L’allergie aux protéines de lait de vache IgE-médiée a souvent un bon pronostic, mais les formes sévères et persistantes sont redoutables car leur prise en charge est très difficile et l’impact sur la qualité de vie majeur. Quelles sont les mesures qui ont fait leurs preuves en prévention ? L’allaitement maternel est-il protecteur ? Quand introduire le lait de vache en cas d’allaitement, notamment chez les enfants à risque atopique ?

L’allergie aux protéines de lait de vache (APLV) est la plus précoce en termes d’apparition puisque l’alimentation initiale du nouveau-né est exclusivement lactée. C’est la quatrième allergie alimentaire chez les plus de 2 ans, derrière l’œuf, l’arachide et le poisson. La prévalence chez l’enfant varie entre 0,5 et 2 % selon les pays. Son évolution est spontanément favorable dans la majorité des cas : dans les formes IgE-médiées, la tolérance est acquise dans 50 % des cas avant l’âge de 5 ans, et dans 80 % des cas à l’adolescence. Cependant, les APLV sévères et persistantes sont un sujet préoccupant : elles sont à haut risque anaphylactique et affectent lourdement la qualité de vie de l’enfant et sa famille, le lait étant un allergène ubiquitaire.

L’allaitement maternel n’est pas protecteur

Une revue systématique et méta-analyse parue en 2015 – incluant douze études dont six prospectives – a tranché : l’allaitement maternel ne protège pas de l’APLV (ni d’autres allergies alimentaires).1

Proscrire la « dangerous bottle »

Plusieurs études ont mis en évidence le rôle néfaste d’une supplémentation de lait 1er âge à la maternité en attendant la montée de lait. D’après une étude finlandaise prospective sur plus de 6 000 bébés allaités, une supplémentation pendant les premiers 3 jours de vie favorise l’apparition d’une APLV lors de la réexposition ultérieure au lait de vache.2

De même, une étude rétrospective irlandaise montre que la supplémentation de lait de vache au 1er jour de vie chez les nourrissons allaités ensuite de façon exclusive augmente de 7 fois le risque de développer une APLV.3

Ainsi, il faudrait veiller à ce qu’aucun nouveau-né dont la mère désire un allaitement exclusif ne soit exposé à des PLV potentiellement sensibilisantes.

Exposer au lait de vache pour induire la tolérance

Une étude cas-témoins montre que si l’introduction du lait de vache est débutée plus de 1 mois après la naissance où s’il est donné de façon irrégulière, le risque de développer une APLV est multiplié par 24 par rapport au groupe contrôle.4 Les résultats d’autres études observationnelles vont dans le même sens : l’introduction précoce du lait de vache et sa prise régulière – notamment en population atopique – semblent favoriser l’apparition d’une tolérance vis-à vis de ce dernier.

Parmi les études interventionnelles (moins nombreuses), un essai contrôlé randomisé a tenté d’évaluer si l’introduction de lait de vache à 1 mois de vie pouvait prévenir l’APLV en population générale. Il a inclus 504 nourrissons randomisés en deux groupes : prise de 10 mL de lait par jour en complément de l’allaitement ; éviction du lait et allaitement exclusif jusqu’à l’âge de 2 mois. À 6 mois, 0,8 % des nourrissons ayant bénéficié des 10 mL de lait par jour avaient une APLV, contre 6,8 % dans le groupe « éviction ». Étant donné que la plupart des nourrissons dans cette étude avaient déjà été exposés au lait de vache avant l’âge de 1 mois (90 % en maternité et 30 à 40 % avant 1 mois), il semble que ce soit l’arrêt entre 1 et 2 mois qui joue un rôle sensibilisant et allergisant. En revanche, l’apport de 10 mL de lait par jour a permis de maintenir la tolérance : cette petite dose devrait donc être suffisante pour obtenir un effet protecteur du lait de vache.5

Recos de prévention

Compte tenu de ces données, les allergologues ont élaboré des recommandations de prévention primaire de l’APLV. On distingue 2 cas de figure.

Si l’allaitement maternel exclusif est souhaité :

– à la maternité, ne pas donner de compléments de lait 1er âge en attendant la montée de lait (ils favorisent l’APLV ultérieure) ; si nécessité médicale de compléments, utiliser un hydrolysat poussé de protéines de lait de vache ou de protéines de riz, ou une formule d’acides aminés ;

– chez un nourrisson à risque atopique, discuter avec la famille de l’introduction précoce des PLV (10 mL par jour à la petite cuillère ou à la seringue tout en préservant l’allaitement maternel). En effet, plusieurs études observationnelles ont suggéré que l’introduction du lait de vache avant 3 mois diminuait nettement le risque d’APLV.

Si l’allaitement mixte est souhaité : introduire le lait 1er âge de façon quotidienne dès les premières semaines en complément de l’allaitement.

Références
1. Lodge CJ, Than DJ, Lau MXZ, et al. Breastfeeding and asthma and allergies: a systematic review and meta-analysis.  Acta Paediatr 2015;104(467):38-53.
2. Saarinen KM, Juntunen-Backman K, Järvenpää AL, et al. Supplementary feeding in maternity hospitals and the risk of cow’s milk allergy: A prospective study of 6209 infants.  J Allergy Clin Immunol 1999;104(2 Pt 1):457-61.
3. Kelly E, DunnGalvin G, Murphy BP, et al. Formula supplementation remains a risk for cow’s milk allergy in breast-fed infants.  Pediatr Allergy Immunol 2019;30(8):810-6.
4. Onizawa Y, Noguchi E, Okada M, et al. The Association of the Delayed Introduction of Cow’s Milk with IgE-Mediated Cow’s Milk Allergies.  J Allergy Clin Immunol Pract 2016;4(3):481-8.
5. Sakihara T, Otsuji K, Arakaki Y, et al. Randomized trial of early infant formula introduction to prevent cow’s milk allergy.  J Allergy Clin Immunol 2021;147(1):224-32.e8.
Pour en savoir plus :
Sabouraud-Leclerc D. Prévention primaire de l’APLV : que peut-on proposer en 2024 ?  Réalités pédiatriques 24 octobre 2024.
Quéquet C. Allergie aux protéines de lait de vache : des repères pour le MG.  Rev Prat (en ligne) 7 octobre 2022.

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