Une équipe française publie dans le Lancet les résultats d’une grande cohorte (la plus vaste au monde) concernant l’épidémiologie des MICI en France. L’augmentation constante de ces maladies depuis les années 1990, en particulier dans certaines populations, suggère l’implication de facteurs environnementaux…

Le registre Épimad, qui recueille les données de patients atteints de MICI dans le nord de la France depuis 1988, est le plus important registre de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) au monde. En 2017, il couvrait une population de près de 6 millions de personnes, correspondant à 9 % de la population française.

Dans cette étude, les données de tous les patients inclus dans ce registre entre 1988 et 2017 ont été analysées, afin de décrire l’évolution de l’incidence et des tableaux cliniques des MICI en fonction de l’âge et du sexe dans la population générale de cette région, et d’estimer leur prévalence en 2030.

L’incidence augmente chez les enfants, les jeunes et les femmes

Sur cette période de 30 ans :

  • 22 879 cas de MICI ont été enregistrés, dont 59 % étaient des maladies de Crohn, 38 % des rectocolites hémorragiques (RCH) et 3 % des formes indéterminées, soit une incidence de 12,7/100 000 personnes-années (MICI) et respectivement 7,2 et 5,1/100 000 personnes-années pour Crohn et RCH ;
  • l’incidence des MICI a augmenté, passant de 5,1 à 7,9/100 000 pour la maladie de Crohn et de 4,5 à 6,1/100 000 pour la RCH, soit des hausses annuelles de 1,9 % et 1,3 % respectivement (p < 0,0001).
  • les enfants, les jeunes adultes et les femmes ont été les plus concernés par cette hausse : en effet, chez les 0 - 16 ans, elle a été de + 4,3 %/an (Crohn) et + 5,4 %/an (RCH) et chez les 17 - 39 ans, de + 1,9 %/an et + 1,5 % respectivement ; chez les femmes, la différence concerne la RCH, avec une hausse de l’incidence de + 1,9 %/an contre 0,8 %/an chez les hommes.

Par ailleurs :

  • l’âge médian au moment du diagnostic était de 26 ans pour la maladie de Crohn et de 35 ans pour la RCH ;
  • le délai médian entre l’apparition des symptômes et le diagnostic était respectivement de 3 mois et 2 mois, sans changement au fil du temps.
  • 10 % des patients avaient des antécédents familiaux de MICI ;
  • des manifestations extra-intestinales étaient présentes chez 8 % des patients.

Enfin, selon les projections élaborées par les chercheurs sur la base de ces résultats, la prévalence des MICI atteindrait 0,6 % en 2030 dans le nord de la France (ce qui correspond à une augmentation de 30 % en 10 ans), notamment en raison du vieillissement de la population atteinte de ces maladies.

Qu’en retenir ?

L’augmentation de l’incidence des MICI depuis 1990 observée dans cette région française contraste avec les résultats d’études épidémiologiques menées dans d’autres pays occidentaux, qui ont majoritairement trouvé des incidences stables ou en baisse. Néanmoins, elle concorde avec les données de pays ayant des fortes incidences de MICI (scandinaves), qui ont également rapporté des hausses continues. Par ailleurs, les auteurs soulignent que, dans cette étude, l’amélioration des outils diagnostiques n’expliquerait pas la hausse de l’incidence, car le délai entre l’apparition des symptômes et le diagnostic est resté stable sur la période étudiée.

L’augmentation projetée de la prévalence d’ici à 2030 converge avec les données des travaux récents, puisque, en dépit d’une incidence stable dans de nombreux pays occidentaux, la prévalence globale estimée des MICI continue d’augmenter en raison d’un faible taux de mortalité et du vieillissement des patients atteints de MICI. Cet aspect, soulignent les auteurs, doit être pris en compte dans les futurs essais cliniques (à l’heure actuelle, les sujets âgés y sont sous-représentés).

Les tendances variables de l’incidence des MICI selon l’âge et le sexe donnent des pistes sur les possibles facteurs de risque de ces maladies :

  • ces résultats suggèrent que les hormones sexuelles féminines jouent probablement un rôle dans les MICI, notamment parce que des changements dans les sex-ratio ont été observés aux alentours de la puberté et de la ménopause, en particulier dans la maladie de Crohn ; la hausse du tabagisme féminin pourrait expliquer l’augmentation des cas de maladie de Crohn (facteur de risque reconnu), mais pas celle de la RCH (car le tabac y est reconnu comme un facteur plutôt protecteur) ;
  • l’augmentation de l’incidence en population pédiatrique pointe vers un possible rôle de facteurs environnementaux dans l’enfance, comme l’évolution du régime alimentaire, avec davantage d’aliments transformés, ou la hausse des comportements sédentaires.

Cependant, ces hypothèses n’ont pu être vérifiées dans cette étude, car le registre Épimad ne recueille pas les données sur les variables environnementales (statut tabagique, style de vie, contraception…) ni sur d’autres facteurs comme l’IMC ou les comorbidités.

Enfin, ces résultats ne sont pas généralisables à l’ensemble de la France ou à d’autres pays.

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