Aujourd’hui, des approches non invasives sont à l’étude pour dépister le cancer du poumon au stade précoce : elles reposent sur l’analyse de marqueurs spécifiques contenus dans de l’air expiré des patients. Un nouveau capteur ultrasensible fonctionnant à l’échelle nanométrique est prometteur, selon une étude parue récemment.

Troisième cancer le plus fréquent de France et première cause de décès par cancer, le cancer du poumon a un pronostic médiocre (taux de survie à 5 ans de 20 %). En effet, 40 % à 55 % des patients sont diagnostiqués à un stade métastatique, dont le taux de survie à 5 ans n’est que de 4 %. Un vrai manque à gagner, quand la survie à 5 ans après un diagnostic à un stade localisé atteint 53 %.

Le principe du dépistage du cancer du poumon par analyse de l’air expiré repose sur l’analyse des composés organiques volatiles (COV) que l’on y trouve. En identifiant des signatures spécifiques de COV chez des patients pris en charge pour un cancer bronchopulmonaire, cette technique peut ensuite servir de test de dépistage. Le recueil de l’air expiré est simple, non invasif, et peut être réalisé à l’occasion d’une consultation ou d’épreuves fonctionnelles respiratoires.

L’isoprène, biomarqueur typique d’un métabolisme anormal du cholestérol, est moins présent dans l’air exhalé par des malades que par des individus sains (presque moitié moins). Toutefois, repérer cette anomalie nécessite des capteurs ultrasensibles – les concentrations étant en parties par milliards (ppb) –, mais aussi sélectifs et résistants à l’humidité de l’air exhalé.

Pour répondre à ce défi technique, des chercheurs de l’université du Zhejiang (Chine) ont développé un nouveau matériau, Pt@InNiOx, constitué de nanoflocons d’oxyde d’indium(III) (In2O3). L’incorporation de nickel et de platine à ces nanoflocons d’In2O3 en modifie l’environnement chimique local, améliorant la détection de l’isoprène tout en rendant ce matériau robuste face à l’humidité de l’air expiré. Les auteurs chinois montrent que le Pt@InNiOx atteint une limite de détection de l’isoprène à 2 ppb, le rendant apte à déterminer les concentrations exhalées par l’homme (quelques dizaines de ppb).

Afin de vérifier l’efficacité en vie réelle, les chercheurs ont incorporé ce matériau dans un capteur numérique portable expérimental doté d’un embout buccal. Ce dispositif est capable de mesurer de l’isoprène exhalé dans des concentrations allant de 2 à 200 ppb, avec une précision de 0,1 ppb. Il a servi à analyser le souffle exhalé par 13 sujets (8 individus sains et 5 malades atteints de cancer du poumon). À l’issue de ces tests, le dispositif indique que les malades avaient tous une concentration d’isoprène inférieure à 40 ppb, bien distincte de celle des individus sains qui excédait 60 ppb.

Pour les auteurs, ce résultat souligne le potentiel de Pt@InNiOx à offrir en vie réelle un diagnostic rapide et bon marché du cancer du poumon. Toutefois, le lien entre la concentration d’isoprène et la physiopathologie cancéreuse reste mal comprise, et ces résultats ne concernent qu’un faible échantillon d’individus, appelant à davantage de recherche pour évaluer ce matériel.

Pour en savoir plus
Cheng Y, Portela R, Wang P, et al. Ultrasensitive In2O3‑Based Nanoflakes for Lung Cancer Diagnosis and the Sensing Mechanism Investigated by Operando Spectroscopy.  ACS Sensors 6 novembre 2024.