L’antibiothérapie parentérale désigne une méthode d’administration d’antibiotiques qui contourne le système digestif ; elle inclut les ­injections intraveineuses (IV), intramusculaires (IM) et sous-­cutanées (SC). La perfusion d’anti­biotiques à domicile est définie par ­l’administration d’antibiotiques par une perfusion d’une durée supérieure à quinze minutes. Cet acte est pris en charge par un forfait spécifique de soins de l’Assurance maladie ­appelé Perfadom.1 Les injections directes en IV, IM et SC ne sont pas prises en charge par ce forfait ; elles peuvent être réalisées par un infirmier à domicile.2

Méthode aux multiples bénéfices

L’antibiothérapie parentérale au domicile est en pleine expansion depuis dix ans, car elle apporte de nombreux avantages, notamment une réponse aux contraintes économiques en diminuant les durées des séjours hospitaliers et en permettant des retours précoces au domicile. Elle permet également la reprise rapide d’une activité physique et professionnelle, et diminue le risque d’iatrogénie secondaire à une exposition prolongée à l’environnement hospitalier.

Les diffuseurs sont des dispositifs médicaux en élastomère (silicone ou poly­isoprène) historiquement utilisés pour les chimiothérapies. Ils permettent d’administrer les antibiotiques en continu. Cette diffusion ininterrompue améliore l’efficacité du traitement en augmentant la probabilité de satisfaire les objectifs de pharmacocinétique et de pharmacodynamie des antibiotiques temps-dépendants (bêtalactamines). La perfusion continue permet de diminuer le nombre de perfusions (de 3 à 6 à seulement 1 ou 2) lorsque les paramètres de stabilité de l’antibiotique sont respectés. Ce gain de passages infir­miers constitue un réel avantage de faisabilité (autrefois, les schémas thérapeutiques à domicile nécessitant plus de deux passages infirmiers n’étaient pas ou difficilement réalisables).

À tous ces bénéfices s’ajoute la diminution de l’impact carbone (tubulure, poche de sérum physiologique, déplacement de l’infirmier), qui devrait désormais être considérée pour chaque prescription.

Indications de l’antibiothérapie parentérale au domicile

L’antibiothérapie parentérale au domicile connaît un grand succès. Néanmoins, plusieurs essais thérapeutiques à haut niveau de preuve ont montré que le traitement des infections les plus graves, comme les spondylodiscites et les pneumopathies, pouvaient bénéficier d’un traitement oral d’emblée.3 De même, l’endocardite infectieuse est désormais traitée par voie orale dès le dixième jour du traitement intraveineux.4

Les indications de l’antibiothérapie par voie parentérale sont donc maintenant limitées au sepsis et aux rares cas où l’usage d’un antibiotique par voie orale est impossible. Hormis quelques indications spécialisées, l’antibio­thérapie parentérale à domicile est ainsi principalement indiquée dans les situations suivantes :

  • antibiothérapie des infections urinaires hautes documentées à bactéries multirésistantes, en l’absence d’alternative per os ou SC, dans une stratégie d’épargne des carbapénèmes, en utilisant la témocilline ou la céfoxitine ;5
  • traitement probabiliste des infections urinaires hautes par céphalosporines de troisième génération (C3G) ;
  • prise orale limitée ou impossible (démence, trouble de la déglutition, trouble de la vigilance, inobservance…).

Modalités pratiques de l’antibiothérapie parentérale ambulatoire

Les perfusions continues d’antibiotiques exposent à un risque d’inefficacité thérapeutique et de toxicité des produits de dégradation lorsque les paramètres garantissant la stabilité des antibiotiques ne sont pas respectés. La concentration, l’exposition à la lumière et à la température, le soluté de dilution et les matériaux du diffuseur sont autant de paramètres devant être précisément prescrits en suivant les recommandations de la Société de pathologie infectieuse de langue française (Spilf) ;6 ces recommandations sont ­disponibles à l’adresse suivante : https ://www.infectiologie.com/. Les modalités de prescription des prin­cipales molécules initiées par le médecin généraliste sont résumées dans le tableau.

La mise en place est facilitée par l’intermédiaire de l’hospitalisation à domicile pour les cas nécessitant une molécule à dispensation hospitalière ou par l’inter­médiaire d’un prestataire de santé à domicile dans les autres cas.

Le processus débute à la suite d’une consultation lors de ­laquelle le médecin remplit le formulaire dédié de perfusion à domicile et contacte un prestataire de soins à domicile. Le prestataire fournit et installe le matériel nécessaire (pompe à perfusion, diffuseurs, etc.) et assure la formation des infirmiers libéraux qui interviendront pour la pose des perfusions et le suivi régulier du patient selon des protocoles établis.

Les injections simples en IM ou en IV directe (temps de pose inférieur à 15 minutes) sont effectuées par un infirmier libéral.

