La défiance vaccinale est souvent utilisée dans les débats contemporains pour avancer une remise en cause possible de la science en général. Cependant, ces débats sont peu ancrés dans la littérature scientifique.À partir des années 1970, des enquêtes ont permis d’approcher le rapport des Français à la science. Elles incluent deux items principaux : « Faites-vous confiance à la science ? » ; « Est-ce que la science a apporté plus ou moins de bien ou de mal ? ». Il n’existe pas de transformation majeure du rapport à la science en matière de confiance pendant les années 2000, mais on observe un impact au cours des années 1980 sur l’apport de la science. Ceci ne correspond pas à l’évolution de la vaccination en France pendant cette période. Un tournant a été observé au cours de la grippe H1N1 et ultérieurement. Les personnes au coeur des controverses ont, au moins en apparence, les crédits de la science (médecins, scientifiques). Il ne s’agit pas d’une opposition en général mais plutôt de l’apparition d’un désaccord au sein du milieu scientifique qui s’est illustré, par exemple pendant le Covid, autour de la vaccination des enfants.Les enquêtes de Santé publique France depuis les années 2000 montrent peu de remise en cause du principe même de la vaccination, mais des doutes ciblés sur certains vaccins. La rougeole est épargnée (en France) par le doute, qui concerne en revanche la grippe, l’hépatite B, le papillomavirus humain (HPV). Peu de personnes généralisent à l’ensemble des vaccins le doute qu’ils ont sur un vaccin en particulier.Comme pour d’autres sujets scientifiques, la remise en cause des recommandations en matière de vaccination repose sur l’impression que celles-ci ne sont pas fondées sur la science mais traduisent l’influence de forces externes, tous les intervenants dans les débats publics se réclamant de la science, légitimement ou non. Ceci entraîne une défiance vis-à-vis des agences de santé et du gouvernement. Les doutes s’ancrent dans une demande de science sérieuse, de transparence des données sur les vaccins. L’enjeu principal est donc la confiance dans les différents acteurs impliqués dans la vaccination.

Jeremy Ward, chercheur Inserm en sociologie, Paris, France

8 octobre 2024