L’alcool est responsable de plus de 40 000 décès par an, soit environ 7 % de la mortalité. Et comme si l’impact sanitaire était insuffisant à convaincre de sa nocivité, son coût social net (mortalité et morbidité qui lui sont attribuables) était estimé à 102 milliards d’euros en France en 2019 par l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT).1 

Or, il s’agit de la première substance addictive expérimentée à l’adolescence. En 2022, 43,4 % des collégiens avaient déjà bu au moins une fois une boisson alcoolisée au cours de leur vie. Si ce taux d’expérimentation a diminué de 17 points par rapport à 2018 (confinement pandémique oblige ?), l’ivresse (10 %), l’usage récent (plus de 20 %) et l’usage régulier (plus de 2 %) sont restés stables. L’alcool est également le toxique le plus fréquemment consommé par les lycéens, à l'âge de l’intensification des consommations. Plus d’un tiers des lycéens déclaraient en 2022 une alcoolisation ponctuelle importante (au moins 5 verres d’alcool en une seule occasion) dans le mois précédent. Cependant, les chiffres concernant la consommation régulière d’alcool ont aussi diminué dans cette tranche d’âge entre 2018 et 2022 (de 16,7 à 5,3 %).2 

Ce désamour – très relatif – inquiète la filière… Vignerons et négociants cherchent à reconquérir le marché des jeunes consommateurs : vin en cocktails, en canettes, en vente directe, messages d’influenceurs, cuvées inspirées de séries… toutes les pistes sont évoquées sans retenue !3

Autre façon pour les vendeurs d’alcool de convaincre les plus jeunes : s’acheter une image valorisante et positive… Et quoi de mieux pour cela que le milieu sportif, populaire auprès des jeunes et valorisé par la société ?

Christopher J. Graham signait récemment un éditorial dans The Lancet sur la normalisation de la consommation d’alcool en Europe et notamment sur le rôle du mécénat alcoolier dans les clubs de sport.4 Il y revenait sur une enquête réalisée en 2022 au sein du milieu footballistique masculin professionnel dans dix pays européens, révélant que 129 des 178 équipes interrogées avaient au moins un lien financier avec l’industrie de l’alcool. 

En France, l’article 49 - 1 - 2 de la loi Évin interdit la vente d’alcool dans les enceintes sportives. Elle interdit également toute publicité sur les sites internet en lien avec le sport, mais elle n’interdit pas à un producteur d’alcool d’être sponsor d’une compétition sportive (il ne peut, en revanche, pas faire de communication commerciale évoquant ce statut de sponsor). 

Une réglementation renforcée du marketing de l’alcool en général, et du parrainage sportif en particulier, serait nécessaire pour protéger les plus jeunes. On connaît en effet leur perméabilité aux messages publicitaires, dans un contexte de particulière sensibilité à la neurotoxicité de l’alcool, et sachant que plus l’initiation est précoce, plus le risque de dépendance et de survenue de problèmes de santé à l’âge adulte est élevé.

Chercheurs et experts rappellent régulièrement cette nécessité d’adopter des mesures limitant l’accessibilité au produit et la publicité en faveur de l’alcool, d’amplifier les dispositifs de marketing social informant sur les risques de l’alcool, de mettre en place des actions de prévention, en étant particulièrement vigilant aux profils plus à risque et plus vulnérables.5 

Mais si l’amplification des campagnes est inscrite dans la stratégie interministérielle de mobilisation contre les conduites addictives 2023 - 2027 et dans la stratégie décennale de lutte contre les cancers (feuille de route 2021 - 2025), la vigilance reste de mise. De fait, les propositions visant à instaurer un prix minimal par unité d’alcool n’avaient pas été retenues dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2024. Et la campagne Dry January de Santé publique France n'a pas été soutenue par le ministère de la Santé ces dernières années. Le nouveau ministre Yannick Neuder a déclaré y participer à titre personnel. Gageons que cela soit bon signe !