« Le délire jaillit violemment avec l’instantanéité d’une inspiration » (Valentin Magnan, 1893). 

La bouffée délirante aiguë (BDA) correspond à un état psychotique aigu d’apparition brutale et transitoire dont la durée est inférieure à un mois. Elle survient en dehors de toute cause organique, généralement chez l’adolescent ou l’adulte jeune, et se distingue par le caractère polymorphe des thèmes et des mécanismes délirants. Bien connue de la nosographie psychiatrique française, il s’agit d’une entité non reconnue dans les classifications anglo-saxonnes, dans lesquelles les termes « troubles psychotiques aigus et transitoires » ou « trouble psychotique bref » sont préférés.

Un diagnostic clinique

Le diagnostic est porté devant un tableau délirant d’apparition brutale comme « un coup de tonnerre dans un ciel serein ». La BDA survient brusquement chez une personne n’ayant jamais manifesté de problème psychiatrique de ce type auparavant. Il peut exister quelques prodromes non spécifiques les jours précédant l’éclosion du délire, comme des troubles du sommeil, une irritabilité, des variations de l’humeur. 

Le symptôme le plus caractéristique d’une BDA est le délire. Ce délire est dit « polymorphe », c’est-à-dire avec des thèmes et des mécanismes multiples, changeants et d’intensité variable. Concernant les thématiques délirantes, il peut s’agir d’idées de persécution, de grandeur, mystiques, d’influence, de possession. Les mécanismes sont également variés : intuitifs, interprétatifs (interprétation fausse de données normalement perçues), imaginatifs, illusionnels (perceptions déformées) et surtout richement hallucinatoires (perceptions fausses). Tous les sens peuvent être affectés par les phénomènes hallucinatoires : hallucinations auditives (acoustico-verbales, intrapsychiques), visuelles, olfactives, gustatives, cénesthésiques (corporelles), automatisme mental (pensées diffusées, vol de la pensée, pensées insérées). 

Le plus souvent, l’adhésion aux idées délirantes est forte, voire totale (non accessible au raisonnement ou à la critique), générant beaucoup d’angoisse et exposant le patient à des troubles du comportement auto- et/ou hétéro-agressifs. La conscience peut être légèrement obnubilée ; toutefois, il n’y a pas de confusion à proprement parler. L’humeur est généralement altérée aussi bien dans le sens de l’exaltation que de la dépression. Ces manifestations peuvent être accompagnées d’un sentiment de dépersonnalisation (impression de ne plus être soi-même) et/ou de déréalisation (sentiment que le monde environnant est bizarre). Ce délire est non systématisé, sans structuration logique explicative des idées.

Trois modes d’évolution possibles

Avec un traitement adapté, la résolution de l’épisode survient généralement en quelques semaines (parfois quelques jours, plus rarement quelques mois). Le sujet reprend peu à peu conscience de la réalité, il perçoit le caractère pathologique de son délire, qu’il critique. Cette BDA peut être un épisode unique et isolé dans la vie du patient. Elle peut aussi constituer un mode d’entrée dans un trouble schizophrénique ou un trouble bipolaire. Schématiquement, l’évolution d’une BDA se fait :

  • dans 25 % des cas, vers une résolution complète et définitive ;
  • dans 25 % des cas, vers des récidives à plus ou moins long terme, chaque accès ayant la même valeur qu’un épisode unique ;
  • dans 50 % des cas, vers un trouble chronique dont un tiers de schizophrénies, un tiers de psychoses non schizophréniques et un tiers de troubles bipolaires.

Très souvent, c’est l’évolution de la BDA qui permet de poser un diagnostic de certitude. Toutefois, certains facteurs pronostiques peuvent orienter vers une évolution plus ou moins favorable (tableau 1).

Prise en charge immédiate : hospitalisation quasi systématique

Il s’agit d’une urgence psychiatrique qui impose dans la quasi-totalité des cas une hospitalisation. Du fait d’une adhésion forte au délire, les sujets sont le plus souvent hospitalisés sous contrainte (tableau 2). Il faut, en premier lieu, éliminer une cause organique en réalisant systématiquement une imagerie cérébrale (IRM) et un bilan sanguin. Un hémogramme complet, une glycémie, un ionogramme sanguin incluant la calcémie, une saturation artérielle en oxygène, un test de grossesse chez les femmes en âge de procréer sont généralement recommandés, associés, selon la clinique, à un test VIH et/ou une sérologie syphilis. Le bilan thyroïdien doit aussi idéalement être réalisé. 

La recherche de toxiques dans le sang et les urines est également recommandée. Les facteurs précipitants, comme l’exposition à un stress, la prise de toxiques (acide lysergique diéthylamide [LSD], cannabis, cocaïne, amphétamines...), la prise de médicaments (antidépresseurs, corticoïdes, antituberculeux...), des antécédents personnels ou familiaux de pathologies psychiatriques, doivent également être dépistés. 

Un traitement par antipsychotique doit être rapidement instauré et permet une résolution des troubles le plus souvent en quelques jours à quelques mois. Les antipsychotiques de deuxième génération ou atypiques sont recommandés en première intention (à l’exception de la clozapine). Une première prescription à posologie basse est recommandée, avec une augmentation lente jusqu’à une première posologie cible. À titre d’exemple et parmi les plus utilisés, il est possible de débuter le traitement par rispéridone (1 à 4 mg/j), olanzapine (5 à 10 mg/j), aripiprazole (5 à 10 mg/j). Par la suite, une augmentation par paliers jusqu’à la dose minimale efficace doit être effectuée. 

En cas d’anxiété ou d’agitation, il est recommandé d’y associer des benzodiazépines (par exemple, le diazépam 5 mg, 2 ou 3 fois par jour, jusqu’à 30 mg/j dans les cas sévères) ou de la cyamémazine (entre 50 et 300 mg/j). Des psychothérapies (de type soutien ou thérapies comportementales et cognitives) peuvent être proposées en association au traitement médicamenteux, ainsi qu’un accompagnement des proches. Le traitement doit se poursuivre avec surveillance en consultation pendant au moins douze à dix-huit mois après la rémission symptomatique ; l’arrêt doit se faire progressivement. En cas d’évolution vers la schizophrénie, cette prescription peut être prolongée. 

Pour en savoir plus 
Vignat JP. La bouffée délirante : causes, symptômes et traitements. Soins Psychiatr 2014;35(291):12-5. HAS. Schizophrénie à début précoce. 2022.
Stephen A, Lui F. Brief Psychotic Disorder. 2023. In: StatPearls [internet]. Treasure Island (FL):
StatPearls Publishing; 2025.

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