L’arthrose digitale est une pathologie hétérogène dont le retentissement fonctionnel est plus sévère qu’on ne l’imagine. Quels traitements (pharmacologiques ou non) ont fait leurs preuves ? Lesquels n’ont pas montré d’efficacité ? Y a-t-il des médicaments prometteurs à l’étude ? Le point avec le Dr Alice Courties, rhumatologue à l’hôpital Saint-Antoine et auteur des premières recommandations sur le sujet de la Société française de rhumatologie, à paraître prochainement.

Une clinique très variable

L’expression clinique de l’arthrose de la main est très variable, allant de l’absence de symptôme à un retentissement fonctionnel marqué. « Contrairement à l’arthrose du genou, où une seule articulation est impliquée, il y a potentiellement 32 articulations concernées, d’où des formes très hétérogènes », précise le Dr Alice Courties.

L’arthrose des doigts longs évolue souvent par crises douloureuses et peut se distinguer par des signes inflammatoires locaux, en regard des articulations concernées, notamment dans sa forme érosive (figures). Des nodosités peuvent être palpées : elles correspondent à l’ostéophytose du pourtour de l’articulation arthrosique. Une évolution vers l’ankylose des articulations distales est possible, à l’origine d’une déformation en position vicieuse et/ou d’un défaut de flexion, qui gênent considérablement la préhension.

L’expression clinique de la rhizarthrose est également hétérogène. La douleur – habituellement mécanique – siège à la base du pouce, au bord supéro-externe de la main. Les déformations sont tardives. Douleur et gêne fonctionnelle limitent la préhension. Là aussi, l’évolution est souvent marquée par l’alternance de crises douloureuses et de périodes d’accalmie.

« Compte tenu de cette hétérogénéité clinique, la prise en charge de l’arthrose de la main doit être individualisée en tenant compte de la localisation de l’atteinte, de sa sévérité, de la présence d’une poussée inflammatoire et/ou douloureuse, des comorbidités et des attentes du patient. L’objectif de ces recos de la SFR est d’harmoniser les pratiques au vu des données récentes de la littérature. »

Points forts des recos de la SFR à paraître

Ces guidelines mettent en exergue l’importance des mesures non pharmacologiques, en particulier la réalisation d’auto-exercices (mobilisation articulaire, renforcement musculaire, préhension, proprioception) qui doivent être proposés à tous les patients. « Pour les personnes gênées au niveau de la fonction, ce qui constitue la plainte principale de nos patients, ces exercices spécifiques sont très utiles », souligne le Dr Alice Courties.

Concernant les options pharmacologiques, les AINS (per os ou topiques) restent les traitements de référence des poussées douloureuses, à prescrire pour la durée la plus courte possible. Contrairement à la hanche, les articulations de la main sont superficielles, d’où l’intérêt des AINS topiques, qui ont la même efficacité que les AINS per os, mais avec moins d’effets indésirables. « Mais attention à les utiliser à la bonne posologie ! », alerte le Dr Alice Courties : « Le diclofénac a montré une efficacité lorsqu’il est appliqué 4 fois par jour pendant les poussées, alors qu’il est le plus souvent prescrit en sous-dosage, à raison de 1 ou 2 fois par jour. »

Une autre nouveauté : dans les formes très inflammatoires avec gonflements polyarticulaires, une cure courte de corticoïdes oraux à faible dose peut être envisagée lors des poussés ; en effet, une étude parue dans le Lancet  (HOPE) a montré une amélioration significative de la douleur après prise de 10 mg de prednisone/j (à hauteur de 16 points sur 100 par rapport au placebo). La prudence est cependant de mise, compte tenu du risque de corticodépendance.

La place des infiltrations intra-articulaires a été longuement débattue par les experts du groupe de travail. Leur conclusion : elles ne devraient pas être proposées en dehors des infiltrations de corticoïdes dans les interphalangiennes en poussée inflammatoire. En effet, les infiltrations au niveau du pouce (pourtant très pratiquées !) n’ont pas montré de bénéfices dans les études, par rapport au placebo.

Le paracétamol peut être envisagé pour une durée limitée mais son efficacité est méconnue, faute d’essai le comparant au placebo. Les opioïdes faibles (dont le tramadol) ne devraient pas être utilisés.

Enfin, la colchicine, l’hydroxychloroquine et les traitements biologiques anti-cytokiniques ont donné des résultats négatifs.

Les orthèses ont montré un bénéfice dans la rhizarthrose et aussi dans l’arthrose des doigts longs, mais les méta-analyses comparatives ne permettent pas d’en recommander un type particulier : on privilégie généralement un port nocturne.

Le Condrosulf (chondroïtine sulfate) peut être envisagé à visée symptomatique (amélioration de la douleur et de la fonction) en traitement de fond, sans en attendre un effet structural : en pratique, on peut le proposer pendant 3 mois, et on prolonge le traitement en cas d’efficacité (mais il n’est plus remboursé).

Parmi les approches complémentaires, l’application locale de chaleur (paraffine chaude, non remboursée) peut être envisagée pour un effet antalgique à court terme. Les ondes électromagnétiques, le laser, l’acupuncture ou les bandes adhésives de contention ne sont pas efficaces.

Nouveautés et perspectives dans l’arthrose de la main

« La recherche est très active dans ce domaine », nous explique le Dr Alice Courties.

Dans les formes très inflammatoires, le méthotrexate est prometteur en traitement de fond : prescrit à 20 mg/j, il a amélioré la douleur et la fonction à 6 mois dans une étude parue dans le Lancet  (les doses les plus faibles seraient inefficaces).

La stimulation du nerf vague est une approche innovante en cours d’évaluation. Si, dans une étude conduite à l’hôpital Saint-Antoine (ESTIVAL), le critère principal n’a pas été atteint (douleur à 12 semaines), une petite amélioration sur la fonction et l’état global des patients a été observé. Par ailleurs, chez les patients ayant une arthrose de la main très inflammatoire, avec au moins 2 sites avec des synovites à l’échographie, une réduction significative de la douleur a été observée, suggérant une place pour ce traitement dans cette indication (à confirmer par d’autres études).

Dans l’arthrose digitale érosive, associée à des anomalies de remodelage de l’os sous-chondral, le dénosumab – médicament utilisé contre l’ostéoporose – ralentit la progression des érosions par rapport au placebo, mais cette amélioration structurale ne s’accompagne pas d’efficacité clinique sur la douleur et la fonction. « Malgré l’échec du dénosumab, précise le Dr Alice Courties, cette approche – utiliser un médicament ayant un effet à la fois sur la douleur et sur la structure – est très intéressante ».

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