Historiquement, les analyses sanguines sont réalisées après un jeûne de 8 à 12 h, seule l’eau étant autorisée, pour garantir la fiabilité des résultats notamment concernant le bilan lipidique. Par extension, ces conditions étaient appliquées à toutes les analyses. Cependant, cette contrainte peut être compliquée à gérer pour certains patients (diabétiques notamment) ou pour des raisons organisationnelles. Si un jeûne de 8 à 12 h est effectivement nécessaire pour une interprétation correcte de certaines analyses, ce n’est pas le cas pour d’autres : une mise au point s’impose.
Analyses à jeun : de quoi s’agit-il vraiment ?
De nombreux facteurs peuvent influencer les résultats : l’alimentation, l’activité physique, le stress, le tabac, la consommation d’alcool et même la prise d’eau ont une incidence sur certains paramètres. Afin de minimiser l’impact de ces variables sur le bilan sanguin, il est d’usage de demander la réalisation d’analyses après un jeûne de 8 à 12 h, sans consommation d’alcool dans les 24 h, sans avoir fumé le matin, idéalement sans avoir bu de café, seule l’eau étant autorisée. Mais ces conditions communément admises ne sont pas indispensables pour toutes les analyses. De multiples arguments plaident pour s’affranchir de cette contrainte : nous passons plus de temps en postprandial dans la journée, le bilan effectué dans ces conditions correspond donc davantage à la vie réelle ; du point de vue organisationnel, cela permet aux patients de venir plus facilement à un moment où il y a moins d’affluence au laboratoire ; cela convient mieux aux enfants, aux personnes âgées et aux patients diabétiques devant gérer une insulinothérapie.
Qu’en est-il vraiment de l’impact du jeûne ou de la prise alimentaire sur les analyses ? Si de nombreuses analyses sont influencées par la prise alimentaire, cela change-t-il l’interprétation des résultats ?
Bilan lipidique : le jeûne n’est plus nécessaire sauf quelques exceptions
Les variations
Le jeûne obligatoire de 12 h a longtemps été une condition incontournable du prélèvement pour le bilan lipidique. Néanmoins, l’European Atherosclerosis Society et l’European Federation of Clinical Chemistry and Laboratory Medicine ont montré des variations moyennes maximales 1 à 6 h après un repas, sans que ces variations soient significatives.
En l’absence de jeûne, les études ont montré une augmentation moyenne de 0,3 mmol/L (26 mg/dL) pour les triglycérides (TG) tandis que le cholestérol total, le cholestérol LDL et le cholestérol non HDL diminuent de 0,2 mmol/L (8 mg/dL). Les variations sans jeûne sont donc modérées comparativement aux valeurs à jeun. On n’observe pas de changements pour le HDL, l’apolipoprotéine A1, l’apolipoprotéine B et la lipoprotéine (a).
Les valeurs de référence sont légèrement différentes en cas de jeûne ou non ; il est donc important que le laboratoire connaisse les conditions de prélèvement afin d’adapter ses seuils.
Le risque cardiovasculaire
Ces mêmes études ont démontré que l’évaluation du risque de maladie cardiovasculaire est généralement similaire, parfois même plus pertinente, avec des profils lipidiques obtenus sans jeûne. En effet, le risque d’avoir une maladie CV est plus important chez les patients ayant une augmentation des TG après la prise d’aliments (comparativement à ceux dont le taux de TG demeure normal), alors que les TG peuvent être normaux à jeun. De même, le cholestérol non-HDL et le cholestérol LDL calculés sur des échantillons non à jeun seraient supérieurs aux mesures à jeun pour prédire le risque CV.
Des exceptions à connaître
La réalisation du bilan lipidique non à jeun permet de détecter plus précocement et de façon plus large d’éventuelles anomalies dans la population générale sans entraîner de contraintes qui pourraient limiter le dépistage. Ainsi, les recommandations n’imposent plus la réalisation des analyses sur un prélèvement à jeun. Toutefois, si les taux de TG sans jeûne dépasse 5 mmol/L ou 440 mg/dL, il est alors nécessaire de confirmer le résultat par une analyse effectuée à jeun.
