L’ostéopathie, bien qu’existant depuis le XIXe siècle, n’est devenue quasi incontournable que depuis une ou peut-être deux décennies. Est-ce parce que les médecins généralistes sont disponibles moins rapidement ? Est-ce parce que les ostéopathes sont plus nombreux ? Est-ce parce que les patients sont en recherche d’une approche plus globale, moins cartésienne, avec davantage de contacts physiques ? Quelles qu’en soient les raisons, un nombre croissant de patients consultent « leur » ostéo, avant de voir « leur » médecin.
Cette discipline n’étant absolument pas intégrée dans les études de médecine, on apprend à composer avec, dans notre pratique quotidienne. Appartenant aux médecines dites « non conventionnelles » – son efficacité n’est pas démontrée scientifiquement –, elle peut pourtant être tout à fait profitable pour la prise en charge de certains de nos patients douloureux.
Je ne suis pas là pour juger de la pertinence du recours par les patients à cette technique, ni de la validité de la formation. Je peux, en revanche, attester du bienfait qu’en retirent un certain nombre de malades !
Alors, certes, on tique un peu quand le patient vient car « l’ostéo a dit que la vertèbre était déplacée » ou que « le foie était saturé et devait être détoxifié » (eh non ! c’est le foie, justement, qui détoxifie…), mais, de nos jours, ignorer ces pratiques, c’est passer complètement à côté du ressenti du patient.
De plus, les ostéopathes sont parfois tellement plus efficaces que nous ! Combien de patients ont été sauvés d’un lumbago hyperalgique presque de façon magique, alors qu’avec nos médications diverses (AINS, décontracturants musculaires, ceinture lombaire, conseils de marcher, arrêt de travail le plus court possible [pour répondre aux injonctions de la Sécurité sociale]), on les soulage à peine au bout d’une semaine et parfois plus…
Par ailleurs, il faut souligner qu’à l’heure où la prise en charge du patient est de plus en plus fragmentée, à l’heure où l’on parle de médecine d’organes, à l’heure où l’on dispose d’examens d’imagerie de plus en plus performants et ciblés, l’ostéopathie (du moins, de la façon dont je la perçois) a le mérite de considérer le patient dans son ensemble, arrivant parfois à associer des symptômes en apparence sans lien les uns avec les autres.
Je reste convaincue que le médecin généraliste doit garder sa place de premier recours et être l’intervenant initial pour démarrer la prise en charge d’un problème médical quel qu’il soit. Je ne sais pas si -l’ostéopathie, et d’autres techniques non conventionnelles, auront un jour leur place dans l’evidence-based medicine. Néanmoins, je sais que les patients n’ont pas besoin de notre autorisation pour consulter qui bon leur semble : c’est leur -santé, leur corps, leurs problèmes. J’ai donc appris à essayer de ne pas critiquer ce qui reste du domaine de la liberté de soins des personnes.
Une question reste toutefois non résolue à mes yeux : comment un même patient qui a parfois du mal avec l’idée qu’un reste à charge soit nécessaire pour ses soins médicaux accepte sans broncher de dépenser 60 euros (tarif moyen d’un ostéopathe) qui sont entièrement à sa charge ?
Comment la représentation que se fait le patient du coût de sa santé peut-elle être diamétralement opposée entre ces deux types de consultation, pourtant assez similaires en matière d’accès ?
Les consultations médicales « conventionnelles » doivent évidemment continuer à être remboursées, mais on envie parfois les professionnels à qui on ne peut réclamer aucune ordonnance…