Deux recommandations publiées cet été clarifient l’accompagnement et l’orientation vis-à-vis de la conduite automobile pour les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou de maladies apparentées, ainsi que pour celles souffrant de la maladie de Parkinson ou d’un syndrome parkinsonien. Qu’en retenir pour les MG ?

En 2024, les tranches d’âge les plus touchées par la mortalité routière, après les 18 - 24 ans, étaient celles des personnes âgées : les 85 ans et plus (2e taux de mortalité le plus élevé), suivis des 75 - 84 ans. Parmi les facteurs de risque liés à l’âge, la progression des maladies de Parkinson (MP) et d’Alzheimer (MA) constitue un danger pour tous les usagers de la route. Mais à partir de quand ces pathologies deviennent-elles incompatibles avec la conduite ?

Pour répondre à cette question, le médecin traitant joue un rôle essentiel dans l’émission de recommandations, mais aussi dans l’information du patient (notamment sur l’obligation de consulter un médecin agréé pour le contrôle médical de l’aptitude à la conduite). Toutefois, seul le médecin agréé ou la commission médicale peuvent donner un avis d’incompatibilité temporaire ou définitive à la conduite, ou de compatibilité (avec ou sans condition). Si l’avis du médecin traitant est seulement consultatif, le patient qui continuerait à conduire malgré ce dernier sans voir un médecin agréé engagerait sa responsabilité civile et pénale.

L’arrêté du 28 mars 2022 fixe la liste des affections médicales qui requièrent un contrôle médical pour l’obtention, le renouvellement ou le maintien du permis de conduire. Il distingue deux catégories de permis de conduire : le « groupe léger » (permis A1, A2, A, B1, B et BE), et le « groupe lourd » (permis C1, C1E, C, CE, D1, D1E, D et DE) – auquel s’adjoignent les utilisateurs des permis A et B dans le cadre d’activités professionnelles (taxi, auto-école, ambulance, etc.). Bien qu’il indique les conditions de compatibilité ou non de la MA et de la MP avec la conduite (voir tableau 1), ce cadre légal reste assez flou sur la manière d’évaluer médicalement ces (in)compatibilités.

Afin de le compléter, la Délégation à la sécurité routière (DSR), en partenariat avec la Société française de gériatrie et gérontologie (SFGG) et la Fédération des centres mémoire (FCM), a publié fin juillet 2025 de nouvelles recommandations sur l’évaluation de l’aptitude à la conduite automobile des conducteurs atteints de MAMA (pour MA et maladies apparentées : maladie à corps de Lewy, dégénérescence lobaire frontotemporale, démence vasculaire, dégénérescence corticobasale, etc.). Ces recos proposent aux médecins traitants une démarche d’évaluation d’un trouble cognitif connu ou suspecté chez un conducteur du groupe léger (cette démarche n’est pas proposée pour le groupe lourd : ces conducteurs professionnels passent régulièrement un contrôle médical chez un médecin agréé, et reçoivent une incompatibilité définitive dès le diagnostic confirmé). Pour rappel, les médecins traitants ne peuvent pas répondre directement aux questions du médecin agréé au sujet d’un de leurs patients, les échanges ne pouvant se faire que par l’intermédiaire du patient.

La démarche d’évaluation pour le médecin traitant repose sur un protocole d’évaluation simplifié à destination des MG, adapté au temps dont ils disposent et basé sur des outils connus et standardisés comme le GPCog  (ou le seul test de l’horloge, présent dans le GPCog, si le temps manque), et sur un autoquestionnaire pour le patient et pour l’accompagnant qui a pour vocation à dépister des signaux d’alerte (pertes de repères, non reconnaissance de certains panneaux, accrochages récents, difficultés pour utiliser la voiture…). Ces documents se retrouvent en annexe de la publication ci-jointe, ainsi que les avis à donner suivant les résultats de ces évaluations (voir figure 1). Si le MG suspecte une incompatibilité, il conseille l’arrêt de la conduite et demande un avis spécialisé auprès d’une équipe pluriprofessionnelle qui comprend au moins un médecin spécialiste. S’il considère que le patient a des troubles cognitifs inconciliables avec la conduite, le MG dit à son patient de ne pas reprendre le volant dès la sortie de la consultation et inscrit dans le dossier de ce dernier le fait qu’il a donné cette information. Dans le cas où il est certain que le patient n’a pas de troubles, il doit également l’annoncer à son patient et inscrire dans son dossier le fait qu’il a donné cette information.

La publication fournit aussi un protocole d’évaluation personnalisée à destination des consultations mémoire, reposant sur une évaluation pluriprofessionnelle neuropsychologique (test TMT-B, test des codes de Wechsler de la WAIS-R, évaluation des habiletés perceptivomotrices), neurologique et globale (comorbidités et traitements psychotropes) et les mêmes autoquestionnaires (patient et accompagnant). En fonction du résultat de l’équipe pluriprofessionnelle, le médecin spécialiste informe son patient du stade des troubles cognitifs constatés et il inscrit dans son dossier le fait qu’il a donné cette information à son patient ainsi que le conseil pour la conduite en fonction du stade constaté.

Des recos sont également disponibles pour le médecin agréé.

En parallèle de ces lignes directrices, la Société francophone des mouvements anormaux (SOFMA) a publié mi-août 2025 des recommandations pour les spécialistes, concernant l’orientation vis-à-vis de la conduite automobile des personnes atteintes de MP ou d’un syndrome parkinsonien. Même si ces guidelines ne sont pas destinées aux MG, elles permettent de dégager plusieurs facteurs de risque concernant la conduite. La société savante recommande par exemple de rechercher quatre éléments généraux qui indiquent un risque élevé d’accident :

  • un âge > 75 ans ;
  • une durée d’évolution > 8 ans ;
  • une dose quotidienne de lévodopa > 585 mg ;
  • la survenue d’accidents ou de « quasi-collisions » lors des derniers mois, de contraventions, ou l’inquiétude des passagers.

Les auteurs notent que l’inquiétude des proches est un signal d’alerte fort, expliquant là-aussi la proposition de questionnaires distincts à destination des patients et des accompagnants (voir figures 2A et 2B).

Au-delà de cette première évaluation générale de la maladie, ils soulignent aussi l’importance de rechercher les troubles moteurs, cognitifs, ou encore comportementaux susceptibles de provoquer un accident de la route (voir résumé en tableau 2 ; la liste complète des signes à rechercher est détaillée dans la publication). Enfin, les auteurs recommandent que la conduite automobile soit par principe déconseillée en cas de syndrome parkinsonien dégénératif autre que la MP, sauf avis contraire argumenté d’un expert des mouvements anormaux.

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