Quelles complications ?
Une température de l’air ambiant supérieure à 30 °C altère les mécanismes de thermorégulation qui sont à l’œuvre lors d’une activité physique. En effet, la température et l’humidité ambiantes, mais aussi la radiation solaire, agissent sur le transfert de chaleur entre le corps de la personne et l’environnement – transfert qui se fait majoritairement grâce à l’évaporation de la chaleur corporelle par les voies respiratoires, et surtout par la sudation transcutanée.
Dans ces conditions, si l’intensité ou la durée d’exercice est trop élevée – d’autant plus chez des sujets mal entraînés ou non adaptés à un tel environnement, et en présence de certains facteurs de risque (v. encadré 1) –, la chaleur produite dépasse les mécanismes de thermorégulation de l’organisme et n’est pas correctement dissipée dans l’environnement.
L’hyperthermie d’exercice qui en découle, aussi appelée coup de chaleur d’exercice, se définit par une température corporelle centrale supérieure à 40 °C (voire dès 38,5 °C), et des troubles neurologiques. L’hyperthermie peut déclencher une réaction inflammatoire systémique dont les conséquences peuvent être graves (défaillance multiviscérale).
Le tableau clinique va des signes relativement bénins – hyperthermie inconstante (< 40 °C), crampes, troubles digestifs, céphalées, vertiges –, de résolution rapide avec la cessation de l’effort et le refroidissement, jusqu’à la défaillance multiviscérale potentiellement fatale.
Ces complications peuvent associer des troubles :
- du système nerveux central : hyperexcitabilité, irritabilité, altération du jugement, état confusionnel pouvant aller jusqu’au coma, convulsions surtout lors du refroidissement ; des hémorragies cérébrales, en lien avec les troubles de la coagulation, sont rares ;
- cardiovasculaires : tableau hyperdynamique chez le patient en bonne santé, avec risque de collapsus ; possibilité de choc cardiogène chez l’insuffisant cardiaque ; coagulation intravasculaire disséminée avec thrombocytopénie importante ;
- hépatiques : fréquents (notamment cytolyse hépatique), ils surviennent souvent 24 à 48 heures après l’événement, même si l’hyperthermie s’est résolue entre temps (surveillance nécessaire) ;
- musculaires : mort cellulaire ou rhabdomyolyse ;
- rénales : une insuffisance rénale aiguë est fréquemment décrite, liée à l’hypovolémie, mais aussi secondaire à la rhabdomyolyse ;
- respiratoires : symptômes pouvant aller de la tachypnée au syndrome de détresse respiratoire aiguë.
La prise en charge initiale repose sur l’arrêt immédiat de l’effort et un refroidissement rapide, en moins de 30 min, puisque le pronostic est directement lié à la durée de l’exposition au stress thermique. L’immersion dans l’eau froide (< 20° C) est la méthode préconisée, mais l’application de la glace sur le cou, les aisselles et les plis de l’aine, tout en plaçant le patient dans un endroit frais et en humidifiant sa surface corporelle, est aussi une option. Une hospitalisation est nécessaire en cas de complications.
Comment prévenir l’hyperthermie d’effort ?
Lors d’épisodes caniculaires, les mesures recommandées aux sportifs pour prévenir l’hyperthermie d’effort sont (d’après Santé publique France, BEH n° 7, 2025) :
- éviter tout exercice à l’extérieur, en les remplaçant par des séances en salle climatisée. Les séances d’entraînement ou les compétitions devraient se tenir aux heures les plus fraîches (tôt le matin) ;
- éviter tout effort maximal lors des premiers jours caniculaires afin de permettre une meilleure acclimatation de l’organisme. Ensuite, la durée et l’intensité des exercices doivent être augmentés progressivement ;
- choisir une tenue appropriée de couleur claire permettant la transpiration et, si possible, protégeant des UV. Pour les sports nécessitant un équipement de protection, réduire le port de certaines pièces lors des premiers entraînements en condition chaude ;
- appliquer de la crème solaire à base d’eau (indice de protection > 25) ;
- augmenter les périodes de récupération (longueur et fréquence) et planifier des périodes prolongées (3 à 6 heures) entre chaque séance d’entraînement, voire éviter de pratiquer deux jours consécutifs lorsque la température la nuit ne permet pas la récupération ;
- s’hydrater plusqu’habituellement, mais sans dépasser les capacités d’élimination des reins (risque d’hyponatrémie par dilution) : débuter la pratique normohydratée et maintenir l’équilibre hydrique, avec un apport supplémentaire en sels minéraux (solutions contenant 0,5 à 0,7 g/L de sodium) ;
- se familiariser avec les stratégies de refroidissement (v. ci-dessus) : en cas de suspicion d’hyperthermie, il faut refroidir très rapidement, en moins de 30 minutes.
