Analyse des dossiers médicaux électroniques
Alors que la maladie d’Alzheimer (MA) touchait environ 900 000 personnes en France en 2017 selon l’Inserm – un chiffre en augmentation du fait du vieillissement de la population –, l’évolution menant à cette atteinte à l’étiologie complexe reste mal comprise.
Afin d’y voir plus clair, des chercheurs de l’université de Californie à Los Angeles (États-Unis) ont passé au peigne fin l’entrepôt de données de santé (EDS) de l’université de Californie. Dans ce dernier, ils ont sélectionné les dossiers médicaux électroniques de 24 473 patients âgés de 65 ans à 90 ans lors de leur dernière visite enregistrée, disposant des renseignements concernant au moins deux rendez-vous médicaux et atteints de la MA. Leur objectif ? Suivre de manière longitudinale les maladies associées à la survenue de cette démence, pour identifier une ou des progressions types menant à cette maladie. Ces malades ont été appariés à autant de patients d’une cohorte témoin sans MA, afin de s’assurer de la spécificité des trajectoires d’évolution vers la MA.
Quatre groupes associés par diagnostics
Les résultats de cette étude sont parus le 30 juin 2025 dans eBioMedicine. Une trajectoire pathologique claire vers la MA a été identifiée chez 6 794 patients. Les auteurs ont identifié quatre groupes d’évolution vers la MA (qui ne s’excluaient pas l’un l’autre) :
- le groupe « santé mentale » (N = 1 448 personnes), centré sur l’épisode dépressif : 67 % de ces patients souffraient de dépression non spécifiée. Dans ce groupe, les diagnostics précédant la MA incluaient souvent l’hypertension, la fibrillation atriale, les troubles du métabolisme des lipoprotéines, le diabète de type 2, les troubles anxieux, la dorsalgie, les troubles fonctionnels intestinaux. Les trajectoires communes vers la MA étaient : « troubles du métabolisme des lipoprotéines => épisode dépressif => MA » et « troubles anxieux => épisode dépressif => MA » ;
- le groupe « encéphalopathie » (N = 3 223 personnes). Les précurseurs de la maladie étaient l’hypertension, les autres maladies cérébrovasculaires, les maladies de l’appareil urinaire et l’hyperplasie bénigne de la prostate ;
- le groupe « trouble cognitif léger » (N = 1 502 personnes), où 70 % des membres sont atteints de ces troubles. Les précurseurs communs sont les attaques ischémiques transitoires (AIT), les troubles de la ménopause, la dysfonction érectile et les pathologies des voies lacrymales. Parmi les trajectoires typiques d’évolution, on trouve « AIT => maladie dégénérative => MA » ;
- le groupe vasculaire (N = 1 446 personnes), centré sur les maladies cérébrovasculaires. Les diagnostics précurseurs sont les affections articulaires, les maladies des tissus mous, la dorsalgie. Une trajectoire type dans ce groupe est « maladie cérébrovasculaire => démence vasculaire => MA ».
Mieux détecter et intervenir plus tôt
Les auteurs indiquent que ces quatre groupes sont significativement distincts d’un point de vue démographique, mais aussi clinique. Testées dans une autre cohorte américaine de patients, ces trajectoires d’évolution vers la maladie d’Alzheimer se sont révélées reproductibles, puisqu’associées à un risque plus élevé de développer la maladie d’Alzheimer par rapport à la simple addition de comorbidités hors trajectoire évolutive. Selon les chercheurs, ces données démontrent la valeur d’un examen séquentiel des diagnostics associés à la MA. Grâce à cette progression temporellement mieux identifiée, menant en plusieurs étapes pathologiques vers cette neurodégénérescence, les scientifiques espèrent mieux stratifier le risque de MA et proposer des interventions plus personnalisées et précoces face à cette affection.