La prévalence des troubles psychiques est estimée à environ 20 % en population générale en France.1 Autour de 2 millions de personnes sont suivies régulièrement par les services de psychiatrie, en majorité pour des pathologies sévères et persistantes (schizophrénie, troubles bipolaires, etc.). Et environ 10 millions d’autres présentent des troubles fréquents, comme des dépressions, des troubles anxieux ou du comportement alimentaire, pour lesquels elles peuvent consulter des médecins généralistes, des psychiatres ou des psychologues. En 2022, 8,5 millions de Français ont consommé des soins en rapport avec une maladie psychiatrique chronique, ce qui place ces pathologies au premier rang, avec les maladies cardiovasculaires.2
Les études comparatives manquent pour suivre ces prévalences, mais Santé publique France a procédé à des mesures régulières depuis la pandémie (étude CoviPrev). Les symptômes dépressifs concernaient 19,9 % de la population lors du premier confinement, en mars 2020, atteignant un pic à 22,6 % en 2021. La dernière mesure, réalisée en septembre 2023, indiquait une prévalence d’états dépressifs à 16 %, relativement stable par rapport à 2022. Mais les indicateurs les plus alarmants concernent les adolescents et les jeunes adultes, notamment les jeunes filles, comme le montre l’étude EnCLASS (Santé publique France) : 22,7 % des lycéennes présentaient des symptômes dépressifs en 2022, contre 18 % en 2018.
Cette accentuation récente des troubles psychiques chez les jeunes s’observe dans toutes les données de recours aux soins. Les plus nettes concernent les hospitalisations pour « gestes auto-infligés » : chez les sujets féminins de 10 à 24 ans, elles sont passées de 12 500 en 2019 à 18 000 en 2022 (Drees). L’augmen­tation importante des tentatives de suicide chez les adolescents durant la pandémie a été confirmée à l’hôpital Robert-Debré à Paris, avec une augmentation de près de 300 % dans certains cas.3
On peut rapprocher ces observations de celles sur les consommations d’antidépresseurs qui ont augmenté de 56 % entre 2019 et 2023 chez les jeunes de 12 à 25 ans et encore plus fortement chez les jeunes filles (+75 %).
Un accroissement net des besoins de soins psychiques existe donc depuis quelques ­années chez les jeunes. La pandémie, les ­ruptures des liens sociaux et toutes les crises qui sont survenues par la suite jouent probablement un rôle important dans cette situation, et peut-être davantage chez les femmes, qui sont plus exposées aux facteurs de stress et aux troubles anxieux et dépressifs.
Le fait qu’on n’observe pas d’augmentation franche du recours aux soins psychiatriques dans les autres tranches d’âge ne signifie pas qu’il n’existe pas de besoins croissants. Beaucoup de structures et de consultations étant saturées, il est possible qu’elles ne puissent pas « absorber » toutes les demandes, ce qui peut conduire à des prises en charge insuf­fisantes ou avortées.
La déstigmatisation partielle des troubles psychiques, notamment depuis la pandémie, est une bonne chose et conduit des personnes à demander une aide alors qu’elles ne l’auraient pas fait auparavant. Pour autant, il faut que les moyens d’y répondre soient à la hauteur de ces besoins nouveaux ! Cela nécessite, à l’évidence, de poursuivre le déploiement de solutions adaptées dans le domaine de la psychiatrie et de la psychothérapie.