Au cours des vingt dernières années, le développement exponentiel des techniques de biologie moléculaire et en particulier les approches de séquençage nouvelle génération ont conduit à de profondes modifications de la prise charge des sarcomes. En effet, ces techniques aujourd’hui utilisées en routine pour détecter divers types d’altérations moléculaires au sein des tumeurs ont démontré leur impact majeur tant sur le plan diagnostique que thérapeutique. La biologie moléculaire a conduit au démembrement de multiples entités de sarcomes et, dans certains cas, à un bouleversement de leur prise en charge.

Visée diagnostique

Le diagnostic des sarcomes repose en premier lieu sur l’analyse anatomopathologique. Cependant, dans plus de la moitié des cas, la biologie moléculaire est utilisée pour affiner le diagnostic et permettre de détecter certaines entités non identifiables sur le plan morphologique ou immunohistochimique. 

Le séquençage du transcriptome (RNA-seq) permet l’identification de gènes de fusion pathognomoniques de multiples entités de sarcomes, dont la grande famille des sarcomes à cellules rondes.2 Le RNA-seq peut être réalisé à partir de matériel tumoral cryopréservé ou fixé dans la paraffine et constitue la technique de référence pour la détection de ces anomalies moléculaires et pour l’étude du profil d’expression des tumeurs. Son utilisation en routine a conduit à l’identification d’un nombre considérable de nouvelles entités moléculaires rares de sarcomes associées à des transcrits de fusion spécifiques.

Le séquençage du génome par des techniques de séquençage ciblé (panels) ou de séquençage du génome ou de l’exome complet permet de mettre en évidence les mutations génétiques et les anomalies de nombre de copies dans les tumeurs. Les sarcomes sont classiquement des tumeurs pour lesquelles la charge mutationnelle est basse mais la complexité génomique est élevée.3 

La détection de certaines mutations est indispensable au diagnostic de sous-entités rares de sarcomes, comme les tumeurs rhabdoïdes malignes ou les sarcomes épithélioïdes. Dans le cas des liposarcomes bien différenciés et dédifférenciés, la mise en évidence d’une amplification du gène MDM2 par des techniques de cytogénétique ou de biologie moléculaire est indispensable pour poser le diagnostic et permet d’éliminer les diagnostics différentiels dans les cas difficiles. Enfin, le profil génomique est également utilisé pour aider à différencier une tumeur mésenchymateuse bénigne d’un sarcome, comme dans le cas de certaines tumeurs utérines pour lesquelles les présentations radiologique et anatomopathologique ne permettent pas de trancher.4

Visée pronostique

La biologie moléculaire permet également d’apporter une information pronostique. La signature Cinsarc (complexity index in sarcomas) est une signature moléculaire fondée sur l’évaluation de la complexité génomique améliore l’information pronostique apportée par le grade histologique et prédit l’évolution de la maladie dans plusieurs types de sarcomes.5 L’évaluation de cette signature pour guider le bénéfice d’une chimiothérapie périopératoire dans les sarcomes localisés est en cours d’évaluation dans des essais cliniques dédiés en France.

Visée thérapeutique

La biologie moléculaire est également très utile pour guider le traitement grâce à la mise en évidence d’altérations moléculaires actionnables. L’exemple le plus emblématique est celui des tumeurs stromales gastro-intestinales (GIST) caractérisées par des mutations récurrentes du gène KIT et dont le traitement a été révolutionné par le développement des inhibiteurs de tyrosine kinase ciblant ces mutations, comme l’imatinib.6 De même, les patients porteurs de sarcome à gène de fusion NTRK bénéficient de façon spectaculaire d’inhibiteurs spécifiques comme le larotrectinib,7 et certains sarcomes rares, associés à des charges mutationnelles élevées ou à une instabilité des microsatellites, sont sensibles à l’immunothérapie. 

Perspectives d’amélioration

La caractérisation des sarcomes par des approches de biologie moléculaire a permis d’améliorer de façon significative leur prise en charge tant sur le plan diag­nostique que thérapeutique. Ces techniques sont aujourd’hui réalisées en routine dans les centres experts à tout stade de la maladie. Le développement continu de ces techniques, en particulier par des approches permettant de caractériser l’hétérogénéité intratumorale ou le profil moléculaire à partir de biopsies liquides, permet de poursuivre la compréhension des mécanismes oncologiques de développement des sarcomes et de leur résistance aux traitements.

Références
1.  Dufresne A, Brahmi M, Karanian M, et al. Using biology to guide the treatment of sarcomas and aggressive connective-tissue tumours. Nat Rev Clin Oncol 2018;15(7):443-58.
2.  Watson S, Perrin V, Guillemot D, et al. Transcriptomic definition of molecular subgroups of small round cell sarcomas. J Pathol 2018;245(1):29-40.
3.  Cancer Genome Atlas Research Network. Comprehensive and integrated genomic characterization of adult soft tissue sarcomas. Cell 2017;171(4):950-65.e28.
4.  Smadja J, El Zein S, Pierron G, et al. Percutaneous uterine needle biopsy with microscopic and array-CGH analyses for preoperative sarcoma diagnosis in patients with suspicious myometrial tumors on MRI: A prospective pilot study (SARCGYN). Ann Surg Oncol 2023;30(2):943-53.
5. Chibon F, Lagarde P, Salas S, et al. Validated prediction of clinical outcome in sarcomas and multiple types of cancer on the basis of a gene expression signature related to genome complexity. Nat Med 2010;16(7):781-7.
6.  Blay JY, Kang YK, Nishida T, et al. Gastrointestinal stromal tumours. Nat Rev Dis Primers 2021;7(1):22.
7.  Hong DS, DuBois SG, Kummar S, et al. Larotrectinib in patients with TRK fusion-positive solid tumours: a pooled analysis of three phase 1/2 clinical trials. Lancet Oncol 2020;21(4):531-40.

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