Cas particulier de la ceftriaxone

La ceftriaxone est une C3G à demi-vie longue. Elle est inscrite sur la liste des molécules à usage restreint en ville du fait de sa forte capacité à générer l’anti­biorésistance. Elle reste indiquée dans de rares cas, comme le traitement probabiliste de certaines infections urinaires hautes et dans la pneumonie d’inhalation en cas de prise orale impossible.

La ceftriaxone peut être administrée en IV directe (IVD) ou en IM, pour des durées courtes, dans le cadre d’un traitement probabiliste comprenant une ou deux injections, en raison de la douleur vive provoquée par les injections.

La perfusion intraveineuse de ceftri­axone avec l’usage de diffuseur ne devrait pas être prescrite au regard des coûts engendrés et des risques du maintien d’un abord veineux à domicile.

La ceftriaxone SC peut être utilisée dès la première injection en dehors du sepsis.

Perfusion sous-cutanée

La perfusion sous-cutanée est une méthode de perfusion alternative aux voies IV et IM.

Il existe de nombreuses données montrant que l’usage de la ceftriaxone en perfusion SC permet d’atteindre les cibles de pharmacocinétique et pharmacodynamie équivalentes à celles de la voie IV, avec une biodisponibilité de 100 %. La ceftriaxone peut être prescrite par voie SC par un infirmier à domicile : ceftriaxone 1 g/j en SC dans 100 mL de soluté de chlorure de sodium (NaCl 0,9 %) en perfusion durant trente minutes, à l’aide d’un cathéter souple (flancs ou cuisses). Les données de tolérance sont nombreuses et rassurantes. Elles décrivent des effets indésirables locaux, modérés et réversibles (douleur, œdème, érythème) dans moins de 20 % des cas.7

La voie SC a plusieurs avantages par ­rapport à la perfusion IV : moins de complications infectieuses, un meilleur confort pour le patient, un gain de temps pour les infirmières. Il s’agit d’une bonne alternative en cas d’agitation, d’abord veineux ou de prise orale impossibles.

L’administration d’antibiotiques par voie SC est une pratique hors autorisation de mise sur le marché ; cela doit être indiqué au patient en expliquant le rapport bénéfice/risque jugé favorable en alternative aux voies intraveineuse, intramusculaire et orale.

Encadre

Que dire à vos patients ?

En cas d’infection nécessitant des antibiotiques, si la voie orale n’est pas envisageable, d’autres voies d’administration à domicile sont possibles : intraveineuse, intramusculaire, sous-cutanée.

Les avantages sont nombreux :

  • réduction du temps de séjour à l’hôpital ;
  • reprise précoce des activités de la vie quotidienne et professionnelle ;
  • augmentation de l’efficacité du traitement et réduction du nombre de passages infirmiers, grâce aux dispositifs de perfusion continue ;
  • et donc, impact carbone moindre.
Références 
1. Assurance maladie – Ameli. Circulaire CIR-3/2022 relative à la modification de la nomenclature applicable à la perfusion à domicile. 25 janvier 2022. https://bit.ly/40y0HEX 
2. Omedit. La perfusion à domicile et sa facturation “Perfadom” - Fiches thématiques à destination des pharmaciens d’officine. Novembre 2024. https://bit.ly/4aAB3UG 
3. Dinh A, Duran C, Ropers J, et al. Exclusive oral antibiotic treatment for hospitalized community-acquired pneumonia: A post-hoc analysis of a randomized clinical trial. Clin Microbiol Infect 2024;30(8):1020-28.
4. Iversen K, Ihlemann N, Gill SU, et al. Partial Oral versus Intravenous Antibiotic Treatment of Endocarditis. N Engl J Med 2019;380(5):415-24.
5. Haute Autorité de santé. Antibiothérapie des infections à entérobactéries et à Pseudomonas aeruginosa chez l’adulte : place des carbapénèmes et de leurs alternatives. Recommandation de bonne pratique. 13 mars 2023. https://bit.ly/3EnXwrX 
6. Ourghanlian C, d'Huart E, Longuet P, et al. Intravenous administration of antibiotics by prolonged and continuous infusion. Infect Dis Now 2024:105018.
7. Jumpertz M, Guilhaumou R, Million M, et al. Subcutaneously administered antibiotics: A review. J Antimicrob Chemother2022;78(1):1-7.

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essentiel

L’antibiothérapie parentérale ambulatoire ne se justifie qu’en l’absence d’alternative par voie orale.

La perfusion d’antibiotiques à domicile est définie par une perfusion d’une durée supérieure à quinze minutes. Elle est prise en charge par un forfait spéci­fique de soins de l’Assurance maladie (Perfadom).

Elle est mise en place par l’HAD en cas de molécule à dispensation hospitalière ou par l’intermédiaire d’un prestataire de santé à domicile.

La perfusion continue de céfoxitine et de témocilline permet de traiter les infections urinaires hautes à entérobactéries résistantes aux C3G.