Les dernières recommandations de bonne pratique de la Haute Autorité de santé et du comité des troubles mictionnels de l’homme (Association française d’urologie) s’intègrent dans le parcours de soin des patients de sexe masculin ayant des symptômes du bas appareil urinaire (SBAU) et concernent le bilan à réaliser avant traitement.1 En effet, si l’hyperplasie bénigne de la prostate (HBP) existe à des degrés divers chez la plupart des hommes, elle n’est responsable de symptômes ou de complications que chez peu d’entre eux. Dans la plupart des cas, elle coexiste avec d’autres pathologies vésicales ou générales qui peuvent également conduire à des SBAU mais nécessitent des prises en charge différentes, parfois non urologiques. Les recommandations sont résumées dans la figure 1 ; l’intégralité du texte peut être consulté en ligne (https ://bit.ly/3WfpM6B).

Symptômes du bas appareil urinaire chez l’homme : de qui et de quoi parle-t-on ? 

Les patients concernés par les SBAU sont âgés de 50 ans et plus, avec : 

  • des troubles mictionnels aux phases de remplissage, mictionnelle ou post-mictionnelle ;
  • une complication en lien avec un trouble de vidange du bas appareil urinaire (rétention d’urine aiguë ou chronique, complication infectieuse, calcul, diverticule…).

Les patients ayant déjà un diagnostic de SBAU en lien avec une pathologie neurologique centrale (accident vasculaire cérébral, blessure médullaire, sclérose en plaques, maladie de Parkinson…) ou périphérique, une sténose de l’urètre ou tumeur de la vessie ne sont pas concernés par ces recommandations. 

Bilan initial par le médecin généraliste

Le bilan initial des SBAU de l’homme adulte relève d’abord de la consultation en médecine générale pendant laquelle il est recommandé de procéder à un interrogatoire, à un examen clinique et à quelques examens complémentaires.

Le recours à l’urologue est proposé en seconde intention, selon les résultats du bilan initial.

Éléments à recueillir à l’interrogatoire

Il est recommandé de rechercher un syndrome métabolique et des facteurs de risque cardiovasculaire (grade C) ainsi que les antécédents médicaux susceptibles d’entraîner des troubles urinaires comme un diabète (grade C), des troubles du sommeil (grade C), une anxiété (grade C) ou la prise d’un traitement pouvant favoriser les troubles urinaires (accord d’experts).

Il est recommandé d’évaluer les SBAU (phases de remplissage, mictionnelle et post-mictionnelle), la qualité de vie urinaire et la fonction sexuelle par des autoquestionnaires validés ou par un interrogatoire structuré (accord d’experts). Le questionnaire de référence est l’International Prostate Symptom Score (IPSS) [grade B]. L’utilisation de questionnaires simplifiés tels que le score visuel prostatique (VPSS) peut être proposée, en complément ou comme alternative, notamment en cas de difficulté de compréhension de la part du patient (grade C).

Examen physique et calendrier mictionnel

Il est recommandé de réaliser un examen physique de l’abdomen, du plancher pelvien, des fosses lombaires, des organes génitaux externes et de la prostate (accord d’experts). Le toucher rectal (réalisé par un praticien expérimenté) permet d’estimer le volume prostatique et participe au dépistage du cancer (accord d’experts) ; il ne dispense cependant pas de la réalisation d’un examen d’imagerie pour évaluer le volume prostatique lorsque cela est nécessaire (accord d’experts).

En cas de symptômes prédominants à la phase de remplissage, il est recommandé de réaliser un calendrier mictionnel (grade C), sur une période de soixante-douze heures pour que son interprétation soit utile (accord d’experts).

Examens de biologie

En premier lieu, une bandelette urinaire et/ou un examen cytobactériologique des urines (ECBU) sont prescrits, à la recherche d’une hématurie, d’une leucocyturie ou d’une glycosurie (accord d’experts).

La fonction rénale est également évaluée en cas de facteurs de risque d’insuffisance rénale, de rétention urinaire aiguë ou chronique, ou d’anomalies morphologiques du haut appareil urinaire (accord d’experts). La répétition de l’évaluation de la fonction rénale n’est pas recommandée chez un patient ayant un suivi médical régulier (grade C).

Le dosage de l’antigène spécifique de la prostate (PSA total) peut être proposé à tout patient qui consulte pour des SBAU, et en particulier en cas de suspicion clinique de cancer de la prostate, en respectant les recommandations du comité de cancérologie de l’Association française d’urologie (CCAFU) [grade C].1 

Examens d’imagerie  

Ce qu’il faut faire

Une évaluation du résidu post-mictionnel (RPM) par une mesure non invasive (échographie abdominale ou mesure automatisée) est recommandée (grade C). Les conditions de réalisation de la mesure du RPM, notamment la réplétion vésicale et les conditions de vidange (miction aux toilettes, au besoin répétée), doivent être les plus physiologiques possibles. Un RPM est considéré comme significatif lorsqu’il dépasse le tiers du volume vésical prémictionnel (accord d’experts).

