Des approches vaccinales sont développées dans les maladies auto-immunes, avec comme exemple emblématique le diabète de type 1. À côté d’approches vaccinales classiques contre des virus qui contribuent à l’émergence de diabètes (en particulier les rotavirus vis-à-vis desquels des vaccins ont été mis en place, en Finlande depuis 2006, ou les souches les plus « diabétogènes » de virus Coxsackie B, en cours de développement), des approches destinées à activer une réponse lymphocytaire T régulatrice, dont la défaillance est déterminante dans le développement de la maladie, sont actuellement développées. Ces approches visant à stimuler des lymphocytes T régulateurs spécifiques d’auto-antigènes impliqués dans la maladie utilisent des polymères formant des micro- et nanoparticules, capables de transporter des auto-antigènes comme l’insuline ou le glutamate décarboxylase ou des peptides qui en dérivent, des agents chimiotactiques (MCP- 1, GM-CSF) ou tolérogènes (IL- 10, TGFβ, rapamycine, ligand du récepteur aryl d’hydrocarbone [Arh], acide transrétinoïque, vitamine D3…) qui favorisent l’activation des lymphocytes T régulateurs, vers les sites où se développe la réponse auto-immune responsable de la maladie. L’utilisation des seuls auto-antigènes dans un schéma classique de vaccination s’est avérée cliniquement décevante, justifiant l’association à des facteurs qui renforcent l’efficacité de l’activation des lymphocytes T régulateurs. Ces micro- ou nanoparticules permettent de cibler des lymphocytes T spécifiques, des cellules présentant l’antigène, en particulier dendritiques et des organes (rate, foie, ganglions lymphatiques, tissu sous-cutané, tube digestif). L’objectif est d’induire une tolérance immunitaire qui ne se limite pas à l’auto-antigène ou au peptide inséré dans les micro- et nanoparticules utilisées, mais s’étende à des auto-antigènes présentés par une même cellule présentatrice, souvent impliqués initialement ou secondairement dans la réponse auto-immune – on parle de tolérance « infectieuse » ou « de proximité ». Plus récemment, l’explosion des techniques d’ingénieries cellulaire et moléculaire, à l’origine d’une révolution dans le traitement de certains cancers avec les CAR-T cells, ouvre la voie à des applications dans les maladies auto-immunes et le diabète. L’importance des cellules T régulatrices dans la maladie fait envisager la « fabrication » de cellules T régulatrices artificielles exprimant les gènes foxP3, du récepteur de l’IL- 2, de récepteurs des lymphocytes T régulateurs leur conférant une spécificité antigénique unique et une haute activité régulatrice. Ces techniques partent soit de cellules T régulatrices obtenues de patients avec un niveau de purification optimal, soit de cellules T CD4 + dans lesquelles sont introduits les gènes qui leur confèrent l’activité régulatrice et la spécificité pour un auto-antigène par l’introduction d’un récepteur antigénique portant un domaine variable d’anticorps ou des domaines variables de récepteurs T. Un facteur critique de l’efficacité des récepteurs T utilisés est leur avidité et leur affinité pour le ou les peptide(s) de l’auto-antigène qu’ils reconnaissent. Les réseaux de gènes activés porteurs des fonctions régulatrices diffèrent en fonction de l’affinité du récepteur T pour son ligand. Une étude extensive comparant l’efficacité des cellules T régulatrices en fonction de leur provenance (sang périphérique, pancréas) et du récepteur antigénique qu’elles expriment demeure à réaliser. Des cellules CAR-T construites sur le modèle de celles utilisées dans le cancer, ou le lupus, sont développées dans des maladies comme le diabète, mais exprimant un récepteur chimérique doté d’un domaine variable d’anticorps spécifique, par exemple du complexe formé par un peptide et une molécule présentatrice, de classe I ou II, du complexe majeur d’histocompatibilité.
Christian Boitard, diabétologue immunologiste, secrétaire perpétuel de l’Académie nationale de médecine
11 juin 2024