Plusieurs études épidémiologiques ont montré une association entre la santé de la mère pendant la grossesse (dépression, diabète, maladies immunitaires, infections…) et le risque de TSA pour l’enfant, suggérant une possible relation causale. Parue dans Nature, une vaste étude de cohorte nationale danoise sur plus de 1 million d’enfants remet en cause ces données, dévoilant des biais méthodologiques.

La compréhension des troubles du spectre de l’autisme (TSA) a fait des progrès spectaculaires ces dernières années, passant d’un modèle explicatif psychogénique initialement à une compréhension neurobiologique aujourd’hui. De nombreux facteurs – génétiques, anténataux et environnementaux – ont ainsi été investigués. Des études épidémiologiques ont montré que certains d’entre eux, relatifs à la santé de la mère (dépression, diabète, maladies immunitaires, infections…), étaient associés à un sur-risque de TSA pour l’enfant. Toutefois, ces études ne permettent pas d’établir une relation causale.

Dans une vaste étude de cohorte nationale danoise, des chercheurs ont analysé pour la première fois les potentiels facteurs confondants pouvant expliquer ces associations, grâce à la prise en compte du contexte familial des enfants. Ses résultats viennent de paraître dans Nature.

L’analyse de toute la fratrie estompe quasi-toutes les associations entre pathologies maternelles et TSA de l’enfant

L’étude a inclus toutes les personnes nées au Danemark entre 1998 et 2015, soit plus de 1,1 million d’enfants. Pendant le suivi d’une durée moyenne de 9,7 ans, 1,6 % d’entre eux ont reçu un diagnostic de TSA (N = 18 374 enfants).

Dans un premier temps, les chercheurs ont analysé les liens entre plus de 200 pathologies de la mère (survenues pendant la grossesse ou jusqu’à deux ans auparavant) et le diagnostic ultérieur de TSA des enfants. Après avoir ajusté les résultats pour des variables telles que l’âge de la mère, le sexe de l’enfant, le niveau économique du foyer, etc., 30 d’entre elles étaient significativement associées à un sur-risque de TSA pour l’enfant. Parmi elles : diabète gestationnel, HTA, obésité, dépression et anxiété, complications obstétricales telles que la rupture prématurée des membranes… Ces résultats convergent avec ceux d’études précédentes qui avaient déjà trouvé une association entre la plupart de ces pathologies et un sur-risque de TSA pour l’enfant.

Cependant, pour savoir si ces associations reflétaient un lien de causalité ou plutôt des facteurs confondants d’origine familiale – génétiques ou environnementaux – qui n’auraient pas été mesurés, les auteurs ont ensuite conduit deux analyses supplémentaires.

Ils ont d’abord utilisé un sous-groupe de familles ayant plusieurs enfants (pour un total d’environ 852 000 enfants), afin de comparer l’incidence des TSA chez les enfants dont la mère a eu plusieurs grossesses sans avoir forcément eu les pathologies mentionnées à chacune d’entre elles. Sur les 18 874 enfants initialement identifiés comme ayant un TSA, plus de deux tiers provenaient de fratries où au moins l’un des frères et sœurs n’avait pas un TSA. Dans ce groupe de fratries « discordantes » pour les TSA, d’autres encore étaient « discordantes » pour les pathologies observées durant la grossesse. Cette méthode a permis une analyse plus fine des liens entre ces pathologies et la probabilité de survenue d’un TSA chez les enfants d’une même famille – partageant par définition des facteurs génétiques et environnementaux.

Résultat : dans ces analyses prenant en compte les fratries, la plupart des pathologies maternelles précédemment identifiées comme à risque n’étaient plus significativement associées au TSA de l’enfant. Cela suggère que ces associations, décelées de façon observationnelle, ne sont pas causales, mais plutôt attribuables à des facteurs familiaux partagés, qu’ils soient génétiques ou environnementaux (tels que le niveau socioéconomique ou la résidence dans des zones polluées). Toutefois, certaines associations étaient davantage atténuées que d’autres : c’était le cas pour l’obésité et la dépression, contrairement aux complications de la grossesse, comme le diabète gestationnel ou l’hémorragie du post-partum, pour lesquelles l’existence de facteurs confondants familiaux est donc moins claire.

Une seconde analyse, portant sur les pères, évaluait le sur-risque de TSA des enfants en fonction des mêmes pathologies que celles identifiées pour les mères (excepté celles spécifiques à la grossesse évidemment). La plupart des associations étaient similaires à celles observées pour les pathologies maternelles – sauf pour les blessures traumatiques ou l’asthme –, suggérant aussi que ces pathologies n’ont pas un lien direct de cause à effet avec la survenue du TSA de l’enfant.

Le fait que ces facteurs de confusion familiaux, et non une causalité directe, semblent expliquer la corrélation entre diverses pathologies maternelles et le TSA des enfants est aussi appuyé par des études au niveau moléculaire, notamment des études d’association pangénomique. D’après ces dernières, les variantes génétiques associées aux TSA sont aussi impliquées dans d’autres troubles (par exemple, dépression ou schizophrénie, mais aussi des pathologies somatiques). C’est également étayé par d’autres travaux montrant que les TSA et ces autres pathologies se retrouvent souvent regroupées au sein d’une même famille.

Ces résultats ne permettent pas de conclure à l’absence d’influence de la santé maternelle sur la probabilité de l’enfant d’avoir un TSA, mais ils remettent en question le poids des pathologies de la mère relativement à d’autres facteurs possibles, génétiques ou environnementaux – qu’il s’agira donc de mieux déceler par de futures études.

Pour en savoir plus
Khachadourian V, Speleman Arildskov E, Grove J, et al. Familial confounding in the associations between maternal health and autism.Nature Med 31 janvier 2025.
Offord C. Giant study questions link between autism and maternal health.Science 31 janvier 2025.

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