Un homme de 58 ans avait consulté il y a un an pour des paresthésies touchant les deux derniers doigts de la main droite. L’examen clinique n’avait révélé aucun trouble sensitif ; il n’existait aucun déficit moteur, et les réflexes ostéotendineux étaient présents. L’électromyogramme (EMG) n’avait mis en évidence aucune atteinte ulnaire ou radiculaire C8. Un traitement symptomatique avait été prescrit avec succès.
Par la suite, le patient a été revu épisodiquement pour le même motif, avec mise en place d’un traitement symptomatique par anti-inflammatoires et port nocturne d’une attelle de décoaptation cubitale.
Deux ans après le premier épisode, il reconsulte pour le même motif. Un nouvel EMG révèle un ralentissement de la vitesse de conduction du nerf ulnaire droit au niveau du coude. Une échographie dynamique du coude met en évidence un gonflement fusiforme du nerf ulnaire dans la gouttière cubitale ainsi qu’une luxation du nerf ulnaire au-delà de la tubérosité condylienne lors de la flexion de l’avant-bras sur le bras (fig. 1 et 2). Une transposition cubitale est effectuée (fig. 3) permettant la disparition des symptômes en quelques semaines.

La compression du nerf ulnaire au coude est la plus fréquente des neuropathies canalaires, après le syndrome du canal carpien. Dans cette région anatomique, le nerf ulnaire peut être traumatisé par compression (tunnel cubital ou par le ligament d’Osborne) ou victime de luxations répétitives. Ces luxations sont favorisées par une faiblesse du ligament d’Osborne, constituant le toit du tunnel cubital, parfois associées à une luxation du chef médial du triceps situé au-dessus de l’épicondyle médial. Cette instabilité du nerf ulnaire génère ainsi un conflit répétitif avec l’épicondyle médial. Lors des mouvements de flexion et d’extension du coude, le nerf passe au-dessus du relief osseux. Durant la flexion du coude, la distance entre l’olécrane et l’épitrochlée augmente, aboutissant à une réduction du diamètre du tunnel cubital et à un allongement du nerf ulnaire pouvant atteindre 4,7 mm,1 avec un refoulement antérieur du nerf par le muscle triceps.

Le tableau clinique débute habituellement par des ­paresthésies touchant les deux derniers doigts et la face interne de la main mais respectant l’avant-bras, contrairement aux atteintes radiculaires. Volontiers nocturnes au début, les troubles sensitifs peuvent se compléter par l’apparition de symptômes moteurs avec atrophie des muscles interosseux et griffe cubitale. Le patient rapporte une sensation de ressaut lors de la flexion du coude et l’existence d’un signe de Tinel. La luxation du nerf peut être palpable à l’examen clinique.

Le diagnostic est posé après réalisation d’une échographie dynamique en flexion et en extension montrant la luxation du nerf ulnaire à la flexion. L’électromyogramme est, quant à lui, moins sensible, pouvant objectiver un bloc de conduction cubital et un ralentissement de la vitesse de conduction au niveau du coude.

Le choix du traitement est dicté par la sévérité des symptômes moteurs et sensitifs. Un traitement conservateur peut être envisagé en premier lieu, en l’absence de signe moteur ou sensitif. Les flexions prolongées du coude sont à éviter, avec parfois la nécessité d’un recours aux ­attelles d’extension nocturnes à 30 °. Dans les autres cas, le traitement est chirurgical et consiste en une transposition antérieure du nerf cubital.

Référence
1. Cambon-Binder A. Ulnar neuropathy at the elbow. Orthop Traumatol Surg Res 2021;107(1S):102754. 

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