Selon une nouvelle étude du Centre international de recherche sur le cancer, le nombre de nouveaux cas de cancers de l’estomac dans la génération qui a aujourd’hui entre 8 et 18 ans atteindra 15 millions dans le monde, alors que les trois quarts pourraient être évités car liés à l’infection par H. pylori.

Pour réaliser ces projections, des chercheurs du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de l’OMS ont utilisé les données d’incidence des cancers gastriques standardisées sur l’âge de l’année 2022 pour 185 pays, dont la France. Ces dernières sont issues de la base de données du CIRC, et complétées par des projections démographiques et de mortalité réalisées par les Nations unies. La modélisation était fondée sur l’hypothèse que la situation dans le futur resterait la même qu’en 2022, c’est-à-dire que les taux d’incidence de 2022 ont été appliqués aux personnes nées entre 2008 et 2017 pour estimer le nombre cumulé de cancers gastriques survenant jusqu’à l’âge de 84 ans dans cette cohorte.

La modélisation était complétée par des données portant sur les proportions des sous-types de cancer de l’estomac (dont la relation avec H. pylori diffère) dans les pays étudiés, ainsi que sur la part de cancers attribuables à l’infection par H. pylori d’après plusieurs études longitudinales précédentes. L’objectif était de mieux estimer le nombre de cancers qui pourraient évités par le traitement de cette infection chez les personnes nées entre 2008 et 2017.

En France, plus de 70 000 cas prévus chez les personnes nées entre 2008 et 2017

Résultat : si la situation demeure la même qu’aujourd’hui, il y aura 15,6 millions de cas de cancers de l’estomac parmi les personnes nées entre 2008 et 2017 dans les 185 pays étudiés, au cours de leur vie entière (jusqu’au 84e anniversaire). La majorité de cas (76 %) peuvent être attribués à H. pylori , et sont donc potentiellement évitables.

De plus, les chercheurs ont comparé le nombre de cas de cancer gastrique attendus dans cette cohorte à différents âges (par tranches de 5 ans jusqu’à 84 ans) au nombre de cas observés dans ces mêmes tranches d’âge en 2022. Cette analyse a révélé une augmentation significative du nombre de cas dans tous les continents, concentrée surtout au-delà de 50 ans, mais très différente selon les continents : si l’Afrique connaît une multiplication des cas par près de 6 par rapport à 2022, en Europe le ratio reste globalement proche de 1, quoiqu’un peu plus élevé dans les tranches d’âge supérieures (> 75 ans). Cette augmentation est liée majoritairement à des facteurs démographiques puisque dans cette modélisation le risque stable est supposé pour ce cancer (taux d’incidence de 2022 pris comme base pour tous les calculs). 

D’après ces estimations, c’est en Asie – notamment en Chine et en Inde – que surviendront majoritairement ces cas (68 %) ; les Amériques (13 %), l’Afrique (11 %) et l’Europe (8 %, soit environ 1,2 million de cas) sont loin derrière.

Pour la France, les chercheurs estiment que 73 711 cas de cancers gastriques surviendront dans la génération étudiée, dont 43 847, soit près de 60 %, seraient attribuables à l’infection par H. pylori .

Vers le dépistage et l’éradication systématiques ?

En se basant sur des études précédentes, dont des essais randomisés, portant sur la prévention de ce cancer par l’éradication d’H. pylori, les chercheurs ont ensuite modélisé l’effet qu’aurait, au niveau de la population, la mise en place de stratégies de dépistage et traitement de cette infection bactérienne. Ils ont estimé que, dans les cas où ces stratégies seraient efficaces à 100 %, trois quarts des cancers de l’estomac prévus dans cette cohorte seraient évités. Même en postulant une moindre efficacité de ces stratégies (80 à 90 %), la part des cancers évitables reste au-dessus de 60 %.

Ainsi, ils arguent que leurs résultats montrent « clairement les bénéfices potentiels d’une stratégie de dépistage et de traitement de l’infection par H. pylori à l’échelle de la population pour réduire le nombre des futurs cas de cancer gastrique », en association à un diagnostic précoce ciblant les patients symptomatiques. Ils notent que l’éradication d’H. pylori a montré une efficacité en prévention de ces cancers même chez des sujets en bonne santé, comme noté dans des méta-analyses sur le sujet, ici et – quoique l’effet sur la mortalité reste à démontrer.

D’autres aspects resteraient à évaluer, tels que la faisabilité, le rapport coût-efficacité et d’autres effets liés à une large prescription d’antibiothérapies, notamment les conséquences sur l’antibiorésistance – alors qu’une hausse continue de la résistance aux antibiotiques est constatée pour cette bactérie depuis quelques années, ayant motivé des mises à jour récentes des recommandations d’antibiothérapie guidée par l’antibiogramme.

En Europe, des programmes pilotes sont en cours pour évaluer la faisabilité et l’efficacité des stratégies de dépistage et traitement à grande échelle de l’infection par H. pylori en prévention du cancer de l’estomac, mais aussi des stratégies de dépistage organisé de ce cancer (EUROHELICAN et TOGAS). Les dernières recommandations européennes (2022) sur l’infection par H. pylori soulignaient déjà que la recherche et le traitement de cette infection ne devraient plus être réservés aux cas symptomatiques. En raison des limites à la faisabilité de cette stratégie, elles préconisaient de cibler en priorité les patients ayant des symptômes dyspeptiques non explorés.

Pour en savoir plus
Young Park J, Georges D, Alberts CJ, et al. Global lifetime estimates of expected and preventable gastric cancers across 185 countries. Nat Med 7 juillet 2025.

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