Par ailleurs, la réalisation d’une échographie de l’ensemble de l’appareil urinaire par un praticien habilité est recommandée afin d’évaluer le volume prostatique, la morphologie de la prostate, de la vessie et du haut appareil urinaire, ainsi que le RPM (accord d’experts).

Ce qu’il ne faut pas faire

La réalisation d’une échographie prostatique endorectale en première intention, compte tenu de son caractère invasif, n’est pas recommandée (accord d’experts). Elle doit être réservée aux situations préthérapeutiques pour lesquelles une estimation précise du volume prostatique est nécessaire (grade C).

Le scanner ou l’IRM ne sont pas des examens recommandés (accord d’experts). Si une IRM est réalisée dans le cadre du diagnostic précoce d’un cancer de la prostate, elle peut permettre d’estimer le volume prostatique mais elle ne doit pas être réalisée dans ce seul objectif.

Orienter à bon escient

À la suite du bilan initial, plusieurs situations nécessitent d’orienter le patient vers l’urologue (accords d’experts) : 

  • présence d’une hématurie macroscopique, d’une infection urinaire récidivante ou de douleurs périnéales et/ou sus-pubiennes persistantes ;
  • présence d’une hématurie microscopique ou de leucocyturie persistantes en dehors d’un contexte d’infection urinaire ;
  • symptômes prédominants de la phase de remplissage ;
  • anomalies de l’examen des organes génitaux externes ou suspicion de cancer de la prostate ;
  • présence de globe vésical, calculs de l’appareil urinaire, d’urétéro-hydronéphrose ou d’anomalies morphologiques de la prostate ou de l’appareil urinaire.

Évaluation complémentaire avant instauration du traitement médical 

Il est recommandé d’actualiser les données du bilan initial si celui-ci est trop ancien (accord d’experts).

Par l’interrogatoire et l’examen clinique

Il est recommandé d’éliminer les contre-indications et risques d’interactions médicamenteuses, en particulier chez la personne âgée (accord d’experts).

Si cela n’a pas été fait lors du bilan initial, il est recommandé d’évaluer les symptômes urinaires (phases de remplissage, mictionnelle et post-mictionnelle), la qualité de vie urinaire et la fonction sexuelle par des autoquestionnaires validés ou par un interrogatoire structuré (accord d’experts).

Examens préthérapeutiques inutiles

Il n’est pas recommandé de tenir compte de l’intensité des SBAU ou d’éléments morphologiques comme l’indice de protrusion prostatique, l’épaisseur du détrusor ou le poids estimé de la vessie à  l’échographie pour exclure la mise en route d’un traitement médical en première intention (grade C).

Il n’est pas non plus recommandé de réaliser de manière systématique des examens invasifs (cystoscopie, bilan urodynamique, échographie par voie endo-rectale) [accord d’experts].

Quand orienter vers l’urologue après mise en place du traitement ?

Les recommandations indiquent que l’orientation du patient vers un urologue doit se faire dans les situations suivantes :

  • inefficacité du traitement médical (accord d’experts) ou persistance d’un résidu post-mictionnel significatif après mise en route d’un traitement médical (accord d’experts) ;
  • complication (globe vésical, calculs de l’appareil urinaire, urétéro-hydronéphrose ou anomalies morphologiques de la prostate ou de l’appareil urinaire).

Encadre

Que dire à vos patients ? 

En cas de symptômes du bas appareil urinaire, le médecin généraliste réalise un premier bilan avant la mise éventuelle sous traitement.

En présence de symptômes du bas appareil urinaire en lien avec une pathologie neurologique, une sténose de l’urètre ou une tumeur de la vessie, la prise en charge doit être assurée par un urologue.

En cas d’inefficacité du traitement médical ou de persistance d’un résidu post-mictionnel significatif après mise en route d’un traitement médical, il est nécessaire de consulter un urologue. 

Référence 
1. Ploussard G, Roubaud G, Barret E, et al. French AFU Cancer Committee Guidelines - Update 2022-2024: Prostate cancer - Management of metastatic disease and castration resistance. Progr Urol 2022;32:1373–1419.
Pour en savoir plus  
 HAS. Label - Bilans préthérapeutiques des troubles mictionnels de l’homme adulte : modalités et acteurs. Recommandation de bonne pratique. 2 mai 2024.  https://bit.ly/3WfpM6B 

Dans cet article

Ce contenu est exclusivement réservé aux abonnés
essentiel

La Haute Autorité de santé et le comité des troubles mictionnels de l’homme ont récemment publié des recommandations concernant le bilan préthérapeutique des symptômes du bas appareil urinaire de l’homme.

Les patients concernés par ces recommandations sont les hommes âgés de plus de 50 ans ayant des troubles mictionnels ou une complication en lien avec un trouble de vidange du bas appareil urinaire.

Le bilan initial, réalisé par le médecin généraliste, doit comprendre un interrogatoire ; un examen physique (abdomen, plancher pelvien, fosses lombaires, organes génitaux externes et prostate) ; une bandelette urinaire ou un ECBU et des examens d’imagerie (évaluation du résidu post-mictionnel et échographie de l’appareil urinaire).