Nature, déca, avec ou sans sucre ?
Une étude chinoise, parue en août 2024 dans l’American Journal of Clinical Nutrition, a recherché des associations entre le type de café consommé (« nature » – c’est-à-dire caféiné sans sucre ni additifs, qu’ils soient sucrés ou non) et le risque de maladie d’Alzheimer et de maladie apparentée, le risque de maladie de Parkinson, et la mortalité liée à ces pathologies. Pour ce faire, les auteurs ont scruté la grande cohorte prospective UK Biobank, qui a inclus environ 500 000 patients de 40 à 69 ans au Royaume-Uni entre 2006 et 2010. Les patients sélectionnés n’étaient pas atteints de démence à l’inclusion, et avaient rempli au moins cinq fois dans l’année un questionnaire nutritionnel, renseignant et quantifiant leur consommation de café sur un jour. Les participants ont été répartis en cinq groupes selon leur consommation de café (0 tasse/jour, 0 - 1 tasse/jour, 1 - 2 tasses/jour, 2 - 3 tasses/jour, plus de 3 tasses/jour).
Sur un suivi médian de 9 ans de 204 847 participants (55,3 % de femmes), l’étude a documenté 1 696 cas de maladie d’Alzheimer ou apparentée, 1 093 cas de maladie de Parkinson et 419 décès liés à des maladies neurodégénératives.
Par rapport aux non-consommateurs, les personnes buvant le plus de café nature (plus de 3 tasses/jour) avaient un moindre risque de maladie d’Alzheimer ou apparentée (hazard ratio (HR) = 0,75 ; IC95 % = [0,62 ; 0,91]), ainsi que de maladie de Parkinson (HR = 0,71 ; IC95 % = [0,56 ; 0,91]). Toutefois, la diminution du risque n’était pas significative pour la mortalité (HR = 0,67 ; IC95 % = [0,44 ; 1,01]). Ces résultats n’ont pas été retrouvés chez les autres amateurs de café. Les auteurs en déduisent qu’une consommation élevée de café nature est associée à une diminution des risques de développer ces deux maladies neurodégénératives.
Cette notion d’un café nature protecteur, d’autant plus s’il est bu en plus grande quantité, se retrouve aussi dans une analyse publiée mi-mai dans le Journal of Nutrition , ayant évalué la relation entre consommation de café et mortalité.
Cette étude a suivi une cohorte prospective étatsunienne d’adultes de 20 ans ou plus, ayant renseigné leur ingestion de café sur un jour (N = 46 222 ; 51,0 % de femmes, âge moyen de 47,3 ans ± 0,2 ans d’erreur-type). Sur un suivi médian de 9,3 à 11,3 ans, 7 074 décès ont eu lieu. Boire plus de café nature ou peu sucré était associé à une mortalité plus faible par rapport aux non-buveurs (pour < 1 tasse/jour, HR = 0,89 avec IC95 % = [0,78 ; 1,02] ; pour 1 - 2 tasses/jour, HR = 0,84 avec IC95 % = [0,77 ; 0,92] ; pour 2 - 3 tasses/jour, HR = 0,83 avec IC95 % = [0,75 ; 0,93] ; pour > 3 tasses/jour, HR = 0,85 avec IC95 % = [0,77 ; 0,95]). Les auteurs en déduisent que les bénéfices du café sont limités par l’ajout de sucre ou d’acides gras saturés.
Matin vs journée
Si le café « nature » semble donc bénéfique, y a-t-il un moment idéal pour le déguster afin d’en tirer ses bienfaits ? Une étude américaine parue début janvier dans l’European Heart Journal le suggère. Elle s’est intéressée à l’importance relative du moment de la journée où le café est bu. Pour déterminer plus précisément s’il existait des schémas-types de buveurs de café, et si l’horaire d’ingestion de la boisson avait une importance sur la mortalité, des chercheurs américains ont étudié une cohorte prospective (40 725 adultes prenant ou non du café). Deux schémas émergent de ces analyses : les « buveurs du matin » (36 % des participants de la première cohorte) et les « buveurs en journée », qui peuvent consommer du café à tout moment (14 % des participants de la première cohorte).
Durant un suivi médian de 9,8 ans (écart interquartile = 9,1 ans), 4 295 décès ont été recensés. Après avoir ajusté le risque de mortalité en tenant compte de la consommation de café caféiné et décaféiné, des heures de sommeil et d’autres facteurs confondants classiques (âge, sexe, ethnicité, niveau éducatif, diabète, hypertension, tabagisme, etc.), les auteurs trouvent que les « buveurs du matin » ont un risque de mortalité plus faible que les « buveurs en journée », aussi bien en ce qui concerne la mortalité toutes causes confondues (HR = 0,84 ; IC95 % = [0,74 ; 0,95]) que la mortalité cardiovasculaire (HR = 0,69 ; IC95 % = [0,55 ; 0,87]).Le café du matin pourrait donc avoir des bénéfices cardiovasculaires.
Dans l’ensemble, ces études dessinent ainsi le portrait-robot du « café idéal » : nature, pris de préférence le matin.
Pas d’excès
Cependant, siroter du café n’est pas anodin. Ce dernier peut entraîner des effets indésirables (anxiété, qualité du sommeil potentiellement affectée dès 100 mg/jour de caféine, palpitations), notamment après une consommation excessive – un cas de figure qui concerne une proportion importante en France, selon l’Anses. L’agence rapporte que 30 % de la population adulte et 1 à 2 % des enfants et adolescents dépassent le seuil de caféine considéré comme générateur d’anxiété – correspondant à l’apport en caféine d’environ 6 expressos. Certaines maladies s’accompagnent en outre d’une métabolisation ralentie de la caféine qui majore ces effets indésirables, rappelle l’Anses.
De son côté, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) précise que des doses individuelles de caféine jusqu’à 200 mg/jour toutes sources confondues (sachant qu’un expresso de 60 mL en contient environ 80 mg) ne soulèvent pas de problème de sécurité pour l’adulte ou l’enfant en bonne santé (jusqu’à 400 mg/jour pour les adultes en bonne santé, à l’exception des femmes enceintes).
Attention aux interactions
La caféine sous forme de café, mais aussi de thé ou de soda, est à éviter lors de la prise de certains médicaments , comme la plupart des fluoroquinolones. Ces derniers diminuent l’élimination de la caféine de l’organisme, augmentant sa demi-vie et provoquant ainsi son accumulation, avec de potentiels effets toxiques à la clé (palpitations cardiaques, nausées et hallucinations). De même, la demi-vie de la caféine est augmentée de 40 % lors de la prise des contraceptifs oraux. Plusieurs traitements cardiovasculaires comme le diltiazem ou le vérapamil augmentent dans une moindre mesure cette demi-vie, de même que certains antifongiques (fluconazole, kétoconazole). Par ailleurs, la caféine doit être évitée sous théophylline, qui est une substance chimique proche de la caféine. Enfin, quelques médicaments interagissent avec la caféine en diminuant sa demi-vie, comme la fluvoxamine ou l’oméprazole.
Zhou B, Ruan M, Pan Y, et al. Coffee Consumption and Mortality Among U.S. Adults: A Prospective Cohort Study. J Nutr 2025;155(7);P2312-21.
Wang X, Ma H, Sun Q, et al. Coffee drinking timing and mortality in US adults. Eur Heart J 2025;46(8);P749-59.