Quels sont les différents types d’antiseptiques disponibles et les combinaisons possibles ?
Les différentes familles d’antiseptiques se distinguent par leur spectre d’action. Celui-ci dépend non seulement de la nature des principes actifs, de leur concentration, et de la formulation, mais aussi du temps de contact après application.
Connaître ces propriétés est important pour la pratique, d’autant plus que des interactions possibles entre les différents principes actifs rendent certains antiseptiques incompatibles entre eux, en raison d’une diminution de leur efficacité ou de la formation de produits toxiques ou irritants.
Seuls les dérivés halogénés (chlorés ou iodés) ont une action sur l’ensemble des micro-organismes (bactéries, levures, virus nus et enveloppés...), ce qui est dû à l’absence de frein à la pénétration du diiode et de l’acide hypochloreux et à leur mécanisme d’action universel, l’oxydation. Cela permet aussi d’expliquer qu’aucune résistance bactérienne n’ait été décrite à ce jour pour ces composés. Font partie de ces familles :
- l’hypochlorite de sodium : les dérivés chlorés sont toutefois incompatibles avec de nombreux produits, dont les substances acides, les composés ammoniacaux ;
- la povidone iodée, qui peut être associée à d’autres antiseptiques (alcools, notamment).
Les biguanides (dont chlorhexidine) et les ammoniums quaternaires ont des spectres plus étroits :
- la chlorhexidine est bactéricide à large spectre, très légèrement fongicide, mais inactive sur les spores, les mycobactéries et les virus. Elle est très utilisée en raison de sa facilité d’emploi et de sa compatibilité avec de nombreux autres composés, dont les tensioactifs cationiques, tels que les ammoniums quaternaires, et les alcools ; elle est toutefois incompatible avec les tensioactifs anioniques, tels que les savons et détergents anioniques, mais aussi les chlorures ou encore les alginates (pansements) ;
- les ammoniums quaternaires (dont chlorure de benzalkonium, de cétylpyridinium...) sont des bactéricides à spectre étroit (surtout bactéries à Gram positif) ; ils ne sont ni sporicides ni fongicides, et ont une action sur certains virus enveloppés mais pas sur les virus nus. Ils sont compatibles avec la chlorhexidine, les alcools, et les peroxydes, mais incompatibles avec la majorité des autres antiseptiques et désinfectants (en particulier les dérivés iodés et chlorés) et les détergents anioniques (savons). Enfin, des résistances bactériennes sont possibles et leur écotoxicité est de plus en plus reconnue.
De nombreux alcools sont utilisés pour l’antisepsie, notamment l’isopropanol et l’éthanol, puisqu’ils possèdent un large spectre, bactéricide et fongicide. Compatibles avec de nombreux composés biocides, ils sont très souvent utilisés en association, principalement à la chlorhexidine et aux produits iodés.
Les oxydants comme les solutions de peroxyde d’hydrogène (eau oxygénée), qui agissent par libération d’oxygène, sont des antiseptiques mineurs, avec un spectre semblable aux ammoniums quaternaires.
En pratique, lequel choisir selon les cas ?
Le choix d’un antiseptique est fonction :
- Du lieu d’application (peau saine ou lésée, muqueuses...) et du type de geste.
- Des précautions d’emploi, indications et contre-indications, notamment allergies (à la povidone iodée et la chlorhexidine en particulier : l’ANSM a récemment alerté sur l’augmentation des déclarations de réactions allergiques immédiates graves associées à cette dernière).
- Du profil du patient : enfant ou adulte, femme enceinte...
De façon générale et en l’absence de contre-indications, la Société française d’hygiène hospitalière (SF2H) recommande de privilégier les antiseptiques alcooliques en dehors des soins sur muqueuses et peau lésée.
L’antisepsie peut être réalisée en :
- un temps : application unique d’un antiseptique ;
- deux temps : deux applications successives d’un antiseptique ;
- quatre temps : détersion au savon, puis rinçage avec eau stérile ou sérum physiologique, puis séchage et application d’antiseptique en respectant le temps de séchage spontané.
Le tableau ci-contre détaille le type d’antiseptiques à préférer pour chacun des gestes les plus couramment pratiqués au cabinet.
Dans les soins de plaies , l’application d’un antiseptique n’est pas systématique. Le nettoyage à l’eau et au savon, ou au sérum physiologique, est à privilégier. Seules les plaies à risque infectieux élevé (morsures, terrain immunodéprimé, profondes de nettoyage difficile…) pourraient bénéficier de l’usage d’antiseptiques. Il est débattu pour les plaies aiguës (post-traumatiques ou postopératoires) puisque le risque infectieux n’est pas forcément élevé et les produits antiseptiques peuvent retarder la cicatrisation. Il doit rester exceptionnel pour les plaies chroniques (ulcères, escarres, plaies des diabétiques), infectées ou non.
Règles générales d’utilisation
Les peaux et muqueuses doivent être propres avant d’être aseptisées (les souillures diminuent l’efficacité de l’antiseptique). L’application d’antiseptique se fait du plus propre vers le plus sale, selon un mouvement en spirale.
Laisser sécher l’antiseptique avant tout geste. Utiliser une quantité suffisante, mais non excessive, de produit. Le délai de séchage est moindre avec les produits contenant de l’alcool (30 à 60 secondes).
Les antiseptiques alcooliques ne peuvent être utilisés que sur une peau saine et sont inflammables.
Pour tout antiseptique :
- privilégier les petits conditionnements ;
- noter la date d’ouverture sur le flacon ;
- respecter les règles de conservation : ranger les flacons à l’abri de la lumière et de la chaleur, les fermer après chaque utilisation, ne pas ôter les bouchons réducteurs et ne pas toucher l’ouverture du flacon ;
- ne pas reconditionner les produits ;
- respecter les règles d’utilisation : incompatibilités, dilutions, temps de contact ;
- respecter les délais d’utilisation maximum recommandés.
De façon générale, un emploi à bon escient est recommandé, en raison de leur effet inhibiteur sur le processus de cicatrisation et du risque de sensibilisation, mais aussi de l’émergence possible des résistances. Bien que l’effet clinique de la diminution de la sensibilité bactérienne à ces produits reste mal connu, cette diminution est bien décrite dans la littérature ; c’est pourquoi, dans les gestes quotidiens (hors soins), le lavage des mains à l’eau et au savon doit être préféré sur la friction avec solution hydroalcoolique.
Restrictions d’usage
Certaines restrictions d’usage s’appliquent pour des populations particulières :
- nouveau-nés et prématurés : préférer la chlorhexidine faiblement alcoolisée associée à un ammonium quaternaire ou à un antiseptique chloré ;
- enfants de 1 à 30 mois : chlorhexidine faiblement alcoolisée associée à un ammonium quaternaire, antiseptiques chlorés ou chlorhexidine alcoolique ;
- femme enceinte : la povidone iodée ne doit pas être utilisée de façon prolongée durant les 2e et 3e trimestres de la grossesse, selon le RCP.
Hoppenot I. Quels antiseptiques au cabinet médical ? Vidal 12 décembre 2024.
SF2H. Bonnes pratiques essentielles en hygiène à l’usage des professionnels de santé en soins de ville. Novembre 2015.
HAD Vendée. Règles de bon usage des antiseptiques. 2 octobre 2019.
URPS PACA. Les antiseptiques et les désinfectants. 25 novembre 2015.
CCLIN Sud-Ouest. Le bon usage des antiseptiques pour la prévention du risque infectieux chez l’adulte. 2013.
Buxeraud J, Faure S. Les antiseptiques. Actu Pharma 2019;58(587);24-6.