Par ailleurs, dans certains cas, un bilan d’emblée à jeun est indispensable :
- à la suite d’une pancréatite aigüe liée à une hypertriglycéridémie ;
- avant un traitement pouvant provoquer une hypertriglycéridémie ;
- pour évaluer une hypertriglycéridémie génétique ;
- pour le diagnostic d’hypertriglycéridémie.
Le bilan glycémique : toujours à jeun
La glycémie à jeun est une analyse simple, indispensable pour le dépistage précoce du diabète. Pour une interprétation exacte des résultats, un jeûne de 8 à 12 h est nécessaire. L’insuline et le peptide C sont, eux aussi, très influencés par la prise alimentaire, avec des valeurs pouvant quasiment passer du simple au double. Ainsi, un prélèvement à jeun est impératif pour le bilan glycémique, à l’exception de l’HbA1c, qui ne nécessite pas de jeûne (mais ce dernier ne fait pas partie des critères diagnostiques du diabète en France, contrairement aux États-Unis).
Les analyses impactées par la prise alimentaire
Certains paramètres ont des variations importantes (parfois jusqu’à 30 %) après une prise alimentaire. Les valeurs de l’acide urique, la bilirubine totale, la créatinine, la testostérone, la TSH sont plus basses après prise alimentaire qu’à jeun. Il est donc préférable de faire ces analyses à jeun. Dans le cas contraire, la vigilance est de mise et il ne faut pas hésiter à refaire un contrôle sur un prélèvement à jeun.
Analyses ne requérant pas de jeûne
L’influence de l’alimentation habituelle est faible (< 10 %) sur la plupart des analyses. Chez un individu en bonne santé, les valeurs à jeun ou après une prise alimentaire restent dans les valeurs de référence pour les analyses suivantes :
- transaminases, ferritine, GGT, phosphatases alcalines ;
- Na, K, Cl, Ph, Mg ;
- protéines, albumine, LDH, CRP, VS ;
- vitamine B12, folate ;
- calcium, vitamine D ;
- hémogramme (légère variation des leucocytes et de la formule) ;
- TP, TCA, fibrinogène ;
- hormonologie : DHEAS, œstradiol, FSH, LH, T3, T4, IGF1, SHBG.
Analyses ne nécessitant pas d’être à jeun, mais variant selon un rythme nycthéméral
Certains paramètres ne sont pas ou peu influencés par l’alimentation, mais ont des variations au cours de la journée et nécessitent un prélèvement le matin. C’est le cas de nombreuses hormones : ACTH, cortisol, prolactine, PTH, CTX. Par ailleurs, le suivi impose que le prélèvement soit systématiquement effectué à la même heure.
Qu’en retenir ?
La réalisation des analyses sans jeûne apporte un certain confort et peut favoriser une meilleure observance des patients, notamment chez certaines populations (enfants, personnes âgées, diabétiques).
Bien que les indications pour effectuer un bilan à jeun soient rares désormais, il suffit qu’une glycémie à jeun soit prescrite pour que tout le bilan soit prélevé à jeun. Il est également préférable, dans le cadre d’un suivi, d’avoir des prélèvements réalisés dans les mêmes conditions. Enfin, certaines analyses nécessitent un prélèvement le matin, même en l’absence de jeûne.
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Dans cet article
- Analyses à jeun : de quoi s’agit-il vraiment ?
- Bilan lipidique : le jeûne n’est plus nécessaire sauf quelques exceptions
- Le bilan glycémique : toujours à jeun
- Les analyses impactées par la prise alimentaire
- Analyses ne requérant pas de jeûne
- Analyses ne nécessitant pas d’être à jeun, mais variant selon un rythme nycthéméral
- Qu’en retenir ?