), plutôt consommé en Asie, seuls 2 allergènes sont identifiés : Fag t2 (albumine 2S) et Fag t6 (oléosine).

Le sarrasin fait désormais partie des allergènes émergents selon les données relevées par le réseau d’allergovigilance entre 2002 et 2022.

Tournesol

Provenant de la plante Helianthus annuus (asteracées), ces graines sont consommées sous plusieurs formes pour leurs propriétés (antioxydantes, etc.). On les retrouve également, après transformation, sous forme d’huile ou de margarine. Les protéines qu’elles contiennent peuvent engendrer des réactions sévères par mécanisme IgE-médié. L’huile de tournesols hautement raffinée est pauvre en allergène mais, par précaution, il est recommandé d’éviter sa consommation en cas d’allergie avérée.

Les graines de tournesols sont aussi utilisées dans la nourriture pour oiseaux ou pour les petits rongeurs. D’où la description des cas d’allergie par inhalation observés chez des éleveurs d’oiseaux ou d’autres professions en contact avec ces animaux.

L’huile de tournesol fait également partie de la composition de certains cosmétiques pour les cheveux ou la peau.

Les allergènes ne sont pas détruits par la cuisson (même à une température > 200 °C ou après une heure de cuisson) : protéine 24 S (Hel a1), profiline (Hel a2), LTP (Hel a3), défensine (Hel a4), pectate lyase (Hel a6), albumine 2S (Hel a15, Hel a16, Hel a17).

En 2021, une étude chez 117 patients (d’âge médian 32 ans) ayant des IgE spécifiques anti-graines de tournesol a montré que 24 % d’entre eux avaient des manifestations cliniques témoins d’une allergie. Dans leurs antécédents étaient cités l’atopie et/ou une réaction aux fruits à coque et/ou aux rosacées. La moitié a eu une réaction anaphylactique avec manifestations cutanées et respiratoires.

Lorsqu’une réactivité croisée est observée entre la LTP de la graine de tournesol et la LTP du pollen d’armoise (Art v3), le risque de réaction sévère est réel.

Les allergènes des autres graines sont décrits dans l’encadré ci-dessous.

Comment faire le diagnostic de l’allergie IgE-médiée aux graines ?

Le bilan allergologique repose sur :

  • l’interrogatoire précis selon la graine suspectée : consommation de crêpe au sarrasin, par exemple, ou exposition à la farine de sarrasin dans le cadre professionnel ou privé ;
  • Les tests cutanés sont effectués avec de véritablesaliments via la technique du prick to prick (les extraits commerciaux ne sont plus disponibles) et/ou le dosage des IgE spécifiques dont la positivité doit être interprétée en fonction de l’histoire clinique :
    • IgE anti-sarrasin (f11) : en cas de recherche d’allergie croisée entre sésame et latex (dosage IgE anti Hev b6.02) ;
    • IgE anti-sésame (f10) : en allergologie moléculaire, seul le dosage de l’IgE Ses i1 est disponible ;
    • IgE anti-tournesol (k84) ; si recherche allergie croisée avec LTP armoise : IgE anti nArt v3 (w233) ;
    • IgE anti-pavot (f224) ;
    • IgE anti-graine de lin (f333).

La prescription est orientée en fonction de l’interrogatoire. Mais attention : pas plus de 5 IgE spécifiques alimentaires par ordonnance ! D’autres allergènes sont disponibles dans les biopuces Alex et Isac réservées à une prescription hospitalière dans certaines indications.

Un test de provocation orale peut être réalisé à l’hôpital si nécessaire.

Conseils aux patients allergiques aux graines

Cette fiche peut être imprimée sur ce lien.

Allergie au sésame

  • Le patient allergique doit être informé que l’huile de sésame contient plusieurs allergènes (sésamol et sésamoline) pouvant déclencher des réactions allergiques IgE-médiées sévère.
  • À évoquer en cas d’urticaire et/ou d’anaphylaxie à répétition en période postprandiale, non expliquées, après ingestion d’une préparation industrielle. Si la même préparation faite maison ne déclenche aucun symptôme, il faut rechercher une allergie à la moutarde, au sésame ou au céleri.
  • Au Québec, des spray anti-moustiques peuvent contenir du sésame, signalé sur l’étiquette.
  • Il est important d’informer un allergique au sésame de l’absence d’étiquetage obligatoire dans certains pays hors Union européenne, États-Unis et Canada. Il faut être vigilant en cas de voyage dans d’autres pays, notamment orientaux, et connaître les noms qu’il peut prendre : ajonjolí, gingelly, sim-sim, graine de benne, sesamol, tahina ou tahini.
  • Attention : le risque allergique persiste après avoir retiré le sésame d’un plat. Par exemple, 1 mg de protéines de sésame correspond à 2 graines de sésame. La surface d’un hamburger est souvent recouverte de 100 à 150 graines de sésame, les enlever n’exclut en rien le risque anaphylactique.

Allergie professionnelle aux graines

Les ornithologues, les éleveurs d’oiseaux et de rongeurs, amateurs ou professionnels, sont des candidats potentiels à une allergie professionnelle aux graines ou à une sensibilisation initiale par inhalation.

Le secteur agroalimentaire est également concerné : l’asthme professionnel est observé dans les usines de fabrication de nourriture pour animaux (préparation à base de poudre ou de broyat, de tournesol, de sésame ou de sarrasin).

Allergie au sarrasin : les animaux aussi concernés

L’alimentation riche en sarrasin proposée aux chevaux peut provoquer des réactions allergiques : urticaire, eczéma, toux chronique. Des IgE spécifiques anti Fag e2 sont présents dans 70 % des sérums d’équidés allergiques au sarrasin.

Le fagopyrisme est une réaction phototoxique décrite chez les animaux albinos ou à peau peu pigmentée soumis à une exposition à des rayons UV du soleil et ayant brouté des fleurs de sarrasin dans les champs. Cela concerne chevaux, porcs, bovins, moutons et lapins.

Encadre

Courge, lin, chanvre… quels allergènes ?

L’allergie à la graine de courge (Cucurbita maxima) est rare et touche plutôt l’enfant. La sensibilisation initiale se fait par ingestion ou par inhalation, par exemple au moyen de résidus d’appât pour poisson. Plusieurs allergènes sont isolés, dont deux sont reconnus dans la nomenclature internationale : globulines 11S (Cuc ma4) et albumine 2S (Cuc ma5).

Graine de lin (Linum usitatissimum) : conlinine (Lin u 1.01), albumine 2S.

Graine de chanvre (Cannabis sativa) : les protéines de stockage potentiellement allergisantes ont été isolées (mais non encore identifiées), avec une possible réactivité croisée avec la noisette. En revanche, l’allergène Can s3 identifié dans le Cannabis sativa utilisé de façon festive n’est pas retrouvé.

Graine de pavot (Papaver somniferum) : globuline 7S (Pap s1), globuline 11S (Pap S2), small hydrophilic seed protein (Pap S3) sont reconnus dans la nomenclature internationale ; alors qu’alpha-hairpinin n’est pour l’instant pas répertoriée. De possibles réactions croisées entre Pap s1 et Pap S2 et leurs homologues de la noisette et du sarrasin sont signalées tandis que l’alpha-hairpinin réagit avec l’allergène d’amande.

L’allergie alimentaire à la graine de chia (Salvia hispanica) est exceptionnelle. Seul un cas d’anaphylaxie et un cas d’eczéma ont été décrits. Les allergènes n’ont pas été identifiés pour l’instant.

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