Une décision récente du Conseil d’État en faveur d’une généraliste qui avait été sanctionnée par l’Ordre pour avoir écrit « burn out » sur un arrêt de travail a fait beaucoup réagir. Les généralistes pourront-ils désormais diagnostiquer cette pathologie sans échanger avec les médecins du travail ?  La situation est plus complexe…

Étant donné que tout certificat engage la responsabilité du médecin signataire, il est généralement conseillé aux médecins de n’y écrire que ce qu’ils ont constaté, c’est-à-dire d’éviter d’établir un lien entre les symptômes et des causes qu’ils ne peuvent pas vérifier, afin de ne pas s’exposer à des plaintes ou des sanctions. 

Or, le diagnostic de burn out (ou syndrome d’épuisement professionnel) se réfère, par définition, à des phénomènes spécifiques au contexte professionnel (CIM- 11) : l’écrire sur un certificat revient donc à incriminer les conditions de travail que seul peut connaître le médecin du travail, et expose le praticien à des sanctions pour faute déontologique. Beaucoup de médecins généralistes se sont ainsi retrouvés sous le coup de sanctions ordinales – à la suite de plaintes déposées par l’employeur du patient concerné – pour avoir écrit le motif « burn out » sur un arrêt de travail.

Mais dans une décision récente inédite, le Conseil d’État a statué en faveur d’une généraliste qui avait été sanctionnée pour cette raison et qui a fait appel.

De quoi parle-t-on ?

Dans une décision rendue le 28 mai 2024, le Conseil d’État a annulé une décision de la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins qui rejetait un appel d’une généraliste sanctionnée par la chambre disciplinaire de première instance de l’Ordre du Grand-Est. 

Cette sanction d’avertissement lui avait été infligée en 2020 au sujet d’un avis de prolongation d’arrêt de travail sur lequel elle avait inscrit la mention « burn out  ». La société qui employait la patiente a porté plainte contre cette médecin devant le conseil départemental de la Moselle, et la chambre disciplinaire l’a sanctionnée, considérant qu’il s’agissait d’un certificat tendancieux ou de complaisance (elle invoquait notamment le fait que, pour établir ce diagnostic, la praticienne s’était fondée sur les seules déclarations de la patiente, sans disposer de l’analyse des conditions de travail émanant du médecin du travail conformément aux recommandations de la HAS de 2017 sur le burn out ). 

Son appel ayant été rejeté, cette médecin s’est pourvue en cassation devant le Conseil d’État, qui a considéré qu’elle était « fondée à demander l’annulation de [cette] décision » et a renvoyé l’affaire à la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre.

Cette décision fera-t-elle jurisprudence ?

La presse grand public a largement relayé cette décision en écrivant qu’il était désormais possible aux généralistes de diagnostiquer seuls un burn out sans échanger avec la médecine du travail. Néanmoins, ce propos doit être nuancé : cette décision n’a pas de portée générale et n’établit pas de nouvelle règle de droit (il s’agissait uniquement de la résolution de ce cas d’espèce). Elle n’implique pas que le médecin ne puisse en aucun cas se voir reprocher sa qualification de « burn out » si elle s’avère être de complaisance. 

Toutefois, cette décision pourrait aider les médecins qui ont déjà été sanctionnés pour le même motif.  

Pour l’heure, il reste néanmoins déconseillé d’inscrire le terme « burn out  » sur les certificats, au moins en attendant la nouvelle position de la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre, explique le Dr Marcel Garrigou-Grandchamp (responsable de la cellule juridique de la Fédération des médecins de France). 

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