Allergies post-coïtales : sous-diagnostiquées

Les aliments sont des réservoirs à allergènes issus de différentes familles. Certains de ces allergènes sont détruits par les enzymes digestives, contrairement à d’autres qui persistent et se retrouvent dans le sperme. Il peut s’agir de protéines de réserve des végétaux comme celles de la famille des albumines 2S ou des globulines 7S et 11S. Outre les rapports avec préservatif qui peuvent engendrer des allergies au latex, les relations sexuelles non protégées peuvent engendrer des réactions sévères par procuration via le sperme. Souvent sous-estimé, le risque de réaction allergique IgE-médiée chez un(e) allergique alimentaire est réel lors d’un rapport sexuel non protégé avec un partenaire ayant consommé au préalable l’aliment.

Attention : ces allergies par procuration ne sont pas à confondre avec l’allergie au liquide séminal par allergie croisée entre la PSA humaine et l’allergène Can f5 du chien chez une femme allergique au chien (encadré).

Citons par exemple le cas d’une jeune femme de 20 ans allergique à la noix du Brésil, ayant eu une urticaire, un angiœdème et une gêne respiratoire après un acte sexuel non protégé. Son compagnon avait mangé quatre à cinq de ces fruits à coque 2 à 3 heures auparavant. Connaissant l’allergie de sa partenaire, il s’était pourtant lavé les dents, les mains et les ongles. C’était sans compter le transfert d’allergène de noix du Brésil via le sperme.

Si les observations publiées concernent essentiellement des relations hétérosexuelles, une publication de 2021 expose le cas d’un jeune homme homosexuel de 17 ans, asthmatique et allergique à l’arachide, décédé par anaphylaxie après avoir pratiqué une fellation à un partenaire rencontré sur une application de rencontres. Ce dernier avait consommé du beurre de cacahuète avant le rendez-vous. Aucun baiser n’avait été partagé entre les deux partenaires, excluant la voie salivaire.

Dans la littérature, on retrouve des réactions anaphylactiques survenant après rapport non protégé en raison d’une allergie aux antibiotiques pris par le ou la partenaire.

En 2019, une observation clinique décrit une allergie sévère survenant chez une femme de 46 ans après un rapport avec son mari traité par une pénicilline. Lors du bilan allergologique, l’interrogatoire de la patiente révèle qu’elle est allergique à la pénicilline depuis l’enfance. Des traces d’antibiotique sont retrouvées dans le sperme.

Une autre publication relate la mésaventure d’une femme de 37 ans : dans les minutes qui suivent une fellation pratiquée à son compagnon, elle développe une réaction anaphylactique. Il s’avère que son partenaire prend depuis deux jours une antibiothérapie par une céphalosporine. Lors du bilan allergologique, effectué à distance de l’épisode aigu, la patiente se souvient que 15 ans auparavant elle avait eu une poussée d’urticaire après la prise de pénicilline.

D’autres circonstances plus exceptionnelles peuvent également déclencher des réactions allergiques locales : un homme – allergique connu au cotrimoxazole – a développé une urticaire du gland après un rapport sexuel non protégé avec son épouse, traitée localement avec une crème en application intravaginale à base de sulfathiazole-sulfacétamide-sulfabenzamide.

Enfin, quelques observations en 1992 et 1998 font état de réactions anaphylactiques chez des femmes ayant bénéficié d’une fécondation in vitro avec un sperme contenant des quantités infimes de pénicilline.

L’interrogatoire se révèle parfois compliqué en raison du caractère intime des circonstances de déclenchement.

Les tests cutanés, effectués à distance de l’épisode aigu, comportent des tests cutanés aux allergènes alimentaires (prick-tests +/- IgE spécifiques) ou aux antibiotiques suspectés (prick-tests et IDR en milieu hospitalier). La recherche, dans le sperme, de la molécule en cause peut exceptionnellement compléter le bilan.

Ainsi, par mesure de précaution, tout allergique doit s’informer et éviter tout contact avec un(e) partenaire ayant consommé l’aliment ou l’antibiotique auquel il réagit, dans les heures ou les jours qui précèdent l’acte sexuel non protégé (pénétration, fellation). Par ailleurs, le préservatif reste une mesure préventive efficace.