L’activité physique est recommandée en prévention primaire et secondaire des cancers. La prescription d’activité physique adaptée (APA) est ainsi actuellement codifiée par la HAS pour les patients atteints de cancers du sein, de la prostate ou colorectal. En effet, pour ces localisations, pratiquer une activité physique a été associé, dans des études observationnelles, à une réduction de la mortalité (toutes causes et liée au cancer) et du risque de récidive.
Néanmoins, il n’existait aucune étude randomisée évaluant l’effet d’un programme structuré d’APA après le traitement sur la survie à long terme des patients. C’est chose faite, grâce à l’essai CHALLENGE, mené dans 55 centres (au Canada et en Australie principalement) chez des patients atteints d’un cancer colorectal, dont les résultats ont été récemment publiés dans le NEJM.
Entre 2009 et 2024, les chercheurs ont recruté 889 personnes (âge médian : 61 ans ; 51 % de femmes) ayant un diagnostic d’adénocarcinome du côlon de stade III ou stade II à haut risque. Tous les participants avaient été traités par une résection chirurgicale et une chimiothérapie adjuvante dans les 2 à 6 mois précédant l’inclusion. Ils ont tous également rapporté ne pas déjà pratiquer les 150 minutes d’activité physique modérée à intense recommandées par l’OMS.
Les chercheurs les ont ensuite aléatoirement assignés soit au groupe APA (N = 445) soit au groupe contrôle (N = 444). Les personnes de ce dernier groupe ont seulement reçu du matériel d’éducation générale promouvant l’activité physique et une alimentation saine. Ceux du groupe APA ont reçu, en plus de ce même matériel, un guide d’exercice développé spécifiquement pour les patients traités pour un cancer colorectal et participaient aussi à un programme d’APA et de soutien comportemental structuré durant 3 ans.
La survie sans maladie, définie comme l’absence de récidive, nouveau cancer ou décès toutes causes, était le critère principal de jugement. Les critères secondaires comprenaient la survie globale et l’évolution de critères tels que la fonction cardiorespiratoire ou le poids.
Un programme d’APA sur 3 ans
Le programme d’APA se déroulait en trois phases : la première (6 mois) comportait 24 séances obligatoires d’APA supervisées en présentiel – la moitié obligatoire et l’autre moitié recommandée –, en plus de 12 séances obligatoires en présentiel de soutien au changement comportemental ; la deuxième (6 mois) consistait en 12 séances de soutien comportemental en distanciel ou présentiel, éventuellement combinée à de l’APA supervisée dans ce dernier cas ; enfin, lors la troisième (2 ans), les participants assistaient à une séance mensuelle de soutien comportemental +/- APA.
L’objectif général du programme était de promouvoir la pratique d’un exercice aérobique d’intensité modérée à minimum, équivalent à 45 à 60 min de marche rapide 3 à 4 fois par semaine, mais le choix du type d’exercice, sa durée et son intensité était laissé à chaque participant.
L’observance des patients du groupe APA était élevée durant la première phase (autour de 80 % ont participé aux séances de soutien comportemental ou d’activité physique), mais a ensuite diminué par la suite, pour atteindre environ 45 à 65 % selon les séances lors de la dernière phase. À la fin du programme, certains paramètres des fonctions cardiorespiratoire et physique étaient améliorés dans le groupe APA, mais ni le poids corporel ni le tour de taille n’étaient significativement différents chez ces participants par rapport aux contrôles.
L’APA diminuerait de 37 % la mortalité après traitement
À l’issue d’un suivi de durée médiane de 7,9 ans, l’APA avait réduit de 28 % le risque de récidive, nouveau cancer ou décès toutes causes (HR = 0,72 ; IC95 % : 0,55 à 0,94 pour le groupe APA comparé au groupe contrôle ; p = 0,02). À 5 ans, la survie sans maladie était 6,4 points de pourcentage supérieurs dans le groupe APA (80,3 %, contre 73,9 % dans le groupe contrôle) ; la différence était de 7,1 points à 8 ans.
Concernant la survie globale, l’analyse a montré que l’APA avait réduit le risque relatif de décès de 37 % (HR = 0,63 ; IC95 % : 0,43 à 0,94). Les décès sans récidive ou nouveau cancer n’ont pas montré de différence significative entre les deux groupes, ce qui suggère que la réduction de la mortalité provient d’une amélioration des résultats liés plus précisément au cancer.
Des effets secondaires musculosquelettiques (douleurs articulaires, lombalgie…) ont été constatés chez 18,5 % des patients du groupe APA contre 11,5 % des contrôles. Dans le groupe APA, seulement 10 % d’entre eux ont été jugés comme directement liés à l’activité physique.
Les auteurs en concluent qu’un programme d’APA initié après la chimiothérapie adjuvante est efficace en prévention secondaire pour améliorer la survie des patients traités pour un cancer colorectal, et devrait à ce titre être pleinement inclus dans les soins standard. Les mécanismes de ce bénéfice ne sont pas encore clairs, mais pourraient inclure une réduction de l’inflammation, une amélioration du fonctionnement du système immunitaire ou encore un effet régulateur des facteurs contribuant à la prolifération des tumeurs tels que l’insuline. Des échantillons sanguins prélevés sur les participants sont en cours d’analyse pour éclaircir cette question.
Cependant, certains aspects limitent la généralisation de ces conclusions. Par exemple, il est difficile de discerner l’effet de l’activité physique elle-même de celui de l’attention accrue reçue par les patients dans le cadre de ce programme – d’autant plus que des paramètres physiques liés à l’APA, comme le poids corporel, ne différaient pas significativement entre les deux groupes à la fin de l’intervention. Le fait que le recrutement de l’essai se soit étendu sur 15 ans, couplé à la baisse de l’observance tout au long du programme, témoigne de la difficulté de mettre en place une telle intervention structurée et au long cours, d’autant plus en vie réelle. Si la balance bénéfices-risques est clairement en faveur de la pratique d’une APA, cette étude souligne surtout l’importance d’accompagner les patients vers un changement comportemental, au-delà de seulement les informer des bénéfices de l’activité physique.