Pour les sportifs de haut niveau ou pratiquant des compétitions, des recommandations de prévention plus précises (acclimatation, hydratation, refroidissement) sont listées dans l’encadré 2 ci-dessous.
1. Facteurs augmentant le risque de coup de chaleur d’exercice
Âge supérieur à 40 ans
Obésité (IMC > 30 kg/m2)
Niveau physique insuffisant ou mauvaise préparation physique
Déshydratation préalable
Manque de sommeil
Infection latente ou récente (surtout accompagnée de diarrhée)
Consommation d’alcool
Antécédents médicaux en lien avec des coups de chaleur
Trait drépanocytaire (plus important chez les personnes originaires d’Afrique et certaines populations asiatiques)
Prise de certains médicaments (diurétiques, antidépresseurs, AINS)
2. Recommandations de prévention du coup de chaleur pour les athlètes
Acclimatation
L’acclimatation à la chaleur induit des adaptations physiologiques (expansion du volume plasmatique sanguin, amélioration de l’efficacité cardiovasculaire et du flux sanguin, augmentation de la sudation…) qui permettent d’améliorer la thermorégulation, la tolérance physiologique et psychocognitive a la chaleur, voire la performance sportive.
Cette acclimatation peut passer par :
- un entraînement des capacités cardiorespiratoires, avec par exemple 2 à 3 séances de 30 à 45 minutes/semaine à 70 - 80 % de la fréquence cardiaque maximale, permet des adaptations partielles a la chaleur, en particulier chez les athlètes bien entraînés ;
- dans les jours précédents, une exposition répétée a un stress thermique (par exemple 60 - 90 minutes à 35 - 40 °C et 40 % d’humidité relative) permet une acclimatation partielle de l’organisme.
Hydratation
Il est difficile de prôner une stratégie unique d’hydratation, car la balance hydrique de chacun dépend du taux de transpiration, qui est lui-même variable.
Il faut, bien sûr, prévenir le risque de déshydratation induit par l’augmentation de la sudation, en buvant suffisamment. Toutefois, l’hyperhydratation avant et/ou pendant des épreuves d’endurance ou d’ultra-endurance est délétère. De nombreux athlètes la pratiquent, avec la croyance erronée que cela prévient non seulement le coup de chaleur, mais aussi la fatigue et les crampes musculaires ; or elle peut conduire à des troubles intracellulaires importants (hyponatrémie aux conséquences parfois très graves) lorsque l’ingestion d’eau ou de boissons hypotoniques – même des boissons dites « sportives » ! – dépasse les pertes hydriques et électrolytiques corporelles.
C’est pourquoi Santé publique France préconise de s’aider de l’alerte de la soif pour guider opportunément les apports hydriques, ce qui permet de limiter les consommations excessives.
Refroidissement
Des stratégies de refroidissement avant, pendant et après l’exercice peuvent être utiles :
- application externe, qu’elle soit systémique (immersion du corps entier en eau froide) ou locale (immersion partielle, poches de glace, vêtement réfrigérant, application ou rinçage de bouche au menthol) ;
- interne (boisson froide à 4° C ou glace pilée) ;
- ou combinée.
Leur mise en place dépend du sport pratiqué et des préférences de la personne. Elles sont particulièrement importantes dans les sports d’endurance ou les activités limitant la possibilité d’hydratation.
Mais attention : le refroidissement pendant l’exercice peut perturber les stratégies de gestion d’effort ou nuire à la capacité d’autodétection du stress thermique.
Chaffard C, Delignette MC, Guichon C, et al. Coup de chaleur d’exercice, il y a urgence à refroidir. Anesth & Reanim 2024;10(4);388-98.
Salathé C, Liaudet L, Pellaton C, et al. Le coup de chaleur d’exercice. Rev Med Suisse 12 décembre 2012.